Index   Back Top Print

[ DE  - EN  - ES  - FR  - IT  - PL  - PT ]

VOYAGE APOSTOLIQUE DU SAINT-PÈRE
EN IRLANDE À L'OCCASION DE LA IXe RENCONTRE MONDIALE DES FAMILLES

(25-26 AOÛT 2018)

CONFÉRENCE DE PRESSE DU PAPE FRANÇOIS
AU COURS DU VOL DE RETOUR D' IRLANDE

Vol papal
Dimanche 26 août 2018

[Multimédia]


 

Au cours du vol de Dublin à Rome, dans la soirée du 26 août, au terme du voyage en Irlande, le Pape a rencontré les journalistes à bord de l’avion. Nous publions la transcription des réponses du Pape et une synthèse des questions. Après l’introduction du directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Greg Burke, le Pape a voulu «remercier, parce que si moi, je suis fatigué, je pense à vous, avec tout le travail que vous avez... Je vous remercie beaucoup pour  votre effort, pour votre travail. Merci beaucoup».

[Tony Connelly, RTV (Radio Tv Irlande)] Samedi, vous avez parlé de la rencontre que vous avez eue avec le ministre pour l’enfance; vous avez dit combien vous avez été touché par ce que vous a dit cette dame sur les foyers pour les mères et les enfants. Que vous a-t-elle dit exactement? Et avez-vous été si frappé parce que c’était la première fois que vous entendiez parler de ces foyers?

Le ministre m’a d’abord dit quelque chose qui ne concernait pas tellement les mères et les enfants; elle m’a dit — mais brièvement — «Saint-Père, nous avons trouvé des fosses communes d’enfants, d’enfants enterrés. Nous sommes en train d’enquêter. L’Eglise a-t-elle quelque chose à voir dans tout cela?», mais elle l’a dit avec beaucoup d’éducation, vraiment, et avec beaucoup de respect. Je l’ai remerciée, cela m’a touché le cœur, au point que j’ai voulu le répéter dans mon discours. Ce n’était pas à l’aéroport — je me suis trompé — c’était lors de la rencontre avec le président. A l’aéroport, il y avait une autre dame — ministre, je crois — et j’ai confondu. Mais elle m’a dit: «Je vous enverrai ensuite un mémo». Elle m’a envoyé le mémo, je n’ai pas pu le lire. J’ai vu qu’elle m’avait envoyé un mémo. Elle a été très équilibrée en me disant: il y a un problème, l’enquête n’est pas encore terminée, mais elle m’a fait sentir que l’Eglise aussi avait quelque chose à voir, dans cette affaire. Selon moi, cela a été un exemple de collaboration constructive avant que... je ne veux pas utiliser le terme «protestation», mais de plainte, de plainte pour ce que, par le passé, l’Eglise avait peut-être favorisé. Cette dame était d’une dignité qui m’a touché le cœur. Et maintenant, j’ai ce mémo que j’étudierai quand je rentrerai à la maison. Merci.

[Paddy Agnew, du «Sunday Independent»] Hier, Marie Collins, une victime, a rapporté que vous n’étiez pas favorable à l’institution de nouveaux tribunaux d’enquête au Vatican sur le problème des abus sexuels, et en particulier de ce que l’on appelle les tribunaux d’enquête sur les évêques, sur la prise de responsabilité de la part des évêques(«bishop accountability»). Pourquoi?

