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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS
À
LA COMMUNAUTÉ DE VIE CHRÉTIENNE (CVX) - LIGUE MISSIONNAIRE DES ÉTUDIANTS D'ITALIE

Salle Paul VI
Jeudi 30 avril 2015

[Multimédia]


 

RÉPONSES IMPROVISÉES DONNÉES PAR LE SAINT-PÈRE AUX QUESTIONS QUI LUI ONT ÉTÉ ADRESSÉES AU COURS DE LA RENCONTRE

La première question a été posée par Paola qui, racontant son expérience de service dans la prison d’Argillà (Reggio Calabria), a demandé au Pape comment parler d’espérance à un condamné à perpétuité et comment celui qui est appelé à être aux côtés de ceux qui souffrent, peut affiner sa propre conscience.

Paola, j’ai écrit ici tes deux questions: il y en a deux! Tu sais que j’aime dire — c’est une manière de dire, mais c’est la vérité de l’Evangile — que nous devons sortir et aller jusqu’aux périphéries. Sortir également pour aller à la périphérie de la transcendance divine dans la prière, mais toujours sortir. La prison est l’une des périphéries les plus difficiles, où l’on trouve le plus de douleur. Se rendre dans une prison signifie tout d’abord se dire à soi-même: «Si je ne suis pas là, comme cette personne, c’est par pure grâce de Dieu. Si nous ne sommes pas tombés dans ces erreurs, également dans ces délits ou ces crimes, certains graves, c’est parce que le Seigneur nous a tenus par la main. On ne peut pas entrer dans une prison avec l’esprit de celui qui dit: «Je viens ici te parler de Dieu, car, tu le sais bien, tu es d’une classe inférieure, tu es un pécheur...». Non, non! Je suis plus pécheur que toi, et cela est le premier pas. Dans une prison on peut le dire avec beaucoup de courage: mais nous devons toujours le dire. Quand nous allons prêcher Jésus Christ à des personnes qui ne le connaissent pas, ou qui mènent une vie qui ne semble pas très morale, il faut penser être davantage pécheur qu’elles, car si je ne suis pas tombé dans cette situation, c’est par la grâce de Dieu. Cela est une condition indispensable. Nous ne pouvons pas aller dans les périphéries sans avoir cette conscience. Paul, Paul avait cette conscience. Il dit de lui-même qu’il est le plus grand pécheur. Il dit aussi une parole très vilaine sur lui-même: «Je suis un avorton» (cf. 1 Co 15, 8). Mais cela est dans la Bible, c’est la Parole de Dieu, inspirée par l’Esprit Saint! Ce n’est pas faire une tête d’image pieuse, comme on le dit des saints. Les saints se sentaient pécheurs parce qu’ils avaient compris cela! Et la grâce du Seigneur nous soutient. Si toi, si moi, si chacun de vous ne comprend pas cela, il ne pourra pas exécuter le mandat de Jésus, la mission de Jésus: «Allez jusqu’aux limites du monde, dans toutes les nations, dans les périphéries» (cf. Mt 28, 20). Et qui sont ceux qui ont été incapables de recevoir cela? Les personnes fermées, les docteurs, ces docteurs de la loi, ces personnes fermées qui n’ont pas accepté Jésus, qui n’ont pas accepté son message de sortir. Elles semblaient justes, elles semblaient des personnes d’Eglise, mais Jésus leur dit une parole qui n’est pas très belle: «Hypocrites». c’est ainsi que les appelle Jésus. Et pour nous faire comprendre comment ils sont, la description que Jésus fait d’eux est: «Vous êtes des sépulcres blanchis» (cf. Mt 23, 27). Celui qui est fermé ne peut pas recevoir, il est incapable de recevoir ce courage de l’Esprit Saint, et il reste fermé et ne peut pas aller dans les périphéries. Demande au Seigneur de rester ouvert à la voix de l’Esprit, pour aller dans cette périphérie. Peut-être qu’ensuite, demain, il te demandera d’aller dans une autre, tu ne sais pas... Mais c’est toujours le Seigneur qui nous envoie. Et en prison il faut toujours dire cela, également avec les nombreuses personnes qui souffrent: pourquoi cette personne souffre et pas moi? Pourquoi cette personne ne connaît pas Dieu, n’a pas l’espérance de la vie éternelle, pense que tout finit là, et pas moi? Pourquoi cette personne est-elle accusée dans les tribunaux parce qu’elle est corrompue, ou pour autre chose..., et pas moi? Par la grâce du Seigneur! C’est la plus belle préparation pour aller dans les périphéries.

