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PAPE FRANÇOIS

MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE

Jeudi 19 mai 2016

 

(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 21 du 26 mai 2016)

Les sangsues d’aujourd’hui

La méditation sur le juste rapport que le chrétien doit avoir avec l’argent, avec la richesse, a conduit le Pape François à dénoncer les « esclavages d’aujourd’hui » et ceux qui, profitant du manque de travail, « exploitent les personnes » et les contraignent à accepter des contrats injustes, au noir. Des trafiquants qui « grossissent en richesse » et vivent comme « de véritables sangsues », « du sang des gens. Et cela est un péché mortel », a-t-il commenté avec des paroles dures, tirées de la lecture de la lettre de l’apôtre Jacques (5, 1-6), définie par le Pape comme étant « un peu forte ». « L’apôtre avait compris le danger qu’il y a quand un chrétien se laisse commander par les richesses », et écrit : « Eh bien, maintenant les riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers ». Que pensera un riche qui entend cela ? En vérité, si nous allons voir « ce que nous enseigne la Parole de Dieu sur les richesses », nous comprenons que « les richesses en soi sont bonnes », au point que Dieu lui-même donne à l’homme le devoir de prospérer (« Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre, soumettez-la »). Et dans la Bible aussi, « nous trouvons tant d’hommes riches justes » : Job, Tobie, Joachim, le mari de Suzanne. Donc, « les richesses sont bonnes », mais elles sont également « relatives ». En effet, le Seigneur « loue Salomon pour avoir demandé non pas des richesses, mais la sagesse du cœur pour juger le peuple ». C’est-à-dire que les richesses « ne sont pas une chose absolue ». Certains, en revanche, croient « en ce que l’on appelle la “théologie de la prospérité”, c’est-à-dire que Dieu te fait voir que tu es juste s’il te donne beaucoup de richesse », mais « c’est une erreur ». C’est pourquoi le psalmiste dit : « N’attache pas ton cœur aux richesses ». C’est précisément le « problème » qui nous concerne tous : « mon cœur est-il attaché aux richesses ? Quel est mon rapport aux richesses ? ». À cet égard, Jésus parle de “servir” : on ne peut servir Dieu et les richesses, elles sont opposées. C’est le même problème que saint Jacques affronte dans sa lettre, lorsqu’« il regarde ceux qui considèrent les richesses presque comme un dieu » et « vivent pour les richesses ! ». À eux, l’apôtre écrit ces paroles dures : « Votre or et votre argent sont rouillés, et leur rouille témoignera contre vous: elle dévorera vos chairs ; c’est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours ! ». Jacques utilise des paroles qui semblent écrites par quelqu’un qui vit « aujourd’hui, dans l’une de nos villes du monde : “Voyez : le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées” ». Il pointe du doigt les situations où « les richesses s’accumulent en exploitant les gens » et « ces pauvres gens deviennent des esclaves ». François a invité à penser au monde d’aujourd’hui où « la même chose a lieu », et où il arrive qu’à ceux qui cherchent un travail, on fait un contrat « de septembre à juin, sans possibilité de retraite, sans assurance médicale » ; puis on le suspend pendant les mois d’été et on le reprend en septembre. Ceux qui font cela « sont de véritables sangsues et s’abreuvent du sang des gens qu’ils rendent » esclaves du travail. À ce propos, le Pape a raconté l’expérience d’une jeune fille à laquelle on a proposé onze heures de travail par jour pour un salaire au noir de 650 euros par mois. En réponse à ses protestations, on lui a dit : « Derrière toi il y a la queue. Si cela te va, bien, sinon va-t’en. Il y en a d’autres qui attendent ». S’adressant idéalement à ces riches, le Pape a ajouté : « Le sang de tous ces gens que vous avez bu » est « un cri au Seigneur, un cri de justice ». Ceux qui se comportent de cette manière sont des « trafiquants » et « ne s’en rendent pas compte ». Nous « pensions que les esclaves n’existaient plus, mais ils existent » : c’est « l’exploitation des gens, l’exploitation non seulement des enfants, des jeunes », mais de tous les gens qui, dans le travail, sont traités « sans justice ». En réfléchissant sur ces thèmes, le Pape a rappelé la catéchèse de l’Audience générale de la veille, consacrée au jeune homme riche et à Lazare. Mais ici, a-t-il souligné, c’est « pire » : ici, il s’agit d’« affamer les gens avec leur travail pour mon profit ! Vivre du sang des gens. Et cela est un péché mortel. Il faut beaucoup de pénitence pour se convertir de ce péché ». Le psaume 48 renforce lui aussi les dures paroles de l’apôtre Jacques, « une belle méditation, sereine, sur la pauvreté — “bienheureux les pauvres d’esprit, parce que le royaume des cieux est à eux” », où on lit clairement à propos des riches qu’« à l’aurore, ils feront place au juste ; dans la mort, s’effaceront leurs visages : pour eux, plus de palais ! ». En concluant son homélie, le Pape a invité à nouveau à penser à « ce drame d’aujourd’hui : l’exploitation des gens ». Et, rappelant un passage de l’Évangile du jour (Mc 9, 41-50), il a prié le Seigneur afin qu’« il nous fasse comprendre la simplicité dont Jésus nous parle dans l’Évangile d’aujourd’hui: il est plus important d’avoir un verre d’eau au nom du Christ que toutes les richesses accumulées grâce à l’exploitation des gens ».

 



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