Non, non, ce n’est pas cela. Ce n’est pas cela. Marie Collins est un peu fixée sur cette idée... — j’ai beaucoup d’estime pour Marie Collins, parfois nous l’appelons au Vatican pour qu’elle donne des conférences —, elle est restée fixée sur l’idée de ce document «Comme une mère aimante», dans lequel on disait que, pour juger les évêques, il serait bon de créer un tribunal spécial. Puis on a vu que ce n’était pas possible,  et que cela ne conviendrait pas non plus aux différentes cultures des évêques qui doivent être jugés. On prend la recommandation de «Mère aimante» et on fait un jury pour chaque évêque, mais ce n’est pas le même jury. Cet évêque doit être jugé et le Pape crée un jury qui soit davantage capable de traiter ce cas. C’est mieux, notamment parce que, pour un groupe d’évêques, quitter le diocèse pour cela n’est pas possible. Ainsi, les tribunaux, les jurys changent. Et c’est ce que nous avons fait jusqu’à maintenant. Plusieurs évêques ont été jugés: le dernier est celui de Guam, l’archevêque de Guam, qui a fait appel et j’ai décidé — parce que c’était un cas très, très complexe — d’user d’un droit que j’ai, de prendre sur moi l’appel et de ne pas le renvoyer au tribunal d’appel qui fait son travail avec tous les prêtres, mais je l’ai pris sur moi. J’ai créé une commission de canonistes pour m’aider et ils m’ont dit que, dans peu de temps, dans un mois au plus, la «recommandation» sera émise pour que je prononce le jugement. C’est un cas compliqué, d’un côté, mais pas difficile, parce que les preuves sont très claires; en ce qui concerne les preuves, elles sont claires. Mais je ne peux pas juger à l’avance. J’attends le rapport et je jugerai ensuite. Je dis que les preuves sont claires parce que ce sont celles qui ont conduit le premier tribunal à la condamnation. Cela a été le dernier cas. A présent, il y en a un autre en cours, nous verrons comment il se terminera. Mais c’est clair, j’ai dit à Marie: l’esprit, mais aussi la recommandation de «Comme une mère aimante» sont appliqués: un évêque doit être jugé par un tribunal, mais ce n’est pas toujours le même tribunal parce que cela n’est pas possible. Elle [Marie Collins] n’a pas bien compris cela, mais quand je la verrai — parce qu’elle vient parfois au Vatican, nous l’appelons — je lui expliquerai plus clairement. Je l’aime bien.

[Stefania Falasca, «Avvenire»] Précisément hier, a été conclu un épisode douloureux, celui du navire Diciotti. Y a-t-il votre «patte» derrière cette solution? Avez-vous été impliqué? Etes-vous intervenu?

La patte est celle du diable, pas la mienne! [les journalistes rient] La patte est celle du diable...

[Stefania Falasca] De plus, de nombreuses personnes voient un chantage fait à l’Europe sur le dos de ces gens. Qu’en pensez-vous?

Accueillir les migrants est quelque chose d’ancien comme la Bible. Dans le Deutéronome, dans les commandements, Dieu commande cela: accueillir le migrant, «l’étranger». C’est quelque chose d’ancien, qui est dans l’esprit de la Révélation divine et aussi dans l’esprit du christianisme. C’est un principe moral. J’en ai parlé, et puis j’ai vu que je devais expliquer un peu plus, parce qu’il ne s’agit pas d’accueillir à la «belle étoile», non, mais de réserver un accueil raisonnable. Et cela vaut pour toute l’Europe. Quand me suis-je rendu compte de ce que doit être cet accueil raisonnable? Quand il y a eu l’attentat à Zaventem [Belgique]: les jeunes, les guerriers qui ont commis l’attentat à Zaventem étaient belges, mais fils d’immigrés non intégrés, enfermés dans un ghetto. C’est-à-dire qu’ils avaient été accueillis par le pays, mais laissés là, et ils ont créé un ghetto: ils n’ont pas été intégrés. C’est pourquoi j’ai souligné cela, c’est important. Ensuite, je l’ai rappelé, quand je suis allé en Suède — et dans un article, Franca [Giansoldati] a mentionné cela et comment j’ai explicité ma pensée — quand je suis allé en Suède, j’ai parlé de l’intégration et je le savais parce que, pendant la dictature, en Argentine, de 1976 à 1983, beaucoup, beaucoup d’Argentins mais  aussi d’Uruguayens ont fui en Suède. Et là, le gouvernement les prenait immédiatement en charge, leur faisait étudier la langue et leur donnait un travail, les intégrait. Au point que — et c’est une anecdote intéressante — la ministre qui est venue me saluer à mon départ à l’aéroport de Lund était la fille d’une Suédoise et d’un migrant africain; mais ce migrant africain s’est intégré au point que sa fille est devenue ministre de ce pays. La Suède a été un modèle. Mais à ce moment, la Suède  commençait à avoir des difficultés: non pas parce qu’elle manquait de bonne volonté, mais parce qu’elle n’avait pas les possibilités d’intégration. C’est la raison pour laquelle la Suède s’est un peu arrêtée, a fait ce pas. Intégration. Et puis, j’ai parlé ici, lors d’une conférence de presse avec vous, de la vertu de la prudence qui est la vertu du gouvernant, et j’ai parlé de la prudence des peuples sur le nombre et sur les possibilités: un peuple qui peut accueillir, mais qui n’a pas la possibilité d’intégrer, mieux vaut qu’il n’accueille pas. Là, il y a le problème de la prudence. Et je crois que c’est précisément là le point sensible du dialogue aujourd’hui dans l’Union européenne. Il faut continuer de parler: les solutions se trouvent...