Ensuite, tu dis: «De quelle espérance vais-je parler, avec ces personnes qui sont en prison?». Beaucoup sont condamnées à mort... Non, en Italie, il n’y a pas la peine de mort, mais la prison à perpétuité... La perpétuité est une condamnation à mort, car on sait qu’on ne sortira pas de là. C’est dur. Que dire à cet homme? Que dire à cette femme? Peut-être... ne rien dire? Prendre sa main, la caresser, pleurer avec lui, pleurer avec elle... Avoir ainsi les mêmes sentiments que le Christ Jésus. S’approcher en ayant le cœur qui souffre. Très souvent, nous ne pouvons rien dire, rien, parce qu’un mot serait une offense. Seulement des gestes. Les gestes qui font voir l’amour. «Tu es condamné à perpétuité ici, mais je partage avec toi cet instant de vie de condamné à perpétuité». Ce partage dans l’amour. Rien de plus. Cela signifie semer l’amour.

Et ensuite mettre le doigt dans la plaie: «Comment affiner notre conscience, pour qu’être avec ceux qui souffrent ne soit pas simplement pour nous une œuvre de bienfaisance, mais convertisse notre cœur et nous rende capables de lutter avec courage pour un monde plus juste?» La bienfaisance est une étape: tu as faim? — Oui — Je te donne à manger, aujourd’hui. La bienfaisance est le premier pas vers la promotion. Et cela n’est pas facile. Comment aider les enfants affamés? Comment aider... Parlons des enfants à présent: comment aider les enfants sans éducation? Comment aider les enfants qui ne savent pas rire et qui, si tu leur fais une caresse, te donnent une gifle, car chez eux ils voient que leur papa donne des gifles à leur maman? Comment les aider? Comment aider les personnes qui ont perdu leur travail, comment accompagner et aider, avancer avec eux? Avec ceux qui ont besoin de travail, car sans travail une personne se sent sans dignité. Oui, d’accord, tu lui apportes à manger. Mais la dignité est que lui, elle, apportent à manger chez eux: cela donne la dignité! C’est la promotion — le président en a parlé [le Pape se réfère au président de la communauté de vie chrétienne qui a parlé auparavant, ndlr]: vous faites tant de choses... Une chose qui fait la différence entre la bienfaisance habituelle — je ne dis pas la bienfaisance pour sortir des difficultés les plus graves —, entre la bienfaisance habituelle et la promotion, est que la bienfaisance habituelle tranquillise l’âme: «Aujourd’hui j’ai donné à manger, maintenant je vais tranquillement dormir». La promotion inquiète l’âme: «Je dois faire davantage... Demain cela, et après-demain ceci, et que dois-je faire...». Cette saine inquiétude de l’Esprit Saint.

C’est ce que j’ai envie de te répondre. Que cela ne soit pas pour nous de la simple bienfaisance, mais convertisse notre cœur. Et cette inquiétude que te donne l’Esprit Saint pour trouver des voies pour aider, promouvoir nos frères et sœurs, elle t’unit à Jésus Christ: cela est la pénitence, cela est la croix, mais cela est la joie. C’est une grande, grande, grande joie que te donne l’Esprit Saint quand tu donnes cela. Je ne sais pas si ce que j’ai dit peut t’aider... Car, quand on me pose cette question, le danger — également le danger du Pape — est de croire que cela puisse répondre à toutes les questions... Mais le seul qui puisse répondre à toutes les questions est le Seigneur. Mon travail est simplement d’écouter et de dire ce que j’ai en moi. Mais c’est très insuffisant et très peu.

Tiziana, en revanche, a confié au Pape une fragilité commune à de nombreux jeunes et de perdre l’espérance. C’est pourquoi elle a demandé de l’aide pour comprendre toujours mieux que Dieu ne nous abandonne jamais.

J’aime dire aux jeunes: «Ne vous laissez pas voler l’espérance». Mais ta question va au-delà: «Mais de quelle espérance me parlez-vous, père?». Certains peuvent penser que l’espérance est d’avoir une vie confortable, une vie tranquille, atteindre un but... C’est une espérance contrôlée, une espérance qui peut aller en laboratoire. Mais si tu es dans la vie et tu travailles dans la vie, avec de nombreux problèmes, avec le grand scepticisme que la vie suscite, avec de nombreux échecs, «de quelle espérance me parlez-vous père?». En effet, je peux te dire: «Mais nous irons tous au Ciel». Oui, c’est vrai. Le Seigneur est bon. Mais je veux un monde meilleur et je suis fragile, et je ne vois pas comment on peut faire cela. Je veux «me mêler», par exemple au travail de la politique, ou de la médecine... Mais certaines fois, je trouve la corruption là-bas, et les métiers qui sont destinés à servir deviennent des affaires. Je veux «me mêler» de la vie de l’Eglise, et là aussi, le diable sème la corruption et très souvent il y a... Je me rappelle cette Via Crucis du Pape Benoît XVI, quand il nous a invités à nettoyer la souillure dans l’Eglise... Dans l’Eglise aussi il y a de la corruption. Il y a toujours quelque chose qui déçoit l’espérance et ainsi on ne peut pas... Mais l’espérance véritable est un don de Dieu, c’est un cadeau, et celle-ci ne déçoit jamais. Mais comment faire, comment faire pour comprendre que Dieu ne nous abandonne pas, que Dieu est avec nous, qu’il est en chemin avec nous? Aujourd’hui, au début de la Messe, il y avait un verset d’un psaume très beau, très beau: «O Dieu quand tu sortais à la face de ton peuple, quand tu luttais avec nous, la terre trembla et les cieux fondirent» (cf. Ps 68, 8-9.20). Oui. Mais cela ne se produit pas toujours. Il y a seulement une chose dont je suis certain — j’en suis certain, mais je ne le sens pas toujours, pourtant j’en suis certain —: Dieu marche avec son peuple. Dieu n’abandonne jamais son peuple. Il est le pasteur de son peuple. Mais quand je commets un péché, quand je fais une erreur, quand je fais une chose injuste, quand je vois tant de choses, je demande: «Seigneur où es-tu? Où es-tu?». Aujourd’hui, de nombreux innocents meurent: où es-tu, Seigneur? Est-il possible de faire quelque chose? L’espérance est l’une des vertus les plus difficiles à comprendre et certains grands esprits — je pense que Charles Péguy est l’un d’eux — disaient que c’est la plus humble des vertus, l’espérance, parce que c’est la vertu des humbles. Mais il faut beaucoup s’abaisser pour que le Seigneur nous la donne. C’est lui qui nous soutient. Mais dis-moi: quelle espérance peut avoir d’un point de vue naturel, dans un hôpital, une sœur qui depuis 40 ans est dans le service des malades en phase terminale, et qui chaque jour en voit mourir un, un autre, un autre, un autre... à un certain moment, cette femme peut dire à Dieu: «Mais c’est cela le monde que tu as fait? On peut espérer quelque chose de toi?». C’est la tentation, quand nous sommes en difficulté, quand nous voyons les violences qui se succèdent dans le monde, l’espérance semble disparaître. Mais dans un cœur humble elle reste. Il est difficile de comprendre cela car ta question est très profonde. Comment ne pas abandonner la lutte et ne pas se laisser aller à la dolce vita; en effet, sans espérance, c’est plus facile... Le service est un travail de personnes humbles, aujourd’hui nous l’avons entendu dans l’Evangile. Jésus est venu pour servir, non pour être servi. Et l’espérance est la vertu des humbles. Je crois que cela peut être la route. Je te le dis en toute sincérité: je n’ai pas d’autre réponse. Humilité et service: ces deux choses conservent la petite espérance, la vertu la plus humble, mais qui est celle qui te donne la vie.

Bartolo — prêtre diocésain formateur de séminaristes et professeur au séminaire interrégional de Campanie dirigé par les jésuites — a demandé quelle contribution spécifique peut offrir un mouvement d’inspiration ignatienne pour la formation chrétienne d’agents de la pastorale et pour la participation et l’éducation à la mondialité des jeunes?