Que s’est-il passé avec le «Diciotti»? Je ne m’en suis pas mêlé. Celui qui a traité avec le ministre de l’intérieur, c’est le père Aldo, le bon père Aldo, qui est celui qui suit l’œuvre de don Benzi, que les Italiens connaissent bien, qui travaillent pour la libération des prostituées, les femmes exploitées et tant d’autres choses... Et la conférence épiscopale italienne est également intervenue, le cardinal Bassetti qui était ici, mais qui suivait par téléphone toute la médiation, et un des deux sous-secrétaires, Mgr Maffeis, négociait avec le ministre. Et je crois que l’Albanie est intervenue... L’Albanie, l’Irlande et le Monténégro, je crois, je n’en suis pas sûr, ont pris un certain nombre de migrants. Les autres, c’est la conférence épiscopale qui les a pris en charge, je ne sais pas si c’est sous «le parapluie» du Vatican ou pas... je ne sais pas comment cela a été négocié; mais ils vont au Centre «Mondo migliore», à Rocca di Papa, c’est là qu’ils seront accueillis. Je crois qu’ils sont plus de cent. Et là, ils commenceront à étudier la langue et à faire le travail qui a été fait avec les migrants intégrés. J’ai eu une expérience très gratifiante. Quand je suis allé à l’université Roma III, il y avait des étudiants qui voulaient me poser des questions et j’ai vu une étudiante... «Je connais ce visage»: c’était l’une des treize personnes que j’avais ramenées de Lesbos. Cette fille était à l’université! Pourquoi? Parce que la Communauté de Sant’Egidio, dès le lendemain de son arrivée, l’a emmenée à l’école étudier: vas-y, vas-y... Et elle l’a intégrée au niveau universitaire. Voilà le travail avec les migrants ! Il y a l’ouverture du cœur pour tous, souffrir; puis l’intégration comme condition pour accueillir; et puis la prudence des gouvernants pour faire cela. J’ai vu – j’en ai une vidéo clandestine - ce qui arrive à ceux qui sont renvoyés et qui sont repris par les trafiquants: c’est horrible, ce qu’on fait aux hommes, aux femmes et aux enfants... ils les vendent, mais aux hommes, on inflige les tortures les plus sophistiquées. Il y avait quelqu’un là-bas, un espion, qui a pu  filmer cette vidéo que j’ai envoyée à mes deux sous-secrétaires pour les migrations. C’est pourquoi il faut bien, bien, bien réfléchir avant de les renvoyer...

Et puis, une dernière chose. Il y a ces migrants qui viennent; mais il y en a d’autres qui sont trompés, à Fiumicino, ils sont trompés: «Non, nous te donnerons du travail...». On leur fait obtenir les papiers, à tous, et ils finissent esclaves sur le trottoir, sous la menace des trafiquants de femmes...  Voilà ce qui se passe !

[Anna Matranga, CBS] Je reviens sur le thème des «abus», dont vous avez déjà parlé. Ce matin, très tôt, a été diffusé un document Mgr Carlo Maria Viganò, dans lequel il dit qu’en 2013, il a eu un entretien personnel avec vous au Vatican et qu’au cours de cet entretien, il vous aurait parlé explicitement du comportement et des abus sexuels de l’ancien cardinal McCarrick. Je voulais vous demander si cela est vrai. Et je voulais aussi vous demander autre chose: l’archevêque a également dit que le Pape Benoît avait sanctionné McCarrick, qu’il lui avait dit qu’il ne pouvait pas vivre au séminaire, il ne pouvait pas célébrer la Messe en public, il ne pouvait pas voyager; il était sanctionné par l’Eglise.  Puis-je vous demander si ces deux choses sont vraies?

Une chose: je préférerais — même si je répondrai à votre question — je préférerais que nous parlions d’abord du voyage et ensuite des autres questions... mais je réponds. J’ai lu ce communiqué ce matin. Je l’ai lu et sincèrement je dois vous dire cela, à vous et à tous ceux parmi vous qui sont intéressés: lisez attentivement le communiqué et faites-vous votre propre jugement. Je ne dirai pas un mot à ce propos. Je crois que le communiqué parle de lui-même, et vous avez la capacité de journaliste suffisante pour tirer les conclusions. C’est un acte de confiance: lorsqu’un peu de temps sera passé et que vous aurez tiré les conclusions, peut-être je parlerai. Mais je voudrais que votre maturité professionnelle fasse ce travail: cela vous fera du bien, vraiment. Rien de plus.

[Anna Matranga] Marie Collins a dit, après vous avoir rencontré lors de la rencontre avec les victimes, qu’elle a parlé directement avec vous précisément de l’ancien cardinal McCarrick; elle a dit que vous avez été très dur dans votre condamnation de McCarrick. Je voulais vous demander: quand avez-vous entendu parler pour la première fois des abus qu’avait commis l’ancien cardinal?

 Cela fait partie du  communiqué sur McCarrick: étudiez-le et je parlerai ensuite. Mais comme hier je ne l’avais pas lu, je me suis permis de parler clairement avec Marie Collins et le groupe [des victimes], lors de la rencontre qui a bien duré une heure et demi, et qui m’a fait beaucoup souffrir. Mais je crois qu’il était nécessaire d’écouter ces huit personnes; et de cette réunion est sortie la proposition — que j’ai faite, et ils l’ont acceptée et ils m’ont aidé à la réaliser — de demander pardon aujourd’hui à la Messe, mais sur des choses concrètes. Par exemple, la dernière, que je n’avais jamais entendue: ces mères... — cela s’appelait le «lavement des femmes» — quand une femme tombait enceinte hors du mariage, elle allait dans un hôpital ou je ne sais pas comment cela s’appelait, un institut..., mais il était géré par des religieuses, et elles donnaient ensuite l’enfant en adoption à des personnes. Et il y avaient des enfants, à cette époque, qui cherchaient à retrouver leur mère, si elles étaient vivantes, ils ne savaient pas..., et on leur disait que c’était un péché mortel de faire cela; et également aux mères qui cherchaient leurs enfants, on disait que c’était un péché mortel. C’est pour cela que j’ai terminé aujourd’hui en disant que ce n’était pas un péché mortel, mais que c’était le quatrième commandement. Et les choses que j’ai dites aujourd’hui, certaines je ne les connaissais pas, cela a été douloureux pour moi, mais j’ai eu aussi la consolation de pouvoir aider à éclaircir ces choses. Et j’attends votre commentaire sur ce document, cela m’intéresserait! Merci.

[Cécile Chambraud, «Le Monde»] Dans votre récente «Lettre au Peuple de Dieu», vous appelez tous les catholiques à participer à la lutte contre les abus dans l’Eglise. Pouvez-vous nous expliquer ce que peuvent faire concrètement les catholiques? Et à ce propos, en France, un prêtre a lancé une pétition pour demander la démission du cardinal Barbarin, accusé par des victimes. Cette initiative vous semble-t-elle opportune ou pas?