Le président a rappelé une devise ignatienne: «Contemplatif dans l’action». Etre contemplatif dans l’action ne signifie pas marcher dans la vie en regardant le ciel, parce que l’on tombera dans un trou, cela est certain!... Il faut comprendre ce que signifie cette contemplation. Tu as dit une chose, une parole qui m’a frappé: j’ai touché du doigt les blessures du Seigneur dans les pauvretés des hommes de notre temps. Et je crois que cela est l’un des meilleurs remèdes pour une maladie qui nous frappe beaucoup, qui est l’indifférence. Le scepticisme aussi: penser que l’on ne peut rien faire. Le patron des indifférents et des sceptiques est Thomas: Thomas a dû toucher les blessures. Il y a un très beau discours, une très belle méditation de saint Bernard sur les plaies du Seigneur. Tu es prêtre, tu peux la trouver dans la troisième semaine de Carême, dans l’office des lectures, je ne me souviens plus quel jour. Entrer dans les blessures du Seigneur: nous servons un Seigneur portant les plaies de l’amour; les mains de notre Dieu sont des mains portant les plaies de l’amour. Etre capable d’y entrer... Et Bernard poursuit: «Sois confiant: entre dans la blessure de son côté et tu contempleras l’amour de ce cœur». Si tu t’approches des blessures de l’humanité, si tu les touches — et cela est la doctrine catholique — tu touches le Seigneur blessé. Tu trouveras cela dans Matthieu 25, je ne suis pas hérétique en disant cela. Quand tu touches les blessures du Seigneur, tu comprends un peu plus le mystère du Christ, du Dieu incarné. Cela est le propre du message d’Ignace, dans la spiritualité où au centre se trouve Jésus Christ, pas les institutions, pas les personnes, non. Jésus Christ. Mais le Christ incarné! Et quand tu fais les Exercices spirituels, lui te dit qu’en voyant le Seigneur qui souffre, les blessures du Seigneur, efforce-toi de pleurer, de ressentir une douleur. Et la spiritualité ignacienne donne à votre mouvement cette voie: entrer dans le cœur de Dieu à travers les blessures de Jésus Christ. Le Christ blessé chez ceux qui ont faim, chez ceux qui sont ignorants, ceux qui sont mis au rebut, chez les détenus, chez les fous... il est là. Et que pourrait être l’erreur la plus grande pour l’un de vous? Parler de Dieu, trouver Dieu, rencontrer Dieu, mais un Dieu, un «Dieu-spray», un Dieu diffusé, un Dieu éthéré... Ignace voulais que tu rencontres Jésus Christ, le Seigneur qui t’aime et a donné sa vie pour toi, blessé par le péché, par mon péché, par tous... Et les blessures du Seigneur sont partout. Dans ce que tu as dit se trouve précisément la clé. Nous pouvons parler longuement de théologie, longuement... de bonnes choses, parler de Dieu... Mais la voie est que tu sois capable de contempler Jésus Christ, lire l’Evangile, ce qu’a fait Jésus Christ: c’est Lui, le Seigneur. Et d’aimer Jésus Christ et dire à Jésus Christ qu’il te choisisse pour le suivre, pour être comme Lui. Et cela se fait avec la prière et également en touchant les blessures du Seigneur. Tu ne connaîtras jamais Jésus Christ si tu ne touches pas ses plaies, ses blessures. Il a été blessé pour nous. Voilà le chemin, voilà le chemin qu’offre la spiritualité ignacienne à nous tous: le chemin. Et je vais également un peu plus loin: tu es formateur de futurs prêtres. S’il te plaît, si tu vois un garçon intelligent, doué, mais qui n’a pas cette expérience de toucher le Seigneur, d’embrasser le Seigneur, d’aimer le Seigneur blessé, conseille-lui de prendre des vacances pendant un an ou deux... cela lui fera du bien. «Mais, père, nous sommes peu de prêtres, nous en avons besoin...». S’il te plaît, que l’illusion de la quantité ne nous trompe pas et ne nous fasse pas perdre de vue la qualité! Nous avons besoin de prêtres qui prient. Mais qui prient Jésus Christ, qui mettent au défi Jésus Christ pour leur peuple, comme Moïse qui avait le courage de défier Dieu et de sauver le peuple que Dieu voulait détruire, avec ce courage devant Dieu; des prêtres qui aient également le courage de souffrir, de porter la solitude et de donner beaucoup d’amour. Pour eux aussi vaut ce discours de Bernard sur les plaies du Seigneur. Tu as compris? Merci.

Gianni a demandé quel discernement peut venir de la spiritualité ignacienne comme aide pour maintenir vivant le rapport entre la foi en Jésus Christ et la responsabilité à agir toujours pour édifier une société plus juste et solidaire.

Je crois que le père Bartolomeo Sorge répondrait beaucoup mieux à cette question que tu poses — je ne sais pas s’il est là, non, je ne l’ai pas vu... — Lui a été fort! C’est un jésuite qui a ouvert la voie dans ce domaine de la politique. Mais on entend dire: «Nous devons fonder un parti catholique!». Cela n’est pas la voie. L’Eglise est la communauté des chrétiens qui adore le Père, qui va sur la voie du Fils et reçoit le don de l’Esprit Saint. Ce n’est pas un parti politique. «Non, nous ne disons pas parti, mais.... un parti uniquement des catholiques». Cela ne sert pas, et cela n’aura pas de potentiel d’engagement, parce qu’il fera ce pour quoi il n’a pas été appelé. «Mais un catholique peut-il faire de la politique?» — «Il doit le faire!» — «Mais un catholique peut-il intervenir dans la politique?» — «Il doit le faire!». Le bienheureux Paul VI, si je ne me trompe pas, a dit que la politique est l’une des formes les plus élevées de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun. «Mais père, faire de la politique n’est pas facile, parce que dans ce monde corrompu... A la fin tu ne peux pas aller de l’avant...». Que veux-tu dire, que faire de la politique est un peu comme un martyre? Oui. Oui: c’est une sorte de martyre. Mais c’est un martyre quotidien: rechercher le bien commun en pensant aux voies les plus utiles pour cela, les moyens les plus utiles. Rechercher le bien commun en travaillant dans les petites choses, toutes petites, sans importance... Mais on peut le faire. Faire de la politique est important: la petite politique et la grande politique. Dans l’Eglise, il y a tant de catholiques qui ont fait une politique qui n’est pas sale, qui est bonne; qui ont également favorisé la paix entre les nations. Pensez aux catholiques ici, en Italie, de l’après-guerre: pensez à De Gasperi. Pensez à la France: Schumann, dont la cause de béatification est en cours. On peut devenir saint en faisant de la politique. Et je ne veux pas en nommer d’autres: deux exemples suffisent, de ceux qui veulent aller de l’avant dans le bien commun. Faire de la politique est comme le martyre: véritablement un travail de martyr, parce qu’il faut aller tous les jours avec cet idéal, tous les jours, avec l’idéal de construire le bien commun. Et également porter la croix de tant d’échecs, et aussi porter la croix de tant de péchés. Parce que dans le monde, il est difficile de faire le bien dans la société sans se salir un peu les mains ou le cœur; mais pour cela, tu vas demander pardon, demande pardon et continue de le faire. Mais que cela ne te décourage pas. «Non père, je ne fais pas de politique, parce que je ne veux pas commettre de péchés» — «Mais tu ne fais pas le bien! Va de l’avant, demande au Seigneur qu’il t’aide à ne pas pécher, mais si tu te salis les mains, demande pardon et continue!». Mais il faut faire, faire...

Et lutter pour une société plus juste et solidaire. Quelle est la solution que nous offre aujourd’hui cet univers mondialisé, pour la politique? Cela est simple: au centre, l’argent. Pas l’homme, la femme, non. L’argent. Le Dieu argent. Cela est au centre. Tous au service du dieu argent. Mais pour cela, ce qui ne sert pas au dieu argent est mis au rebut. Et ce que nous offre aujourd’hui l’univers mondialisé est la culture du rebut: ce qui ne sert pas est mis au rebut. On met au rebut les enfants, parce que l’on ne fait plus d’enfants ou parce que l’on tue les enfants avant qu’ils naissent. On met au rebut les personnes âgées, parce que... les personnes âgées ne servent pas... Mais à présent que manque le travail, ils vont voir les grands-parents pour que leur retraite nous aide! Mais ils servent momentanément. On met au rebut, on abandonne les personnes âgées. Et à présent, le travail doit être réduit parce que le dieu argent ne peut pas tout faire, et on met au rebut les jeunes: ici, en Italie, parmi les jeunes de moins de 25 ans — je ne veux pas me tromper, corrige-moi — 40-41% sont au chômage. On met au rebut... Mais cela est le chemin de la destruction. Moi, catholique, je regarde du balcon? On ne peut regarder du balcon! Il faut intervenir! Donne le meilleur de toi. Si le Seigneur t’appelle à cette vocation, va, fais de la politique. Cela te fera souffrir, peut-être que cela te fera pécher, mais le Seigneur est avec toi. Demande pardon et va de l’avant. Mais ne laissons pas cette culture du rebut nous mettre tous au rebut! Elle met au rebut également la création, parce que la création est détruite chaque jour un peu plus. N’oublie pas la parole du bienheureux Paul VI: la politique est l’une formes les plus élevées de la charité. Je ne sais pas si j’ai répondu...

J’avais écrit un discours, sans doute ennuyeux, comme tous les discours; mais je vous le remettrai, parce que j’ai préféré ce dialogue...

[Le Pape a ensuite récité avec toute l’assemblée une prière à la Vierge de la Rue].

Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.


DISCOURS PRÉPARÉ PAR LE SAINT-PÈRE

Chers frères et sœurs,

Je vous salue tous, vous qui représentez la Communauté de vie chrétienne d’Italie, ainsi que les représentants des divers groupes de spiritualité ignatienne, proches de votre tradition de formation et engagés dans l’évangélisation et la promotion humaine. J’adresse un salut particulier aux élèves et anciens élèves de l’Institut «Massimo» de Rome, ainsi qu’aux représentants des autres écoles dirigées par les jésuites en Italie.

Je connais bien votre association, pour en avoir été l’assistant national en Argentine, à la fin des années soixante-dix. Vos racines plongent dans les congrégations mariales, qui remontent à la première génération des compagnons de saint Ignace de Loyola. Il s’agit d’un long itinéraire dans lequel l’association s’est distinguée dans le monde entier par la vie spirituelle intense et le zèle apostolique de ses membres; et en anticipant également, sous certains aspects, les préceptes du Concile Vatican ii sur le rôle et le service des fidèles laïcs dans l’Eglise. C’est dans cette perspective que vous avez choisi le thème de votre congrès, intitulé «Au-delà des murs».

Aujourd’hui, je voudrais vous proposer quelques lignes d’orientation pour votre itinéraire spirituel et communautaire.

La première: l’engagement à diffuser la culture de la justice et de la paix. Face à une culture de l’illégalité, de la corruption et de l’affrontement, vous êtes appelés à vous consacrer au bien commun, notamment à travers le service des autres qui se distingue dans la politique. Comme l’affirmait le bienheureux Paul VI, il s’agit de «la forme la plus élevée et exigeante de la charité». Si les chrétiens se retiraient de l’engagement direct en politique, cela signifierait trahir la mission des fidèles laïcs, appelés à être le sel et la lumière dans le monde, y compris à travers cette forme de présence.

Comme deuxième priorité apostolique, je vous indique la pastorale familiale, dans le sillage des approfondissements du dernier synode des évêques. Je vous encourage à aider les communautés diocésaines dans l’attention à la famille, cellule vitale de la société, et dans l’accompagnement au mariage des fiancés. Dans le même temps, vous pouvez collaborer à l’accueil de ceux dits «éloignés»: il y a parmi eux de nombreuses personnes séparées qui souffrent de l’échec de leur projet de vie conjugale, ainsi que d’autres situations de difficultés familiales qui peuvent rendre difficile également le chemin de foi et de vie dans l’Eglise.

La troisième ligne que je vous suggère est la mission. J’ai appris avec plaisir que vous avez entamé un chemin commun avec la Ligue missionnaire des étudiants, qui vous a projetés sur les routes du monde, dans la rencontre avec les plus pauvres et avec les communautés qui ont davantage besoin d’assistants pastoraux. Je vous encourage à garder cette capacité à sortir et à aller vers les frontières de l’humanité qui en a le plus besoin. Aujourd’hui, vous avez invité des délégations de membres de vos communautés présentes dans les pays jumelés avec vous, en particulier de Syrie et du Liban: des peuples martyrisés par de terribles guerres; je leur renouvelle mon affection et ma solidarité. Faisons sentir à ces populations, qui font l’expérience de l’heure de la croix, l’amour, la proximité et le soutien de toute l’Eglise. Que votre lien de solidarité avec elles confirme votre vocation à bâtir partout des ponts pour la paix.

Que votre style fraternel, qui vous engage également dans des projets d’accueil des migrants en Sicile, vous rende généreux dans l’éducation des jeunes, tant au sein de votre association que dans le cadre des écoles. Saint Ignace avait compris que pour renouveler la société, il fallait partir des jeunes et il encouragea l’ouverture des collèges. Et c’est là que sont nées les premières Congrégations mariales. Dans le sillage lumineux et fécond de ce style apostolique, vous pouvez vous aussi être actifs dans l’animation des diverses institutions éducatives, catholiques et publiques, présentes en Italie, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses parties du monde. A la base de votre action pastorale, qu’il y ait toujours la joie du témoignage évangélique, unie à la délicatesse de l’approche et au respect de l’autre.

Que la Vierge Marie, qui par son «oui» a inspiré vos fondateurs, vous accorde de répondre sans réserve à votre vocation d’être «lumière et sel» dans les milieux dans lesquels vous vivez et vous œuvrez. Que vous accompagne aussi ma bénédiction, que je vous donne de tout cœur, ainsi qu’à vos proches. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

 

 


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