S’il y a des soupçons ou des preuves ou des demi-preuves, je ne vois pas de mal à mener une enquête, à condition qu’elle se fasse selon le principe juridique fondamental:  Nemo malus nisi probetur, nul n’est coupable jusqu’à preuve du contraire. Et souvent, il y a la tentation non seulement de mener une enquête, mais de publier le fait qu’une enquête a été menée, et pourquoi la personne est coupable... et ainsi certains médias — pas les vôtres, je ne sais pas — commencent à créer un climat de culpabilité. Et je me permets de dire quelque chose qui s’est passé ces derniers temps, qui pourra aider en cela, parce que pour moi la manière dont on procède est importante, et aussi la manière dont les médias peuvent aider. Il y a trois ans, plus ou moins, a commencé à Grenade le problème de ce que l’on a appelé les prêtres pédophiles, un petit groupe de sept-huit-dix prêtres qui ont été accusés d’abus sur des mineurs mais aussi de faire des fêtes, des orgies, et toutes ces choses-là. C’est moi qui ai reçu directement l’accusation: une lettre écrite par un jeune homme de vingt-trois ans; d’après lui, il avait été victime d’abus, il donnait des noms, et tout. Un jeune homme qui travaillait dans un collège religieux de Grenade, très prestigieux; la lettre, parfaite... Et il me demandait ce qu’il devait faire pour dénoncer cela. J’ai dit: «Va voir l’archevêque, l’archevêque sait ce que tu dois faire». L’archevêque a fait tout ce qu’il devait faire et l’affaire est arrivée jusqu’au tribunal civil. Il y a eu les deux procès. Les médias locaux ont commencé à parler, à parler... Trois jours plus tard, tout était écrit dans la paroisse, «prêtres pédophiles», et des choses de ce genre, et ainsi, s’est créée la conscience que ces prêtres étaient des criminels. Sept d’entre eux  ont été interrogés, et on n’a rien trouvé; pour trois autres, l’enquête s’est poursuivie, deux autres sont restés en prison pendant cinq jours, et un — le père Roman, qui était le curé — pendant sept jours. Pendant près de trois années encore, ils ont souffert de  la haine, des gifles de tout le peuple: criminalisés, ils ne pouvaient pas sortir et ils ont subi des humiliations faites par le jury pour prouver les accusations du jeune homme, que je n’ose pas répéter ici. Après plus de trois ans, le jury déclare les prêtres innocents, tous innocents, mais surtout ces trois derniers: les autres étaient déjà hors de cause, et le dénonciateur reconnu coupable. Parce qu’ils avaient vu que ce jeune avait un peu trop d’imagination, mais c’était une personne très intelligente et qui travaillait aussi dans un collège catholique, et qui avait ce prestige, qui donnait l’impression de dire la vérité. Il a été condamné à payer les frais et tout le reste, et eux ont été déclarés innocents. Ces hommes ont été condamnés par les médias locaux avant la justice. Et c’est pourquoi votre travail est très délicat: vous devez accompagner, vous devez dire les choses, mais toujours avec cette présomption légale d’innocence et non la présomption légale de culpabilité! Et il y a une différence entre l’informateur qui informe sur un cas, mais qui n’insinue pas une condamnation à l’avance, et le détective qui joue aux «Sherlock Holmes», qui part de la présomption de culpabilité. Quand nous lisons la technique d’Hercule Poirot: pour lui, tout le monde était coupable. Mais cela, c’est le métier du détective. Ce sont deux positions différentes. Mais ceux qui informent doivent toujours partir de la présomption d’innocence, en faisant part de leurs impressions, de leurs doutes, mais sans condamner. Ce cas qui s’est produit à Grenade est pour moi un exemple qui nous fera du bien à tous, dans notre métier [respectif].

Quand on voit quelque chose, parler immédiatement. Je dirai une autre chose, pas très belle. Parfois, ce sont les parents qui couvrent un abus commis par un prêtre. Souvent. On le voit dans les jugements. [Ils disent:] «Mais non...» Ils ne croient pas, ou ils se convainquent que ce n’est pas vrai, et le garçon ou la fille reste comme cela. J’ai comme méthode de recevoir chaque semaine une ou deux personnes, mais ce n’est pas mathématique; et j’ai reçu une personne, une dame, qui depuis quarante ans, souffrait de ce fléau du silence, parce que ses parents ne l’avaient pas crue. Elle a été victime d’abus à huit ans. Parler, c’est important. C’est vrai que pour une mère, voir cela... Ce serait mieux si ce n’était pas vrai, alors elle pense que son enfant a peut-être trop d’imagination...  [Mais il faut] parler. Et parler avec les personnes adaptées, parler avec celles qui peuvent initier un jugement, au moins l’enquête préalable. Parler avec le juge ou avec l’évêque, ou si le curé est un bon curé, parler avec le curé. C’est la première chose que peut faire le peuple de Dieu. Il ne faut pas couvrir ces choses, il ne faut pas les couvrir. Une psychiatre m’a dit un jour  — mais je ne veux pas que cela soit une offense pour les femmes — qu’en raison du sens de la maternité, les femmes sont plus enclines que les hommes à couvrir les choses de leur enfant. Mais je ne sais pas si c’est vrai ou pas...  Mais voilà: parler. Merci.

[Javier Romero, Rome Reports TV] Le premier ministre d’Irlande, qui a été très direct dans son discours, est fier d’un nouveau modèle de famille différent de celui que l’Eglise proposait traditionnellement jusqu’à présent: je veux parler du mariage homosexuel. Et cela est sans doute l’un des modèles qui provoque le plus de conflits, spécialement dans le cas d’une famille catholique dans laquelle un membre de cette famille déclare être homosexuel. Que pensez-vous, que voudriez-vous dire à un père, une mère, auquel leur enfant dit qu’il est homosexuel et qu’il veut aller vivre avec son compagnon? Dans le discours avec le premier ministre, vous avez également parlé de l’avortement; nous avons vu que l’Irlande a beaucoup changé au cours des dernières années et l’un de ces changements a été précisément l’avortement. Nous avons vu  qu’au cours des derniers mois, la question de l’avortement est ressortie dans de nombreux pays, parmi lesquels l’Argentine. C’est un thème dont vous parlez souvent.

Très bien. Je commence par la seconde, mais ce sont deux points — merci de cela — qui sont liés aux questions dont nous parlons. Sur l’avortement, vous savez ce que pense l’Eglise. Le problème de l’avortement n’est pas un problème religieux: nous ne sommes pas contre l’avortement en vertu de la religion. Non. C’est un problème humain, et il doit être étudié par l’anthropologie. Etudier l’avortement en commençant par le fait religieux, signifie contourner la pensée. Le problème de l’avortement doit être étudié par l’anthropologie. Et il y a toujours la question anthropologique de savoir s’il est éthique d’éliminer un être vivant pour résoudre un problème. Mais cela est déjà la discussion. Je veux seulement souligner ceci: je ne permets jamais que l’on commence à discuter du problème de l’avortement à partir du fait religieux. Non. C’est un problème anthropologique, un problème humain. Voilà ma pensée.

Deuxièmement. Il y a toujours eu des homosexuels et des personnes ayant des tendances homosexuelles. Toujours. Les sociologues disent, mais je ne sais pas si c’est vrai, que lors des changements d’époque, certains phénomènes sociaux et éthiques se développent, et que l’un d’eux serait celui-là. Cela est l’opinion de certains sociologues. Ta question est claire: que dirais-je à un père qui voit que son fils ou sa fille a cette tendance. Je lui dirais avant tout de prier: prie. Non pas condamner, mais dialoguer, comprendre, laisser de la place à son fils ou à sa fille. Lui laisser de la place pour qu’il s’exprime. Puis, à quel âge se manifeste cet inquiétude de l’enfant? C’est important. C’est une chose quand elle se manifeste à   l’enfance, quand il y a tant de choses que l’on peut faire, pour voir ce qu’il en est;  une autre chose est quand elle se manifeste après les 20 ans, ou quelque chose de ce genre. Mais je ne dirai jamais que le silence est la solution: ignorer le fils ou la fille ayant une tendance homosexuelle est un manque de paternité et de maternité. Tu es mon fils, tu es ma fille, comme tu es; je suis ton père et ta mère, parlons. Et si vous, père et mère, vous n’y arrivez pas, demandez de l’aide, mais toujours dans le dialogue, toujours dans le dialogue. Parce que ce fils ou cette fille a droit à une famille et la famille est celle qui existe:  ne le chassez pas de la famille. C’est un défi sérieux à la paternité et à la maternité. Je te remercie pour ta question, merci.

Et puis je voudrais dire une chose pour les Irlandais qui sont ici: j’ai trouvé une grande foi, en Irlande. Une grande foi. C’est vrai, le peuple irlandais a beaucoup souffert des scandales. Mais il y a la foi en Irlande, et forte. Et en outre, le peuple irlandais sait distinguer, et je cite ce que j’ai entendu dire par un prélat aujourd’hui: «Le peuple irlandais sait bien distinguer entre les vérités et les demi-vérités: c’est quelque chose qu’il a en lui». C’est vrai qu’il est dans un processus d’élaboration, de guérison de ce scandale; c’est vrai que certains s’ouvrent à des positions qui semblent s’éloigner de la foi. Mais le peuple irlandais a une foi enracinée et forte. Je veux le dire parce que c’est ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu et ce sur quoi je me suis informé pendant ces deux jours.

Merci pour votre travail, merci beaucoup! Et priez pour moi s’il vous plaît.

 


Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana