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EXHORTATION APOSTOLIQUE
POST-SYNODALE
ECCLESIA IN AMERICA
DU SAINT-PÈRE
JEAN-PAUL II
AUX ÉVÊQUES
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
EN À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
SUR LA RENCONTRE AVEC LE CHRIST VIVANT,
CHEMIN DE CONVERSION,
DE COMMUNION ET DE SOLIDARITÉ
EN AMÉRIQUE

 

INTRODUCTION

1. L'Église en Amérique, comblée de joie en raison de la foi reçue et reconnaissante envers le Christ pour ce don immense, a récemment célébré le cinquième centenaire du début de la prédication de l'Évangile sur son territoire. Cette commémoration a rendu tous les catholiques américains plus conscients du désir du Christ de rencontrer les habitants de ce qu'on appelle le Nouveau Monde, pour les incorporer à son Église et pour se rendre ainsi présent dans l'histoire du continent. L'évangélisation de l'Amérique n'est pas seulement un don du Seigneur; elle est aussi la source de nouvelles responsabilités. Grâce à l'action de ceux qui ont évangélisé toutes les parties du continent, l'Église et l'Esprit ont donné naissance à de nombreux fils.(1) Dans le passé comme dans le présent, les paroles de l'Apôtre continuent à résonner dans leur cœur: « Annoncer l'Évangile en effet n'est pas pour moi un titre de gloire; c'est une nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile! » (1 Co 9, 16). Ce devoir est fondé sur l'ordre donné aux Apôtres par le Seigneur ressuscité avant son Ascension au ciel: « Proclamez l'Évangile à toute la création » (Mc 16, 15).

Cet ordre concerne toute l'Église; et l'Église qui est en Amérique est appelée, en ce moment particulier de son histoire, à le recevoir et à répondre avec générosité et amour au devoir fondamental de l'évangélisation. Mon prédécesseur Paul VI, premier Pape à visiter l'Amérique, le soulignait à Bogotá: « C'est à nous qu'il appartiendra, [Seigneur Jésus], en tant que tes représentants, dispensateurs de tes divins mystères (cf. 1 Co 4, 1; 1 P 4, 10), de répandre les trésors de ta parole, de ta grâce, de tes exemples parmi les hommes ».(2) Pour les disciples du Christ, le devoir d'évangélisation constitue une urgence de charité: « L'amour du Christ nous presse » (2 Co 5, 14), affirme l'Apôtre Paul, et il rappelle ce que le Fils de Dieu a fait pour nous dans son sacrifice rédempteur: « Un seul est mort pour tous, [...] afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5, 14-15).

La commémoration d'événements particulièrement évocateurs de l'amour du Christ pour nous suscite dans les esprits, en même temps que la reconnaissance, le besoin d'« annoncer les merveilles de Dieu », le besoin d'évangéliser. Ainsi, le souvenir de la récente célébration du cinquième centenaire de l'arrivée du message évangélique en Amérique, c'est-à-dire du moment où le Christ appela l'Amérique à la foi, et le prochain Jubilé au cours duquel l'Église célébrera les deux mille ans écoulés depuis l'incarnation du Fils de Dieu sont des occasions privilégiées qui font spontanément monter de notre cœur avec plus de force l'expression de notre gratitude envers le Seigneur. Consciente de la grandeur des dons reçus, l'Église qui poursuit sa marche en Amérique désire faire participer à la richesse de la foi et de la communion dans le Christ toute la société et chacun des hommes et des femmes qui vivent sur la terre américaine.

L'idée de célébrer cette Assemblée synodale

2. Le jour même du cinq centième anniversaire du début de l'évangélisation de l'Amérique, le 12 octobre 1992, j'ai voulu ouvrir de nouveaux horizons et donner un élan renouvelé à l'évangélisation: dans l'allocution par laquelle j'inaugurais les travaux de la IVe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain à Saint-Domingue, je proposai une rencontre synodale « afin d'accroître la coopération entre les différentes Églises particulières » pour affronter ensemble, dans l'optique de la nouvelle évangélisation et comme une expression de la communion épiscopale, « les problèmes relatifs à la justice et à la solidarité entre toutes les nations d'Amérique ».(3) L'accueil positif réservé par les épiscopats d'Amérique à ma proposition me permit d'annoncer dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente mon intention de convoquer une assemblée synodale « sur la problématique de la nouvelle évangélisation dans les deux parties de ce continent, si différentes par leur origine et leur histoire, et sur les thèmes de la justice et des rapports économiques internationaux, en tenant compte de l'énorme différence entre le Nord et le Sud ».(4) Il fut alors possible de commencer les travaux préparatoires proprement dits, pour arriver finalement à la célébration de l'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques, qui a eu lieu au Vatican du 16 novembre au 12 décembre 1997.

Le thème de l'Assemblée

3. En accord avec l'idée initiale et après avoir pris connaissance des suggestions du Conseil pré-synodal, expression vivante de la pensée de nombreux Pasteurs du peuple de Dieu dans le continent américain, j'ai précisé le thème de l'Assemblée spéciale du Synode pour l'Amérique dans les termes suivants: « La rencontre avec le Christ vivant, chemin de conversion, de communion et de solidarité en Amérique ». Le thème ainsi formulé manifeste clairement la place centrale de la personne de Jésus Christ ressuscité, présent dans la vie de l'Église, qui appelle à la conversion, à la communion et à la solidarité. Le point de départ de ce programme d'évangélisation est, bien sûr, la rencontre avec le Seigneur. L'Esprit Saint, don du Christ dans le mystère pascal, nous guide vers les fins pastorales que l'Église en Amérique doit atteindre au cours du troisième millénaire de l'ère chrétienne.

La célébration de l'Assemblée comme expérience de rencontre

4. L'expérience vécue durant l'Assemblée a eu sans aucun doute le caractère d'une rencontre avec le Seigneur. Je me souviens avec plaisir, en particulier, des deux concélébrations solennelles que j'ai moi-même présidées dans la Basilique Saint-Pierre pour l'ouverture et la clôture des travaux de l'Assemblée. Le contact avec le Seigneur ressuscité, véritablement, réellement et substantiellement présent dans l'Eucharistie, a créé l'atmosphère spirituelle qui a permis à tous les Évêques de l'Assemblée synodale de se reconnaître non seulement comme frères dans le Seigneur mais aussi comme membres du Collège épiscopal, désireux de suivre, sous la présidence du Successeur de Pierre, les traces du Bon Pasteur, servant l'Église, en marche dans toutes les régions du continent. Tous ont pu constater la joie des participants à l'Assemblée, qui découvraient en elle une occasion exceptionnelle de rencontre avec le Seigneur, avec le Vicaire du Christ, avec les nombreux Évêques, prêtres, personnes consacrées et laïcs venus de toutes les parties du continent.

Sans aucun doute, certains facteurs précédents ont contribué, indirectement mais efficacement, à assurer ce climat de rencontre fraternelle au sein de l'Assemblée synodale. Il faut tout d'abord mentionner les expériences de communion vécues précédemment lors des Assemblées générales de l'épiscopat latino-américain à Rio de Janeiro (1955), Medellín (1968), Puebla (1979) et Saint-Domingue (1992). Lors de ces rencontres, les Pasteurs de l'Église qui est en Amérique latine avaient eu l'occasion de réfléchir ensemble, en frères, sur les questions pastorales les plus urgentes dans cette partie du continent. Il faut ajouter à ces assemblées les réunions périodiques inter-américaines d'Évêques, où les participants ont la possibilité d'élargir leur horizon aux dimensions de tout le continent, discutant sur les problèmes et les défis communs concernant l'Église dans les pays américains.

Contribuer à l'unité du continent

5. Dans la première proposition que j'ai faite à Saint-Domingue, à propos de l'éventualité de réunir une Assemblée spéciale du Synode, je signalais que, « désormais au seuil du troisième millénaire chrétien, et en un temps où sont tombées de nombreuses barrières et frontières idéologiques, l'Église ressent comme un devoir inéluctable d'unir spirituellement, et davantage encore, tous les peuples qui forment ce grand continent et, en même temps, dans le cadre de la mission religieuse qui lui est propre, d'impulser un esprit solidaire entre eux tous ».(5) Les éléments communs à tous les peuples d'Amérique, parmi lesquels ressortent une même identité chrétienne et aussi une authentique recherche de l'affermissement des liens de solidarité et de communion entre les diverses expressions du riche patrimoine culturel du continent, constituent le motif décisif qui m'a fait demander que l'Assemblée spéciale du Synode des Évêques consacre ses réflexions à l'Amérique comme à une réalité unique. Le choix d'utiliser le mot au singulier voulait exprimer non seulement l'unité déjà existante sous certains aspects, mais aussi le lien plus étroit auquel aspirent les peuples du continent et que l'Église veut fortifier, dans le cadre de sa mission, qui tend à promouvoir la communion de tous dans le Seigneur.

Dans le contexte de la nouvelle évangélisation

6. Dans la perspective du grand Jubilé de l'An 2000, j'ai voulu que l'on tienne une Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour chacun des cinq continents: après celles qui ont été consacrées à l'Afrique (1994), à l'Amérique (1997), à l'Asie (1998) et, tout récemment, à l'Océanie (1998), en cette année 1999 sera célébrée, avec l'aide du Seigneur, une nouvelle Assemblée spéciale pour l'Europe. De cette manière, pendant l'année jubilaire, on pourra tenir une Assemblée générale ordinaire qui fera la synthèse et tirera les conclusions des matériaux précieux que les diverses Assemblées continentales auront élaborés. Cela sera facilité par le fait que, dans tous ces Synodes, il y a eu des préoccupations semblables et des centres d'intérêt communs. En ce sens, me référant à cette série d'Assemblées synodales, j'ai signalé que « le thème fondamental est celui de l'évangélisation, et même de la nouvelle évangélisation, dont les bases ont été posées par l'exhortation apostolique Evangelii nuntiandi de Paul VI ».(6) C'est pourquoi, tant dans ma première déclaration sur la célébration de cette Assemblée spéciale du Synode que plus tard, lors de son annonce explicite, après que tous les épiscopats d'Amérique eurent fait leur cette idée, j'ai précisé que ses délibérations devaient se dérouler « dans l'optique de la nouvelle évangélisation »,(7) en abordant les problèmes qu'elle suscite.(8)

Cette préoccupation était d'autant plus naturelle que j'avais moi-même établi le premier plan d'une nouvelle évangélisation en terre américaine. En effet, lorsque, dans toute l'Amérique, l'Église se préparait à fêter le cinquième centenaire du début de la première évangélisation du continent, m'adressant au Conseil épiscopal latino-américain à Port-au-Prince (Haïti), j'affirmais: « La célébration du demi-millénaire d'évangélisation aura sa pleine signification dans la mesure où elle est un engagement pour vous, comme Évêques, avec vos prêtres et vos fidèles; un engagement, non de ré-évangélisation, mais d'une nouvelle évangélisation. Nouvelle en son ardeur, dans ses méthodes, dans son expression ».(9) Par la suite, j'ai invité toute l'Église à mener à bonne fin cette exhortation, bien que le programme d'évangélisation, visant la grande diversité que présente aujourd'hui l'ensemble du monde, doive se diversifier à la lumière, principalement, de deux situations clairement différentes: celle des pays fortement touchés par la sécularisation, et celle des autres pays où « l'on conserve encore beaucoup de traditions très vivantes de piété et de sentiment chrétien ».(10) Il s'agit, bien sûr, de deux situations qui existent, à des degrés divers, dans différents pays, ou mieux peut-être en divers milieux concrets à l'intérieur des pays eux-mêmes du continent américain.

Avec la présence et l'aide du Seigneur

7. La mission d'évangéliser, que le Seigneur ressuscité a confiée à son Église, s'accompagne de la certitude, fondée sur sa promesse, qu'il continue à vivre et à agir parmi nous: « Voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28, 20). Cette présence mystérieuse du Christ dans son Église est pour elle une garantie de réussite dans la réalisation de la tâche qui lui a été confiée. En même temps, cette présence rend possible notre rencontre avec Lui, comme Fils envoyé par le Père, comme Seigneur de la Vie qui nous communique son Esprit. Une rencontre renouvelée avec Jésus Christ rendra tous les membres de l'Église en Amérique conscients du fait qu'ils sont appelés à continuer la mission du Rédempteur sur leurs terres.

La rencontre personnelle avec le Seigneur, si elle est authentique, apportera aussi avec elle le renouveau ecclésial: les Églises particulières du continent, comme Églises sœurs et voisines les unes des autres, feront croître les liens de coopération et de solidarité pour prolonger et rendre plus incisive l'œuvre de salut du Christ dans l'histoire de l'Amérique. Dans une attitude d'ouverture à l'unité, fruit d'une communion authentique avec le Seigneur ressuscité, les Églises particulières, et en elles les membres eux-mêmes, découvriront, à travers leur expérience spirituelle, que « la rencontre avec le Christ vivant » est un « chemin de conversion, de communion et de solidarité ». Et, dans la mesure où ces fins seront atteintes, on rendra possible un engagement toujours plus fort dans la nouvelle évangélisation de l'Amérique.

CHAPITRE I

LA RENCONTRE AVEC LE CHRIST VIVANT

« Nous avons rencontré le Messie » (Jn 1, 41)

Les rencontres avec le Seigneur dans le Nouveau Testament

8. Les Évangiles rapportent de nombreuses rencontres de Jésus avec des hommes et des femmes de son temps. La caractéristique commune à tous ces récits est la force transformante que les rencontres avec Jésus portent en elles et révèlent, car « elles ouvrent à un véritable chemin de conversion, de communion et de solidarité ».(11) Le récit de la rencontre avec la Samaritaine est parmi les plus significatifs (cf. Jn 4, 5-42). Jésus l'interpelle pour étancher sa soif, qui n'était pas seulement une soif physique: en réalité, « celui qui cherchait à boire avait soif de la foi de cette femme ».(12) En lui disant « Donne-moi à boire » (Jn 4, 7) et en lui parlant de l'eau vive, le Seigneur suscite chez la Samaritaine une demande, presque une prière, dont le but véritable dépasse ce qu'elle est en mesure de comprendre à ce moment-là: « Seigneur... donne-moi de cette eau afin que je n'aie plus soif » (Jn 4, 15). Même si « elle ne comprend pas encore »,(13) la Samaritaine demande en réalité l'eau vive dont lui parle son divin interlocuteur. Quand Jésus lui révèle sa messianité (cf. Jn 4, 26), elle se sent poussée à annoncer à ses concitoyens sa découverte du Messie (cf. Jn 4, 28-30). De même, dans la rencontre de Jésus avec Zachée (cf. Lc 19, 1-10), le fruit le plus précieux est la conversion du publicain, qui prend conscience des injustices qu'il a commises et décide de restituer largement — « le quadruple » — à ceux qu'il avait volés. Il se place en outre dans une perspective de détachement vis-à-vis des biens matériels et de charité envers ceux qui sont dans le besoin, au point de donner aux pauvres la moitié de ses richesses.

Il faut accorder une attention particulière aux rencontres avec le Christ ressuscité, telles qu'elles sont racontées dans le Nouveau Testament. Grâce à sa rencontre avec le Ressuscité, Marie-Madeleine surmonte le découragement et la tristesse qui l'avaient envahie à la mort du Maître (cf. Jn 20, 11-18). Dans sa nouvelle dimension pascale, Jésus l'envoie annoncer aux disciples qu'il est ressuscité: « Va trouver mes frères » (Jn 20, 17). C'est pourquoi Marie-Madeleine a pu être appelée « l'apôtre des Apôtres ».(14) Pour leur part, après avoir rencontré et reconnu le Seigneur ressuscité, les disciples d'Emmaüs retournent à Jérusalem pour raconter aux Apôtres et aux autres disciples ce qui vient de leur arriver (cf. Lc 24, 13-35). Jésus, « commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24, 27). Et eux reconnaîtront plus tard que leur cœur était tout brûlant quand il leur parlait en chemin et leur expliquait les Écritures (cf. Lc 24, 32). Il n'y a pas de doute qu'en racontant cet épisode et surtout le moment décisif où les disciples reconnaissent Jésus, saint Luc fait une allusion explicite aux récits de l'institution de l'Eucharistie, c'est-à-dire à tout ce que Jésus a fait durant la dernière Cène (cf. Lc 24, 30). Pour rapporter ce que les disciples d'Emmaüs racontent aux Onze, l'évangéliste utilise une expression qui, dans l'Église naissante, avait une signification eucharistique précise: « Ils l'avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 35).

L'une des rencontres avec le Seigneur ressuscité qui ont eu une influence décisive dans l'histoire du christianisme est sans aucun doute la conversion de Saul, celui qui deviendra Paul, l'Apôtre des Nations. C'est là, sur le chemin de Damas, qu'un changement radical s'est opéré dans sa vie: de persécuteur, il est devenu Apôtre (cf. Ac 9, 3-30; 22, 6-11; 26, 12-18). Paul lui-même parle de cette expérience extraordinaire comme d'une révélation du Fils de Dieu « pour que je l'annonce parmi les païens » (Ga 1, 16).

Le Seigneur respecte toujours la liberté de ceux qu'il appelle. Il y a des cas où l'homme qui rencontre Jésus refuse le changement de vie auquel il l'invite. Bien des contemporains de Jésus l'ont vu et entendu, et cependant ils ne se sont pas ouverts à sa parole. L'Évangile de saint Jean indique le péché comme ce qui empêche l'être humain de s'ouvrir à la lumière qui est le Christ: « La lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3, 19). Les textes évangéliques montrent que l'attachement aux richesses constitue un obstacle à l'accueil de l'appel à suivre Jésus de manière radicale et généreuse. Le cas du jeune homme riche est typique à cet égard (cf. Mt 19, 16-22; Mc 10, 17-22; Lc 18, 18-23).

Rencontres personnelles et rencontres communautaires

9. Certaines rencontres de Jésus, rapportées par les Évangiles, sont des rencontres tout à fait personnelles, comme par exemple les appels à une vocation particulière (cf. Mt 4, 19; 9, 9; Mc 10, 21; Lc 9, 59). Dans ces rencontres, Jésus fait entrer ses interlocuteurs dans son intimité: « Rabbi — ce qui veut dire Maître —, où demeures-tu? » [...] « Venez et voyez » (Jn 1, 38-39). En d'autres circonstances au contraire, les rencontres ont un caractère communautaire. Il s'agit notamment des rencontres avec les Apôtres, qui sont d'une importante capitale pour la constitution de l'Église. C'est ainsi que les Apôtres, choisis par Jésus dans le cercle plus large des disciples (cf. Mc 3, 13-19; Lc 6, 12-16), reçoivent de lui une formation spéciale et profitent d'un enseignement plus intime. Aux foules, Jésus parle en paraboles, mais il les explique aux Douze: « À vous il a été donné de connaître les mystères du Royaume des Cieux, tandis qu'à ces gens-là cela n'a pas été donné » (Mt 13, 11). Les Apôtres sont appelés à annoncer la Bonne Nouvelle et à accomplir une mission particulière pour édifier l'Église par la grâce des sacrements. À cette fin, ils reçoivent le pouvoir nécessaire: Jésus leur confère le pouvoir de pardonner les péchés, en se référant à la plénitude de ce même pouvoir que le Père lui a donné au ciel et sur la terre (cf. Mt 28, 18). Ils seront les premiers à recevoir le don du SaintEsprit (cf. Ac 2, 1-4), don qui par la suite sera communiqué à ceux qui, grâce aux sacrements de l'initiation chrétienne, seront incorporés à la Communauté des croyants (cf. Ac 2, 38).

La rencontre avec le Christ dans le temps de l'Église

10. L'Église constitue le lieu où les hommes, en rencontrant Jésus, peuvent découvrir l'amour du Père, car celui qui a vu Jésus a vu le Père (cf. Jn 14, 9). Après être monté au ciel, Jésus continue à agir par la puissance de l'Esprit Paraclet (cf. Jn 16, 7), qui transforme les croyants en leur donnant la vie nouvelle. C'est ainsi que ceux-ci deviennent capables d'aimer avec l'amour même de Dieu, « répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 5). La grâce divine rend en outre les chrétiens aptes à œuvrer à la transformation du monde pour y instaurer ce que mon prédécesseur Paul VI appela si justement « la civilisation de l'amour ».(15)

En effet, « le Verbe de Dieu, en prenant sur lui notre nature humaine, à l'exception du péché (cf. He 4, 15), manifeste le dessein du Père qui est de révéler à la personne humaine la manière d'arriver à la plénitude de sa vocation [...]. Ce faisant, Jésus non seulement réconcilie l'homme avec Dieu mais il le réconcilie aussi avec luimême, en lui révélant sa nature ».(16) Par ces mots, les Pères du Synode, s'appuyant sur le Concile Vatican II, ont redit que Jésus est le chemin à suivre pour parvenir à la pleine réalisation de soi, qui est la rencontre définitive et éternelle avec Dieu. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi » (Jn 14, 6). Dieu nous a « prédestinés à reproduire l'image de son Fils, afin qu'il soit l'aîné d'une multitude de frères » (Rm 8, 29). Jésus Christ est bien la réponse définitive à la question sur le sens de la vie et aux interrogations fondamentales qui angoissent tant d'hommes et de femmes aujourd'hui sur le continent américain.

Par Marie, nous rencontrons Jésus

11. À la naissance de Jésus, les mages venus de l'Orient arrivèrent à Bethléem et « virent l'Enfant avec Marie sa Mère » (Mt 2, 11). Au début de sa vie publique, quand le Fils de Dieu, aux noces de Cana, accomplit son premier signe qui suscite la foi des disciples (cf. Jn 2, 11), c'est Marie qui intervient et qui oriente les serviteurs vers son Fils en leur disant: « Tout ce qu'il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). J'ai eu l'occasion d'écrire à ce sujet: « La Mère du Christ se présente devant les hommes comme porte-parole de la volonté du Fils, celle qui montre quelles exigences doivent être satisfaites afin que puisse se manifester la puissance salvifique du Messie ».(17) C'est pourquoi Marie est une voie sûre pour rencontrer le Christ. La dévotion envers la Mère du Seigneur, quand elle est authentique, conduit toujours à orienter sa propre vie selon l'esprit et les valeurs de l'Évangile.

Comment alors ne pas mettre en lumière le rôle de la Vierge dans la vie de l'Église en Amérique qui marche à la rencontre de son Seigneur? La Sainte Vierge, en effet, « est liée de manière particulière à la naissance de l'Église dans l'histoire [...] des peuples de l'Amérique, qui, par Marie, sont arrivés à la rencontre avec le Seigneur ».(18)

Dans toutes les parties du continent, et cela depuis l'époque de la première évangélisation, la présence de la Mère de Dieu a été forte, grâce aux efforts des missionnaires. Par leur prédication, « l'Évangile a été annoncé en présentant la Vierge Marie comme modèle de sa réalisation la plus haute. Depuis les origines — invoquée sous le titre de Notre-Dame de Guadalupe —, Marie est apparue comme un signe éclatant, au visage maternel et miséricordieux, de la proximité du Père et du Fils avec lesquels elle nous invite à entrer en communion ».(19)

L'apparition de Marie à l'Indien Juan Diego sur la colline de Tepeyac, en 1531, eut des répercussions décisives pour l'évangélisation.(20) Son influence dépasse largement les frontières du Mexique et s'étend au continent tout entier. Et l'Amérique, qui a été au long de son histoire et qui demeure un creuset de peuples, a reconnu dans le visage métissé de la Vierge de Tepeyac « le grand exemple d'évangélisation parfaitement inculturée qu'est sainte Marie de Guadalupe ».(21) C'est pourquoi, non seulement au centre et au sud mais aussi au nord du continent, la Vierge de Guadalupe est vénérée comme la Reine de toute l'Amérique.(22)

À mesure que le temps passait, les Pasteurs comme les fidèles ont eu une conscience toujours plus vive du rôle de la Vierge dans l'évangélisation du continent. Dans la prière composée à l'occasion de l'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques, la Vierge Sainte de Guadalupe est invoquée comme « Patronne de toute l'Amérique, Étoile de la première et de la nouvelle évangélisation ». Dans cet esprit, j'accueille avec joie la proposition faite par les Pères du Synode que le 12 décembre soit célébrée dans tout le continent la fête de Notre-Dame de Guadalupe, Mère et Évangélisatrice de l'Amérique.(23) Et je nourris dans mon cœur la ferme espérance que Celle dont l'intercession a obtenu que soit fortifiée la foi des premiers disciples (cf. Jn 2, 11) guidera par sa maternelle intercession l'Église dans ce continent et lui obtiendra l'effusion de l'Esprit Saint comme sur l'Église naissante (cf. Ac 1, 14), afin que la nouvelle évangélisation produise des fruits abondants de vie chrétienne.

Les lieux de rencontre avec le Christ

12. En s'appuyant avec confiance sur l'aide de Marie, l'Église en Amérique désire conduire les hommes et les femmes de ce continent à la rencontre avec le Christ, d'où jaillit une authentique conversion et un engagement renouvelé de communion et de solidarité. Une telle rencontre contribuera efficacement à fortifier la foi de nombreux catholiques, pour qu'elle mûrisse, devenant une foi assurée, vive et active.

Pour que la recherche du Christ présent dans son Église ne soit pas réduite à une pure abstraction, il est nécessaire de mettre en évidence les lieux et les moments concrets où, à l'intérieur de l'Église, on peut le rencontrer. À cet égard, la réflexion des Pères synodaux a suscité une grande richesse de suggestions et d'observations.

Tout d'abord, ils ont souligné l'importance de « l'Écriture sainte lue à la lumière de la Tradition et du Magistère, approfondie dans la méditation et l'oraison ».(24) Ils ont recommandé d'encourager la connaissance des Évangiles, dans lesquels est décrite, avec des mots facilement compréhensibles par tous, la manière dont Jésus a vécu parmi les hommes. Si, en lisant ces textes sacrés, on sait se mettre dans une attitude d'écoute semblable à celle des foules qui écoutaient Jésus sur les pentes du Mont des Béatitudes ou sur les rives du lac de Tibériade tandis qu'il prêchait depuis la barque, on recueille d'une telle lecture d'authentiques fruits de conversion du cœur.

Un deuxième lieu de rencontre avec Jésus est la sainte Liturgie.(25) Le Concile Vatican II nous a offert une riche exposition de la présence multiforme du Christ dans la liturgie, dont l'importance doit inciter à en faire l'objet d'une constante prédication: le Christ est présent dans le célébrant qui renouvelle sur l'autel le même et unique Sacrifice de la Croix; il est présent dans les sacrements, par lesquels il exerce sa force efficace. Quand est proclamée sa parole, c'est Lui-même qui nous parle. Il est encore présent au sein de la communauté, car il a dit: « Que deux ou trois soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux » (Mt 18, 20). Il est présent « au plus haut degré sous les espèces eucharistiques ».(26) Mon prédécesseur Paul VI a estimé nécessaire d'expliquer la particularité de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. « On la nomme 'réelle', non à titre exclusif, comme si les autres présences n'étaient pas 'réelles', mais par antonomase, parce qu'elle est substantielle ».(27) Sous les espèces du pain et du vin, « le Christ tout entier est présent en sa réalité physique, et même corporelle ».(28)

L'Écriture et l'Eucharistie, lieux de rencontre avec le Christ, sont évoquées par le récit de l'apparition du Ressuscité aux disciples d'Emmaüs. Mais le texte de l'Évangile sur le jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46), où il est dit que nous serons jugés sur l'amour envers ceux qui sont dans le besoin, dans lesquels le Seigneur Jésus est mystérieusement présent, ce texte montre que l'on ne peut négliger un troisième lieu de rencontre avec le Christ: « les personnes, spécialement les pauvres, auxquelles le Christ s'identifie ».(29) À la clôture du Concile Vatican II, le Pape Paul VI rappelait que « dans le visage de tout homme, surtout si les larmes et les souffrances l'ont rendu plus transparent, il faut reconnaître le visage du Christ (cf. Mt 25, 40), le Fils de l'homme ».(30)

CHAPITRE II

LA RENCONTRE AVEC LE CHRIST
DANS L'AMÉRIQUE D'AUJOURD'HUI

« À qui on aura donné beaucoup,
il sera beaucoup demandé »
(Lc 12, 48)

La situation des hommes et des femmes d'Amérique et leur rencontre avec le Seigneur

13. Dans les Évangiles, on relate les rencontres avec le Christ de personnes en situations très diverses. Parfois il s'agit de situations de péché, qui laissent transparaître le besoin de conversion et de pardon du Seigneur. En d'autres circonstances apparaissent des attitudes positives de recherche de la vérité, de confiance authentique en Jésus, qui favorisent l'établissement d'une relation d'amitié avec Lui et qui stimulent le désir de l'imiter. On ne saurait oublier non plus les dons par lesquels le Seigneur prépare quelques-uns à une rencontre ultérieure. Ainsi Dieu, donnant à Marie d'être « pleine de grâce » (Lc 1, 28) dès le premier instant, la prépara en vue de la réalisation en elle de sa plus haute rencontre avec la nature humaine: le mystère ineffable de l'Incarnation.

Parce que les péchés comme les vertus sociales n'existent pas dans l'abstrait, mais sont le résultat d'actes personnels,(31) il est nécessaire de tenir compte du fait que l'Amérique est aujourd'hui une réalité complexe, fruit des tendances et des façons d'agir des hommes et des femmes qui l'habitent. C'est dans cette situation réelle et concrète qu'ils doivent rencontrer Jésus.

L'identité chrétienne de l'Amérique

14. Le don le plus grand que l'Amérique a reçu du Seigneur est la foi, qui a forgé son identité chrétienne. Il y a déjà plus de cinq cents ans que le nom du Christ a été annoncé dans le continent. La physionomie religieuse américaine est le fruit de l'évangélisation qui a accompagné les mouvements migratoires en provenance d'Europe. Elle est marquée par les valeurs morales chrétiennes qui, même si elles ne sont pas toujours vécues de façon cohérente et si elles sont parfois remises en question, peuvent être considérées d'une certaine manière comme le patrimoine de tous les habitants de l'Amérique, même de ceux qui ne s'y reconnaissent pas explicitement. Il est clair que l'identité chrétienne de l'Amérique ne peut être considérée comme synonyme de l'identité catholique. La présence des autres confessions chrétiennes, plus ou moins forte selon les diverses parties de l'Amérique, rend particulièrement urgent l'engagement œcuménique, pour rechercher l'unité entre tous ceux qui croient au Christ.(32)

Fruits de sainteté

15. Les saints sont l'expression et les fruits les plus élevés de l'identité chrétienne de l'Amérique. En eux, la rencontre avec le Christ vivant « est si profonde et si engagée [...] qu'elle devient un feu qui les consume totalement et les pousse à construire son Règne, à faire en sorte que Lui et la Nouvelle Alliance soient le sens et l'âme [...] de la vie personnelle et communautaire ».(33) L'Amérique a vu fleurir des fruits de sainteté dès les débuts de son évangélisation. C'est le cas de sainte Rose de Lima (1586-1617), « la première fleur de sainteté dans le Nouveau Monde », proclamée patronne principale de l'Amérique en 1670 par le Pape Clément X.(34) A partir d'elle, le sanctoral américain s'est amplifié jusqu'à atteindre son développement actuel.(35) Les béatifications et les canonisations par lesquelles de nombreux fils et filles du continent ont été élevés à l'honneur des autels offrent des modèles héroïques de vie chrétienne selon la diversité des états de vie et des milieux sociaux. En les béatifiant ou en les canonisant, l'Église les désigne comme de puissants intercesseurs unis au Christ, Prêtre suprême et éternel, Médiateur entre Dieu et les hommes. Les bienheureux et les saints d'Amérique accompagnent avec une sollicitude fraternelle les hommes et les femmes qui sont leurs compatriotes, à travers joies et souffrances, jusqu'à la rencontre définitive avec le Seigneur.(36) Pour aider les fidèles à les imiter toujours davantage et à recourir à leur intercession de manière plus fréquente et plus fructueuse, j'estime très opportune la proposition des Pères synodaux de préparer « un recueil de brèves biographies des saints et des bienheureux américains. Cela peut éclairer et stimuler en Amérique la réponse à la vocation universelle à la sainteté ».(37)

Parmi ses saints, « l'histoire de l'évangélisation de l'Amérique reconnaît de nombreux martyrs, hommes et femmes, évêques et prêtres, religieux et laïcs, qui arrosèrent de leur sang [...] la terre de [ces] nations. Telle une nuée de témoins (cf. He 12, 1), ces saints nous encouragent à prendre en charge aujourd'hui, sans crainte et avec ardeur, la nouvelle évangélisation ».(38) Il est nécessaire que leurs exemples de dévouement sans limite à la cause de l'Évangile soient non seulement préservés de l'oubli, mais mieux connus et diffusés parmi les fidèles du continent. J'écrivais à ce sujet dans Tertio millennio adveniente: « Il faut que les Églises locales fassent tout leur possible pour ne pas laisser perdre la mémoire de ceux qui ont subi le martyre, en rassemblant à cette intention la documentation nécessaire ».(39)

La piété populaire

16. L'existence d'une intense piété populaire enracinée dans les diverses nations est une caractéristique particulière de l'Amérique. On la rencontre à tous les niveaux et dans tous les milieux sociaux; elle revêt une importance spéciale comme lieu de rencontre avec le Christ pour tous ceux qui cherchent Dieu sincèrement avec un esprit de pauvreté et un cœur humble (cf. Mt 11, 25). Les expressions d'une telle piété sont nombreuses: « Les pèlerinages aux sanctuaires du Christ, de la Sainte Vierge et des Saints, ainsi que la prière pour les âmes du purgatoire, l'usage des sacramentaux (eau, huile, cierges...). Ces expressions, et tant d'autres, de la piété populaire donnent aux fidèles l'occasion de rencontrer le Christ vivant ».(40) Les Pères synodaux ont souligné l'urgence de découvrir, dans les manifestations de la religiosité populaire, les vrais valeurs spirituelles, pour les enrichir avec les éléments de la doctrine catholique authentique, afin que cette religiosité puisse conduire à un engagement sincère de conversion et à une expérience concrète de charité.(41) La piété populaire, si elle est convenablement orientée, contribue aussi à accroître chez les fidèles la conscience de leur appartenance à l'Église, en alimentant la ferveur et en offrant ainsi une réponse valable aux défis actuels de la sécularisation.(42)

Étant donné que, en Amérique, la piété populaire est l'expression de l'inculturation de la foi catholique et que beaucoup de ses manifestations ont pris des formes religieuses autochtones, on ne doit pas sous-évaluer la possibilité d'en tirer aussi, avec une prudence éclairée, des indications valables pour une plus grande inculturation de l'Évangile.(43) Cela revêt une importance considérable, spécialement parmi les populations autochtones, pour que « les semences du Verbe » présentes dans leur culture atteignent leur plénitude dans le Christ.(44) La même constatation peut être faite pour les Américains d'origine africaine. L'Église « reconnaît qu'elle a l'obligation de se rapprocher de ces Américains à partir de leur culture, considérant sérieusement les richesses spirituelles et humaines de cette culture qui marque leur façon de célébrer le culte, leur sens de la joie et de la solidarité, leur langue et leurs traditions ».(45)

Présence catholique orientale

17. L'immigration en Amérique constitue presque une constante de son histoire, du début de l'évangélisation jusqu'à aujourd'hui. Au cœur de ce phénomène complexe, soulignons que, ces derniers temps, diverses régions d'Amérique ont accueilli de nombreux membres des Églises catholiques orientales qui, pour des motifs variés, ont abandonné leur terre d'origine. Une première vague migratoire provenait surtout de l'Ukraine occidentale; par la suite, elle s'est élargie aux pays du Moyen-Orient. Il est devenu ainsi pastoralement nécessaire de créer une hiérarchie catholique orientale pour ces fidèles immigrés et pour leurs descendants. Les normes émanant du Concile Vatican II, que les Pères synodaux ont rappelées, reconnaissent que les Églises Orientales « ont le droit et sont tenues par le devoir de se régir selon leurs propres disciplines particulières », ayant la mission de rendre témoignage à une très ancienne tradition doctrinale, liturgique et monastique. D'autre part, ces Églises doivent conserver leurs propres disciplines, qui « correspondent mieux aux habitudes de leurs fidèles et semblent plus aptes à assurer le bien des âmes ».(46) Si la synergie entre les Églises particulières d'Orient et d'Occident est nécessaire à la Communauté ecclésiale universelle pour lui permettre de respirer avec les deux poumons, dans l'espérance de parvenir à le faire pleinement à travers la parfaite communion entre l'Église catholique et les Églises orientales séparées,(47) on ne peut que se réjouir de la récente implantation en Amérique des Églises orientales à côté de l'Église latine, présente depuis le commencement, car de cette façon la catholicité de l'Église du Seigneur peut mieux se manifester.(48)

La place de l'Église dans l'éducation et l'action sociale

18. Parmi les facteurs qui favorisent l'influence de l'Église sur la formation chrétienne des Américains, il faut signaler sa très grande présence dans l'éducation, spécialement dans le monde universitaire. Les nombreuses Universités catholiques disséminées à travers le continent constituent un trait caractéristique de la vie ecclésiale en Amérique. De même dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire, le nombre élevé d'écoles catholiques offre la possibilité d'une action évangélisatrice d'une portée très ample, pourvu qu'elle soit toujours accompagnée d'une ferme volonté de donner une éducation vraiment chrétienne.(49)

Un autre domaine important dans lequel l'Église est présente dans toutes les parties de l'Amérique est l'assistance caritative et sociale. Les multiples initiatives en faveur des personnes âgées, des malades et de ceux qui sont dans le besoin, telles que les hospices, les hôpitaux, les dispensaires, les cantines gratuites et autres centres sociaux, sont un témoignage tangible de l'amour préférentiel pour les pauvres que nourrit l'Église en Amérique, animée par l'amour du Seigneur et consciente que « Jésus s'est identifié à eux (cf. Mt 25, 31-46) ».(50) Dans cette tâche qui ne connaît pas de frontières, elle a su développer une conscience de la solidarité concrète entre les diverses communautés du continent et du monde entier, manifestant ainsi la fraternité qui doit caractériser les chrétiens en tout temps et en tout lieu.

Pour qu'il soit évangélique et évangélisateur, le service des pauvres doit être le reflet fidèle de l'attitude de Jésus, qui est venu « pour annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle » (Lc 4, 18). S'il se déroule dans cet esprit, il devient manifestation de l'amour infini de Dieu pour tous les hommes et moyen éloquent de transmettre l'espérance du salut que le Christ a apporté au monde, et qui resplendit de façon particulière quand la Bonne Nouvelle est communiquée à ceux qui sont abandonnés ou rejetés par la société.

Ce dévouement constant envers les pauvres et les déshérités se retrouve dans le Magistère social de l'Église, qui ne se lasse pas d'inviter la communauté chrétienne à s'employer à ce que soit surmontée toute forme d'exploitation et d'oppression. Il s'agit, en effet, non seulement de soulager les besoins les plus graves et les plus urgents par le moyen d'actions individuelles ou sporadiques, mais de faire ressortir les racines du mal, proposant des interventions qui donnent aux structures sociales, politiques et économiques une configuration plus juste et plus solidaire.

Respect croissant des droits humains

19. Dans le domaine civil, mais avec des implications morales immédiates, on doit signaler, parmi les aspects positifs de l'Amérique d'aujourd'hui, la mise en place croissante dans tout le continent de systèmes politiques démocratiques et la réduction progressive des régimes dictatoriaux. L'Église considère avec sympathie cette évolution, dans la mesure où cela favorise un respect toujours plus évident des droits de chacun, y compris ceux de l'accusé et du coupable, à l'égard desquels il n'est pas légitime de recourir à des méthodes de détention et d'investigation — que l'on pense ici particulièrement à la torture — préjudiciables à la dignité humaine. « L'État de droit est, en effet, la condition nécessaire pour établir une vraie démocratie ».(51)

En outre, l'existence d'un État de droit implique chez les citoyens, et plus encore dans la classe dirigeante, la conviction que la liberté ne peut être séparée de la vérité.(52) En effet, « les graves problèmes qui menacent la dignité de la personne humaine, la famille, le mariage, l'éducation, l'économie et les conditions de travail, la qualité de la vie et la vie elle-même, soulèvent la question du droit ».(53) Les Pères synodaux ont souligné avec raison que « les droits fondamentaux de la personne humaine sont inscrits dans la nature elle-même, qu'ils sont voulus par Dieu et que par conséquent ils demandent à être universellement acceptés et observés. Aucune autorité humaine ne peut les transgresser en faisant appel à la majorité ou au consensus politique, sous prétexte que de cette manière le pluralisme et la démocratie sont respectés. C'est pourquoi l'Église doit s'engager à former et à accompagner les laïcs qui ont une fonction dans le domaine législatif, dans le gouvernement et dans l'administration de la justice, afin que les lois expriment toujours des principes et des valeurs morales qui soient conformes à une saine anthropologie et qui tiennent compte du bien commun ».(54)

Le phénomène de la mondialisation

20. La tendance à la mondialisation, caractéristique du monde contemporain, est un phénomène qui, tout en n'étant pas exclusivement américain, est plus perceptible et a de plus grandes répercussions en Amérique. Il s'agit d'un processus qui s'impose en raison du fait qu'il y a une plus grande communication entre les diverses parties du monde, ce qui abolit pratiquement les distances, avec des effets évidents dans des domaines très différents.

Les conséquences sur le plan éthique peuvent être positives ou négatives. On assiste en réalité à une mondialisation économique qui s'accompagne de certaines conséquences positives comme le phénomène de l'efficacité et de l'accroissement de la productivité, et qui, avec le développement des relations entre les divers pays dans le domaine économique, peut renforcer le processus d'unité entre les peuples et améliorer le service rendu à la famille humaine. Si cependant la mondialisation est régie par les seules lois du marché appliquées selon l'intérêt des puissants, les conséquences ne peuvent être que négatives. Tels sont, par exemple, l'attribution d'une valeur absolue à l'économie, le chômage, la diminution et la détérioration de certains services publics, la destruction de l'environnement et de la nature, l'augmentation des différences entre les riches et les pauvres, la concurrence injuste qui place les nations pauvres dans une situation d'infériorité toujours plus marquée.(55) Bien que l'Église estime les valeurs positives que comporte la mondialisation, elle en considère avec inquiétude les aspects négatifs.

Et que dire de la mondialisation culturelle produite par la puissance des moyens de communication sociale? Ces derniers imposent partout de nouvelles échelles de valeur, souvent arbitraires et au fond matérialistes, face auxquelles il est difficile de maintenir une solide adhésion aux valeurs de l'Évangile.

L'urbanisation croissante

21. L'urbanisation est également un phénomène en croissance en Amérique. Depuis quelques lustres déjà, le continent est en train de vivre un exode constant des campagnes vers la ville. Il s'agit d'un phénomène complexe, déjà décrit par mon prédécesseur Paul VI.(56) Les causes en sont diverses, mais parmi elles ressortent principalement la pauvreté et le sous-développement des zones rurales, où manquent bien souvent les services, les communications, les structures éducatives et sanitaires. En outre, la ville, avec la réputation de divertissement et de bien-être que lui attribue souvent la présentation qu'en font les moyens de communication sociale, exerce une attraction spéciale sur les gens simples du monde rural.

Le manque fréquent de planification dans ce processus est source de nombreux maux. Comme l'ont signalé les Pères synodaux, « dans certains cas, telles ou telles zones urbaines sont comme des îlots dans lesquels s'accumulent la violence, la délinquance juvénile et l'atmosphère de désespoir ».(57) Il faut ajouter que le phénomène de l'urbanisation représente de grands défis pour l'action pastorale de l'Église, qui doit faire face au déracinement culturel, à la perte des coutumes familiales, au détachement des traditions religieuses particulières, avec fréquemment pour conséquence le naufrage de la foi, privée de ces manifestations qui contribuaient à la soutenir.

Évangéliser la culture urbaine constitue un défi formidable pour l'Église, qui, de même qu'elle a su pendant des siècles évangéliser la culture rurale, de même aujourd'hui est appelée à accomplir une évangélisation urbaine méthodique et capillaire par la catéchèse, la liturgie et la manière même d'organiser ses structures pastorales.(58)

Le poids de la dette extérieure

22. Les Pères synodaux ont manifesté leur préoccupation pour la dette extérieure qui afflige de nombreuses nations américaines, exprimant leur solidarité avec elles. Ils attirent avec force l'attention de l'opinion publique sur la complexité de la question, reconnaissant que « la dette est souvent le fruit de la corruption et de la mauvaise administration ».(59) Dans l'esprit de la réflexion synodale, cette reconnaissance ne prétend pas concentrer sur un seul pôle les responsabilités d'un phénomène extrêmement complexe dans son origine et dans ses solutions.(60)

En effet, parmi les causes qui ont contribué à la formation d'une dette extérieure écrasante, il faut signaler non seulement les intérêts élevés, fruit de politiques financières spéculatives, mais aussi l'irresponsabilité de certains gouvernants qui, en contractant une dette, n'ont pas réfléchi suffisamment aux possibilités réelles de l'éteindre, avec comme circonstance aggravante que des sommes considérables obtenues grâce aux prêts internationaux vont parfois enrichir des individus, au lieu de servir à soutenir les changements nécessaires au développement du pays. D'autre part, il serait injuste de faire peser les conséquences de ces décisions irresponsables sur ceux qui ne les ont pas prises. La gravité de la situation est encore plus compréhensible si l'on tient compte du fait que « déjà le seul paiement des intérêts constitue pour l'économie des pays pauvres un poids qui enlève aux autorités la disponibilité de l'argent nécessaire pour le développement social, l'éducation, la santé et l'institution d'un fonds pour créer du travail ».(61)

La corruption

23. La corruption, souvent présente parmi les causes de la dette publique oppressante, est un problème grave qui doit être considéré avec attention. La corruption, « sans respecter les frontières, concerne des personnes, des structures publiques et privées de pouvoir et les classes dirigeantes ». Il s'agit d'une situation qui « favorise l'impunité et l'accumulation illicite de richesses, le manque de confiance envers les institutions politiques, surtout dans l'administration de la justice et dans les investissements publics, qui ne sont pas toujours transparents, ni égaux pour tous ni efficaces ».(62)

À ce sujet, je désire rappeler ce que j'ai écrit dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de 1998: la plaie de la corruption doit être dénoncée et combattue avec force par ceux qui détiennent l'autorité et avec « le soutien généreux de tous les citoyens, animés par une forte conscience morale ».(63) Les organismes appropriés de contrôle et la transparence des transactions économiques et financières préviennent aussi et évitent dans de nombreux cas l'extension de la corruption, dont les conséquences néfastes retombent principalement sur les plus pauvres et les plus délaissés. Ce sont encore les pauvres qui souffrent les premiers des retards, de l'inefficacité, de l'absence d'une défense appropriée et des carences structurelles, quand l'administration de la justice est corrompue.

Le commerce et la consommation de la drogue

24. Le commerce des stupéfiants, avec la consommation qui s'ensuit, constitue une sérieuse menace pour les structures sociales des pays d'Amérique. Il « contribue aux crimes et à la violence, à la désagrégation de la vie familiale, à la destruction physique et affective de nombreux individus et communautés, surtout parmi les jeunes. Il altère en outre la dimension éthique du travail et contribue à augmenter le nombre de personnes dans les prisons, en un mot, à la dégradation de la personne créée à l'image de Dieu ».(64) De plus, un commerce aussi néfaste conduit à « détruire les gouvernements, en minant la sécurité économique et la stabilité des nations ».(65) Nous sommes ici en présence de l'un des défis les plus urgents avec lesquels doivent se mesurer de nombreux pays dans le monde: c'est en effet un défi qui remet en question une grande partie des avantages obtenus ces derniers temps pour le progrès de l'humanité. Pour plusieurs pays d'Amérique, la production, le trafic et la consommation de drogues constituent des facteurs compromettants pour leur prestige international, car ils réduisent leur crédibilité et rendent plus difficile la collaboration souhaitable avec d'autres pays, qui est si nécessaire de nos jours pour le développement harmonieux de chaque peuple.

La préoccupation pour l'écologie

25. « Et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1, 25). Ces paroles, que nous lisons dans le premier chapitre du livre de la Genèse, indiquent le sens de l'œuvre que Dieu a réalisée. Le Créateur confie à l'homme, couronnement de tout le processus de la création, la garde de la terre (cf. Gn 2, 15). De là découlent pour toute personne des obligations concrètes en ce qui concerne l'écologie. Pour les accomplir, il faut s'ouvrir à une perspective spirituelle et éthique qui triomphe des attitudes et « des styles de vie égoïstes conduisant à l'épuisement des ressources naturelles ».(66)

Dans ce domaine, aujourd'hui si actuel, l'intervention des croyants est plus importante que jamais. La collaboration de tous les hommes de bonne volonté avec les instances législatives et gouvernementales est nécessaire pour arriver à une protection efficace de l'environnement, considéré comme un don de Dieu. Il y a encore tant d'abus et de dommages écologiques dans de nombreuses régions américaines! Il suffit de penser à l'émission incontrôlée de gaz nocifs ou au phénomène dramatique des incendies de forêt, que provoquent parfois intentionnellement des personnes poussées par des intérêts égoïstes. Ces dévastations peuvent conduire à une réelle désertification dans beaucoup de zones de l'Amérique avec ses inévitables conséquences de famine et de misère. Le problème se pose, avec une intensité spéciale, dans la forêt amazonienne, territoire immense qui concerne divers pays, du Brésil au Guyana, au Suriname, au Venezuela, à la Colombie, à l'Équateur, au Pérou et à la Bolivie.(67) C'est l'un des espaces naturels les plus appréciés dans le monde pour sa diversité biologique, ce qui le rend vital pour l'équilibre environnemental de toute la planète.

CHAPITRE III

CHEMIN DE CONVERSION

« Repentez-vous donc et convertissez-vous » (Ac 3, 19)

Urgence de l'appel à la conversion

26. « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche: convertissez-vous et croyez à l'Évangile » (Mc 1, 15). Ces paroles, par lesquelles Jésus commence son ministère en Galilée, résonnent continuellement aux oreilles des Évêques, des prêtres, des diacres, des personnes consacrées et des fidèles laïcs de toute l'Amérique. La récente célébration du cinquième centenaire du début de l'évangélisation de l'Amérique, la commémoration de la naissance de Jésus il y a deux mille ans et le grand Jubilé que nous nous préparons précisément à célébrer constituent autant d'appels à approfondir notre vocation chrétienne. L'importance de l'événement de l'Incarnation et la gratitude pour le don de la première annonce de l'Évangile en Amérique invitent à répondre promptement au Christ par une conversion personnelle plus convaincue et, en même temps, elles poussent à une fidélité évangélique toujours plus généreuse. L'exhortation du Christ à se convertir trouve un écho dans celle de l'Apôtre: « L'heure est venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu'à l'époque où nous sommes devenus croyants » (Rm 13, 11). La rencontre avec Jésus vivant incite à la conversion.

Dans le Nouveau Testament, pour parler de conversion, on utilise le mot metanoia, qui signifie changement de mentalité. Il ne s'agit pas seulement d'une autre façon de penser sur le plan intellectuel, mais de la révision de ses propres convictions pratiques, à la lumière des critères évangéliques. Saint Paul parle à ce sujet, de « foi opérant par la charité » (Ga 5, 6). Pour cela, l'authentique conversion doit être préparée et entretenue par la lecture priante de l'Écriture Sainte et la pratique des sacrements de la Réconciliation et de l'Eucharistie. La conversion conduit à la communion fraternelle, car elle fait comprendre que le Christ est le chef de l'Église, son corps mystique; elle incite à la solidarité, car elle fait prendre conscience que ce que nous faisons aux autres, spécialement aux plus nécessiteux, est adressé au Christ. Elle favorise donc une vie nouvelle, dans laquelle il n'y a plus de séparation entre la foi et les œuvres dans la réponse quotidienne à l'appel universel à la sainteté. Il est indispensable de dépasser la fracture entre la foi et la vie pour pouvoir effectivement parler de conversion. En effet, en présence d'une telle séparation, le christianisme reste seulement un mot. Pour être un authentique disciple du Seigneur, le croyant doit être témoin de sa foi: « Le témoin rend son témoignage non seulement par la parole, mais aussi par sa propre vie ».(68) Nous devons nous rappeler les paroles de Jésus: « Ce n'est pas en me disant: “Seigneur, Seigneur”, qu'on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7, 21). L'ouverture à la volonté du Père suppose une totale disponibilité, qui n'exclut même pas le don de la vie: « Le plus grand témoignage est le martyre ».(69)

Dimension sociale de la conversion

27. Cependant, la conversion n'est pas complète s'il l'on ne prend pas conscience des exigences de la vie chrétienne et si l'on ne s'efforce pas de les réaliser. À ce propos, les Pères synodaux ont relevé que, malheureusement, « il existe de grandes carences d'ordre personnel et communautaire qui concernent aussi bien une conversion plus profonde que les relations entre les milieux, les institutions et les groupes dans l'Église ».(70) « Celui qui n'aime pas son frère, qu'il voit, est incapable d'aimer Dieu, qu'il ne voit pas » (1 Jn 4, 20).

La charité fraternelle exige une attention à toutes les nécessités du prochain. « Celui qui a de quoi vivre en ce monde, s'il voit son frère dans le besoin sans se laisser attendrir, comment l'amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui? » (1 Jn 3, 17). C'est pourquoi, pour le peuple chrétien qui vit en Amérique, se convertir à l'Évangile signifie reconsidérer « tous les milieux et les aspects de sa vie, spécialement tout ce qui concerne l'ordre social et la réalisation du bien commun ».(71) De façon spéciale, il faudra « faire prendre à la société une conscience toujours plus forte de la dignité de toute personne et, par conséquent, rendre la communauté plus sensible à son devoir de participer à l'action politique selon l'Évangile ».(72) Il est clair, en effet, que l'activité dans le domaine politique fait aussi partie de la vocation et de l'action des fidèles laïcs.(73)

À ce sujet, cependant, il est très important, surtout dans une société pluraliste, d'avoir une juste vision des rapports entre la communauté politique et l'Église, et de faire une claire distinction entre les actions que les fidèles, individuellement ou en groupe, accomplissent en leur nom propre, comme citoyens, guidés par leur conscience chrétienne, et les actions qu'ils accomplissent au nom de l'Église en communion avec leurs Pasteurs. L'Église qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond en aucune manière avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique, est en même temps le signe et la garantie du caractère transcendant de la personne humaine.(74)

Conversion permanente

28. Ici-bas, la conversion est un but jamais pleinement atteint : sur le chemin que le disciple est appelé à parcourir à la suite de Jésus, c'est un engagement qui concerne toute la vie. D'autre part, durant notre existence terrestre, notre volonté de conversion est toujours affaiblie par les tentations. Comme « nul ne peut servir deux maîtres » (Mt 6, 24), le changement de mentalité (metanoia) consiste dans l'effort pour assimiler les valeurs évangéliques, qui sont en opposition avec les tendances dominantes du monde. Il est donc nécessaire de renouveler constamment « la rencontre avec Jésus Christ vivant », démarche qui, comme l'ont mis en lumière les Pères synodaux, « nous conduit à la conversion permanente ».(75)

L'appel universel à la conversion revêt des nuances particulières pour l'Église qui est en Amérique, engagée elle aussi dans le renouveau de sa foi. Les Pères synodaux ont ainsi formulé cet engagement concret et exigeant: « Cette conversion exige spécialement de nous Évêques une identification authentique avec le style personnel de Jésus Christ, qui nous conduit à la simplicité, à la pauvreté, à la proximité avec le prochain, au renoncement aux privilèges, afin que, comme Lui, sans mettre notre confiance dans des moyens humains, nous tirions de la force de l'Esprit et de la Parole toute l'efficacité de l'Évangile, demeurant ouverts avant tout à ceux qui sont les plus éloignés et les plus exclus ».(76) Pour être des pasteurs selon le cœur de Dieu (cf. Jr 3, 15), il est indispensable d'adopter un genre de vie qui identifie à Celui qui a dit de lui-même: « Je suis le bon pasteur » (Jn 10, 11), genre de vie que saint Paul met en lumière quand il écrit: « Montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ » (1 Co 11, 1).

Guidés par l'Esprit Saint vers un nouveau style de vie

29. La proposition d'un nouveau style de vie ne concerne pas seulement les Pasteurs, mais aussi tous les chrétiens qui vivent en Amérique. Il leur est demandé d'approfondir et de faire leur la spiritualité chrétienne authentique. « En effet, par le terme spiritualité, on entend un style ou une forme de vie selon les exigences chrétiennes. La spiritualité est “vie en Christ” et “dans l'Esprit”, qui est accueillie dans la foi, qui s'exprime dans l'amour et qui, animée d'espérance, se traduit dans le quotidien de la communauté ecclésiale ».(77) En ce sens, par spiritualité, qui est le but auquel conduit la conversion, on comprend non pas « une part de la vie, mais la vie tout entière guidée par l'Esprit Saint ».(78) Parmi les éléments de spiritualité que tout chrétien doit faire sien, se distingue la prière. Celle-ci le « conduira peu à peu à acquérir un regard contemplatif sur la réalité, qui lui permettra de reconnaître Dieu à tout moment et en toute chose; de le contempler en toute personne; de chercher sa volonté dans les événements ».(79)

La prière, aussi bien personnelle que liturgique, est un devoir pour tout chrétien. « Jésus Christ, Évangile du Père, nous avertit que sans lui nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 5). Lui-même, dans les moments décisifs de sa vie, avant d'agir, se retirait dans un lieu solitaire pour s'adonner à la prière et à la contemplation, et il demandait aux Apôtres d'en faire autant ».(80) À ses disciples, sans exception, il rappelle: « Retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret » (Mt 6, 6). Cette intense vie de prière doit être adaptée aux capacités et aux conditions de tout chrétien, de manière que chacun puisse, dans les diverses situations de la vie, puiser « à la source de sa rencontre avec le Christ pour s'abreuver d'un seul Esprit (cf. 1 Co 12, 13) ».(81) En ce sens, la dimension contemplative n'est pas un privilège réservé à un petit nombre; au contraire dans les paroisses, dans les communautés et à l'intérieur des mouvements, il faut promouvoir une spiritualité ouverte et orientée vers la contemplation des vérités fondamentales de la foi: les mystères de la Trinité, de l'Incarnation du Verbe, de la Rédemption des hommes, et les autres merveilles de Dieu.(82)

Les hommes et les femmes consacrés exclusivement à la contemplation exercent une mission fondamentale dans l'Église qui est en Amérique. Ils sont, selon l'expression du Concile Vatican II, « l'honneur de l'Église et une source d'où s'épanchent les grâces célestes ».(83) C'est pourquoi il faut que les monastères disséminés dans toutes les parties du continent soient « l'objet d'un amour spécial de la part des Pasteurs, qui doivent être pleinement convaincus que les âmes vouées à la vie contemplative obtiennent une abondance de grâces, par la prière, la pénitence et la contemplation auxquelles elles consacrent leur vie. Les contemplatifs doivent être conscients qu'ils sont intégrés à la mission de l'Église dans le temps présent et que, par le témoignage de leur vie, ils coopèrent au bien spirituel des fidèles, les aidant à chercher le visage de Dieu dans l'existence quotidienne ».(84)

La spiritualité chrétienne est nourrie avant tout par une vie sacramentelle assidue, les sacrements étant des racines et des sources inépuisables de la grâce de Dieu nécessaire pour soutenir le croyant dans son pèlerinage terrestre. Cette vie sacramentelle, qu'il est nécessaire de développer toujours plus dans la vie de l'Église en Amérique, doit être complétée par les valeurs de la piété populaire, qui, à leur tour seront enrichies par la pratique sacramentelle et affranchies du danger de dégénérer en routine. De plus il faut noter que cette spiritualité ne s'oppose pas à la dimension sociale de l'engagement chrétien. Au contraire, par sa démarche de prière, le croyant prend davantage conscience des exigences de l'Évangile et de ses propres devoirs à l'égard de ses frères, recevant la force de la grâce indispensable pour persévérer dans le bien. Pour mûrir spirituellement, le chrétien aura avantage à recourir aux conseils des ministres sacrés ou d'autres personnes expertes en ce domaine, par la direction spirituelle, pratique traditionnelle courante dans l'Église. Les Pères synodaux ont estimé nécessaire de recommander aux prêtres ce ministère si important.(85)

Vocation universelle à la sainteté

30. « Soyez saints, car moi, le Seigneur, votre Dieu, je suis saint » (Lv 19, 2). L'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques a voulu rappeler avec vigueur à tous les chrétiens l'importance de la doctrine de la vocation universelle à la sainteté dans l'Église.(86) Il s'agit de l'un des points centraux de la Constitution dogmatique sur l'Église du Concile Vatican II.(87) La sainteté est le but du chemin de conversion, parce qu'elle « n'est pas en elle-même sa propre fin, mais plutôt un itinéraire vers Dieu, qui est saint. Être saint, c'est imiter Dieu et glorifier son nom dans les œuvres que nous réalisons dans notre vie (cf. Mt 5, 16) ».(88) Sur le chemin de la sainteté, Jésus Christ est le point de référence et le modèle à imiter: il est « le Saint de Dieu et il fut reconnu comme tel (cf. Mc 1, 24). C'est lui-même qui nous enseigne que le cœur de la sainteté est l'amour, qui conduit aussi à donner sa vie pour les autres (cf. Jn 15, 13). C'est pourquoi imiter la sainteté de Dieu, telle qu'elle s'est manifestée en Jésus Christ, son Fils, n'est autre que prolonger son amour dans l'histoire, spécialement à l'égard des pauvres, des malades, des indigents (cf. Lc 10, 25 ss.) ».(89)

Jésus, chemin unique vers la sainteté

31. « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Par ces paroles, Jésus se présente comme l'unique chemin qui conduit à la sainteté. Mais la connaissance concrète de cet itinéraire provient principalement de la Parole de Dieu que l'Église proclame dans sa prédication. C'est pourquoi l'Église en Amérique « doit inciter tous les fidèles à donner une réelle priorité à la réflexion priante sur l'Écriture Sainte ».(90) Cette lecture de la Bible, accompagnée de la prière, est connue dans la tradition de l'Église sous le nom de Lectio divina, pratique à encourager chez tous les chrétiens. Pour les prêtres, la Lectio divina doit être un élément fondamental dans la préparation de leurs homélies, spécialement de celles du dimanche.(91)

Pénitence et réconciliation

32. La conversion (metanoia), à laquelle tout être humain est appelé, conduit à accepter et à faire sien le nouvel état d'esprit proposé par l'Évangile. Cela demande l'abandon du mode de penser et d'agir du monde qui, si souvent, conditionne lourdement l'existence. Comme le rappelle l'Écriture Sainte, il est nécessaire que meure l'homme ancien et que naisse l'homme nouveau, c'est-à-dire que tout l'être humain, « pour accéder à la connaissance, ne cesse d'être renouvelé à l'image de son Créateur » (Col 3, 10). Sur ce chemin de conversion et de recherche de la sainteté « il faut recommander les moyens ascétiques que la pratique de l'Église a toujours connus et dont le sommet est le sacrement de la Réconciliation, reçu et célébré avec les dispositions voulues ».(92) Seul celui qui est réconcilié avec Dieu est un acteur d'authentique réconciliation avec ses frères et de ses frères entre eux.

La crise actuelle du sacrement de la Réconciliation, dont l'Église qui est en Amérique n'est pas exempte et au sujet de laquelle j'ai exprimé ma préoccupation dès le début de mon pontificat,(93) pourra être surmontée grâce notamment à une action pastorale soutenue et patiente. À ce sujet, les Pères synodaux demandent à juste titre « que les prêtres consacrent le temps voulu à la célébration du sacrement de la Réconciliation, et qu'ils invitent avec insistance et avec force les fidèles à le recevoir, sans pour autant que les Pasteurs eux-mêmes omettent de se confesser fréquemment ».(94) Les Évêques et les prêtres font l'expérience personnelle de la mystérieuse rencontre avec le Christ qui pardonne dans le sacrement de la Réconciliation et ils sont des témoins privilégiés de son amour miséricordieux.

L'Église catholique, qui rassemble des hommes et des femmes « de toute nation, race, peuple et langue » (Ap 7, 9), est appelée à être, « dans un monde marqué par des divisions idéologiques, ethniques, économiques et culturelles », le « signe vivant de l'unité de la famille humaine ».(95) L'Amérique, dans la réalité complexe des pays et la diversité des groupes ethniques, aussi bien que dans les traits caractéristiques de l'ensemble du continent, présente beaucoup de différences qui ne doivent pas être ignorées et auxquelles il faut prêter attention. Grâce à un travail efficace pour unir entre eux les membres du peuple de Dieu à l'intérieur de chaque pays, et les membres des Églises particulières des diverses nations, les différences d'aujourd'hui pourront être source d'enrichissement mutuel. Comme l'affirment fort justement les Pères synodaux, « il est très important que l'Église dans toute l'Amérique soit un signe vivant d'une communion réconciliée, un appel permanent à la solidarité, un témoignage toujours présent dans nos divers systèmes politiques, économiques et sociaux ».(96) C'est là une contribution significative que les croyants peuvent offrir à l'unité du continent américain.

CHAPITRE IV

EN MARCHE VERS LA COMMUNION

« Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi,
qu'eux aussi soient en nous »
(Jn 17, 21)

L'Église, sacrement de communion

33. « Face à un monde divisé et en recherche d'unité, il est nécessaire de proclamer avec joie et d'une foi ferme que Dieu est communion, Père, Fils et Esprit Saint, unité dans la distinction, et qu'il appelle tous les hommes à participer à la même communion trinitaire. Il faut proclamer que cette communion est le dessein magnifique de Dieu [Père]; que Jésus Christ, qui s'est fait homme, est le centre de cette même communion, et que l'Esprit Saint agit constamment pour créer la communion et la restaurer quand elle est rompue. Il est nécessaire de proclamer que l'Église est signe et instrument de la communion voulue par Dieu, commencée dans le temps et destinée à la perfection dans la plénitude du Royaume ».(97) L'Église est signe de communion parce que ses membres, comme des rameaux, participent de la vie même du Christ, la vraie vigne (cf. Jn 15, 5). En effet, par la communion avec le Christ, Tête du Corps mystique, nous entrons en communion vivante avec tous les croyants.

Cette communion, qui existe dans l'Église et est essentielle à sa nature,(98) doit se manifester par des signes concrets, « comme pourraient l'être la prière en commun les uns pour les autres, l'impulsion donnée aux relations entre les Conférences épiscopales, les liens d'évêque à évêque, les relations de fraternité entre les diocèses et les paroisses, et la communication réciproque entre les agents pastoraux pour des activités missionnaires spécifiques ».(99) Elle exige que le dépôt de la foi soit conservé dans toute sa pureté et son intégrité, ainsi que l'unité de tout le Collège des Évêques sous l'autorité du Successeur de Pierre. Dans ce contexte, les Pères synodaux ont noté que « le renforcement du ministère pétrinien est fondamental pour la préservation de l'unité de l'Église », et que « le plein exercice de la primauté de Pierre est fondamental pour l'identité et la vitalité de l'Église en Amérique ». (100) Sur l'ordre du Seigneur, il appartient à Pierre et à ses successeurs de confirmer leurs frères dans la foi (cf. Lc 22, 32) et de paître tout le troupeau du Christ (cf. Jn 21, 15-17). De cette manière aussi, le Successeur du prince des Apôtres est appelé à être la pierre sur laquelle l'Église est édifiée, et à exercer le ministère provenant du fait qu'il est le dépositaire des clefs du Royaume (cf. Mt 16, 18-19). Le Vicaire du Christ est en effet « le principe durable et le fondement visible de [l']unité » de l'Église. (101)

Initiation chrétienne et communion

34. La communion de vie dans l'Église s'obtient par les sacrements de l'initiation chrétienne: Baptême, Confirmation et Eucharistie. Le Baptême est « la porte de la vie spirituelle; par lui, nous devenons membres du Christ et de son Corps, l'Église ». (102) En recevant la Confirmation, les baptisés « sont plus parfaitement liés à l'Église, sont dotés d'une force spéciale de l'Esprit Saint, et sont ainsi plus strictement tenus, en tant que vrais témoins du Christ, de répandre et de défendre la foi par la parole et par l'action ». (103) L'itinéraire de l'initiation chrétienne atteint sa perfection et son point culminant par l'Eucharistie, par laquelle le baptisé est inséré pleinement dans le Corps du Christ. (104)

« Ces sacrements sont une excellente occasion de bonne évangélisation et de bonne catéchèse, quand leur préparation est confiée à des agents ayant foi et compétence ». (105) Dans les différents diocèses de l'Amérique, il y a eu, certes, un progrès indéniable dans la préparation aux sacrements de l'initiation chrétienne; toutefois, les Pères synodaux ont regretté que soient « nombreux ceux qui les reçoivent sans formation suffisante ». (106) En ce qui concerne le Baptême des enfants, on ne manquera pas de faire un effort de catéchèse pour les parents et les parrains.

L'Eucharistie, centre de communion avec Dieu et avec nos frères

35. La réalité de l'Eucharistie n'est pas tout entière contenue dans le fait d'être le sacrement où culmine l'initiation chrétienne. Tandis que le Baptême et la Confirmation ont pour fonction d'initier et d'introduire à la vie propre de l'Église, et qu'ils ne peuvent être réitérés, (107) l'Eucharistie constitue le centre vivant permanent autour duquel se réunit toute la communauté ecclésiale. (108) Les divers aspects de ce sacrement montrent son inépuisable richesse: il est à la fois sacrement-sacrifice, sacrement-communion, sacrement-présence. (109)

L'Eucharistie est le lieu privilégié de la rencontre avec le Christ vivant. C'est pourquoi les Pasteurs du peuple de Dieu en Amérique doivent, par la prédication et la catéchèse, s'efforcer de « donner une force nouvelle à la célébration eucharistique du dimanche, en tant que source et point culminant de la vie de l'Église, garant de la communion dans le Corps du Christ et invitation à la solidarité, expression du commandement du Seigneur: “Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres” (Jn 13, 34) ». (110) Ainsi que le suggèrent les Pères synodaux, cet effort doit tenir compte de différentes dimensions fondamentales. Tout d'abord, il est nécessaire de réveiller chez les fidèles la conscience que l'Eucharistie est un don immense: cela les conduira à faire tout leur possible pour y participer d'une manière active et digne au moins le dimanche et les jours de fête. En même temps, on doit encourager « les efforts des prêtres pour faciliter cette participation et la rendre possible aux communautés les plus éloignées ». (111) Il faut rappeler aux fidèles que « la participation pleine, consciente et active, tout en étant essentiellement distincte de la fonction du prêtre ordonné, est une mise en œuvre du sacerdoce commun reçu lors du Baptême ». (112)

La nécessité pour les fidèles de participer à l'Eucharistie et les difficultés liées à la raréfaction des prêtres mettent en lumière l'urgence de promouvoir les vocations sacerdotales. (113) Il convient aussi de rappeler à toute l'Église en Amérique « le lien qui existe entre l'Eucharistie et la charité », (114) lien que l'Église primitive exprimait en joignant l'agapè à la Cène eucharistique. (115) La participation à l'Eucharistie doit conduire à une action caritative plus intense, comme fruit de la grâce reçue dans ce sacrement.

Les Évêques, promoteurs de communion

36. Parce qu'elle est signe de vie, la communion dans l'Église doit croître continuellement. En conséquence, les Évêques, se rappelant qu'ils sont, « chacun pour sa part, le principe et le fondement visibles de l'unité dans leurs Églises particulières », (116) ne peuvent pas ne pas se sentir engagés à promouvoir la communion dans leurs propres diocèses, afin que soit plus efficace l'effort de nouvelle évangélisation en Amérique. L'élan communautaire est favorisé par les organismes que le Concile Vatican II a prévus pour soutenir l'activité de l'Évêque diocésain et que la législation post-conciliaire a définis de façon plus détaillée. (117) « Il appartient à l'Évêque, avec la coopération des prêtres, des diacres, des personnes consacrées et des laïcs [...], de réaliser un plan d'action pastorale coordonnée, un plan organique auquel tous participent, qui atteigne tous les membres de l'Église et éveille leur conscience missionnaire ». (118)

Aucun Ordinaire ne manquera de promouvoir chez les prêtres et les fidèles la conscience que le diocèse est l'expression visible de la communion ecclésiale qui se forme à la table de la Parole et de l'Eucharistie autour de l'Évêque uni au Collège épiscopal, sous son Chef, le Pontife romain. En tant qu'Église particulière, il a pour fonction d'engager et d'intensifier la rencontre de tous les membres du peuple de Dieu avec Jésus Christ, (119) dans le respect et dans la promotion de la pluralité et de la diversité, qui ne sont pas un obstacle pour l'unité mais lui confèrent son caractère de communion. (120) L'esprit de participation et de coresponsabilité dans la vie des organismes diocésains sera évidemment favorisé par une connaissance plus approfondie de la nature de l'Église particulière. (121)

Une communion plus intense entre les Églises particulières

37. L'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques, la première de l'histoire à avoir réuni des Évêques de tout le continent, a été perçue par tous comme une grâce spéciale du Seigneur à l'Église qui poursuit sa marche en Amérique. Elle a renforcé la communion qui doit exister entre les communautés ecclésiales du continent, faisant sentir à tous l'urgence de la faire croître encore. Les expériences de communion épiscopale, fréquentes surtout après le Concile Vatican II pour affermir et répandre les Conférences épiscopales, doivent être entendues comme des rencontres avec le Christ vivant, présent dans les frères réunis en son nom (cf. Mt 18, 20).

L'expérience synodale a montré aussi les richesses d'une communion qui s'étend au-delà du cadre de la Conférence épiscopale. Bien qu'il existe déjà des formes de dialogue qui dépassent ces frontières, les Pères synodaux ont souligné l'opportunité d'intensifier les réunions inter-américaines, déjà promues par les Conférences épiscopales des diverses nations américaines, comme expression de solidarité effective et comme lieu de rencontre et d'étude des défis communs qui se posent à l'évangélisation en Amérique. (122) Il conviendra également de déterminer avec exactitude le caractère de ces rencontres, de manière qu'elles soient toujours davantage une expression de communion entre tous les Pasteurs. Outre ces réunions plus larges, il peut être utile, quand les circonstances le demandent, de créer des commissions spécifiques pour approfondir les thèmes communs qui concernent toute l'Amérique. Parmi les secteurs où il semble particulièrement nécessaire « de donner une impulsion à la coopération, il y a les communications pastorales réciproques, la coopération missionnaire, l'éducation, les migrations, l'œcuménisme ». (123)

Les Évêques, qui ont le devoir de promouvoir la communion entre leurs Églises particulières, ne manqueront pas d'inciter les fidèles à en vivre de manière croissante la dimension communautaire, en assumant « la responsabilité de développer les liens de communion avec les Églises locales dans d'autres parties de l'Amérique par l'éducation, la communication réciproque, l'union fraternelle entre paroisses et diocèses, des projets de coopération et de prévention commune sur des sujets de grande importance, surtout ceux qui concernent les pauvres ». (124)

Communion fraternelle avec les Églises catholiques orientales

38. Le récent phénomène de l'implantation en Amérique et du développement d'Églises particulières catholiques orientales, dotées de hiérarchie propre, a fait l'objet d'une attention spéciale de la part de certains Pères synodaux. Un désir sincère d'accueillir cordialement et efficacement ces frères dans la foi et dans la communion hiérarchique sous le Successeur de Pierre a conduit l'Assemblée synodale à proposer des initiatives concrètes d'aide fraternelle de la part des Églises latines particulières à l'égard des Églises catholiques orientales présentes dans le continent. Ainsi, par exemple, on a avancé l'hypothèse que des prêtres de rite latin, surtout s'ils sont d'origine orientale, puissent apporter leur coopération en matière de liturgie aux communautés orientales dépourvues d'un nombre suffisant de prêtres. Il en est de même pour les édifices sacrés: dans les cas où cela apparaîtra opportun, les fidèles orientaux pourront utiliser les églises de rite latin.

Dans cet esprit de communion, diverses propositions des Pères synodaux méritent d'être prises en considération: que, là où c'est nécessaire, on crée au sein des Conférences épiscopales nationales et des organismes internationaux de coopération épiscopale une commission mixte chargée d'étudier les problèmes pastoraux communs; que la catéchèse et la formation théologique pour les laïcs et les séminaristes de l'Église latine incluent la connaissance de la tradition vivante de l'Orient chrétien; que les Évêques des Églises catholiques orientales participent aux Conférences épiscopales latines de leurs pays. (125) Il n'y a pas de doute que cette coopération fraternelle, tout en offrant une aide précieuse aux Églises orientales, qui sont de fondation récente en Amérique, permettra aux Églises particulières latines de s'enrichir grâce au patrimoine spirituel de la tradition de l'Orient chrétien.

Le prêtre, signe d'unité

39. « En tant que membre d'une Église particulière, tout prêtre doit être un signe de communion avec l'Évêque, dont il est le collaborateur immédiat, uni à ses frères dans le presbyterium. Il exerce son ministère en toute charité pastorale, principalement dans la communauté qui lui est confiée, et il la guide à la rencontre du Christ Bon Pasteur. Sa vocation demande qu'il soit un signe d'unité. C'est pourquoi il doit éviter toute participation à une activité politique de type partisan, qui diviserait la communauté ». (126) Les Pères synodaux souhaitent que « se développe une action pastorale en faveur du clergé diocésain, pour rendre plus fermes sa spiritualité, sa mission et son identité, dont l'essentiel consiste à suivre le Christ, Prêtre souverain et éternel, toujours tendu vers l'accomplissement de la volonté du Père. Le Christ est le modèle du dévouement généreux, de la vie austère et du service accompli jusqu'à la mort. Que le prêtre ait conscience du fait que, de par le sacrement de l'Ordre, il est porteur de grâce, qu'il distribue à ses frères dans les sacrements! Il se sanctifie lui-même dans l'exercice du ministère ». (127)

Le champ d'action des prêtres est immense. Il convient donc « qu'ils mettent au centre de leur activité ce qui est essentiel pour le ministère: se laisser configurer au Christ, Tête et Pasteur, source de la charité pastorale, s'offrant eux-mêmes chaque jour avec le Christ dans l'Eucharistie, afin d'aider les fidèles à vivre la rencontre personnelle et communautaire avec Jésus Christ vivant ». (128) Comme témoins et disciples du Christ miséricordieux, ils sont appelés à se faire instruments de pardon et de réconciliation, s'engageant généreusement au service des fidèles selon l'esprit de l'Évangile.

Les prêtres, en tant que pasteurs du peuple de Dieu en Amérique, doivent en outre être attentifs aux défis du monde actuel, et sensibles aux problèmes et aux espérances de leur peuple, partageant leurs difficultés et surtout prenant une attitude de solidarité avec les pauvres. Ils auront soin de discerner les charismes et les qualités des fidèles capables de contribuer à l'animation de la communauté, les écoutant et dialoguant avec eux, afin de stimuler leur participation et leur coresponsabilité. Cela favorisera une meilleure répartition des tâches et leur permettra de « se consacrer à ce qui est lié plus étroitement à la rencontre et à l'annonce de Jésus Christ, de façon à mieux signifier, au sein de la communauté, la présence de Jésus qui rassemble son peuple ». (129)

Cette œuvre de discernement des charismes s'étendra aussi à la mise en valeur des prêtres qui paraissent aptes à remplir des ministères particuliers. Par ailleurs, il est demandé à tous les prêtres d'apporter leur aide fraternelle dans le presbyterium et de recourir à lui avec confiance en cas de besoin.

Devant la splendide réalité de nombreux prêtres en Amérique qui, avec la grâce de Dieu, s'efforcent de faire face à une masse vraiment notable de travail, je fais mien le désir des Pères synodaux de reconnaître et de louer leur « inlassable engagement de pasteurs, d'évangélisateurs et d'animateurs de la communion ecclésiale, leur exprimant ma gratitude et les encourageant à continuer à offrir leur vie au service de l'Évangile ». (130)

Promouvoir la pastorale des vocations

40. Le rôle indispensable du prêtre au sein de la communauté doit rendre tous les fils de l'Église en Amérique conscients de l'importance de la pastorale des vocations. Le continent américain a une jeunesse nombreuse, riche de valeurs humaines et religieuses. C'est pourquoi il faut cultiver les milieux où naissent les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, et inviter les familles chrétiennes à aider leurs enfants qui se sentiraient appelés à suivre cette voie. (131) En effet, les vocations « sont un don de Dieu » et « elles naissent dans les communautés de foi, avant tout dans les familles, dans les paroisses, dans les écoles catholiques et dans d'autres organismes de l'Église. Il revient spécialement aux Évêques et aux prêtres d'encourager ces vocations par des invitations personnelles, mais surtout par le témoignage d'une vie de fidélité, de joie, d'enthousiasme et de sainteté. Promouvoir des vocations au sacerdoce est une responsabilité qui appartient à tout le peuple de Dieu et qui s'accomplit principalement par la prière constante et humble pour les vocations ». (132)

Les séminaires, lieux d'accueil et de formation de ceux qui sont appelés au sacerdoce, doivent préparer les futurs ministres de l'Église à vivre « une forte spiritualité de communion avec le Christ Pasteur et de docilité à l'action de l'Esprit, qui les rendra particulièrement capables de discerner les attentes du peuple de Dieu et les divers charismes, et de travailler ensemble ». (133) C'est pourquoi, dans les séminaires, « on doit surtout insister sur la formation spécifiquement spirituelle, de façon que, par la conversion constante, par l'attitude de prière, par la fréquentation des sacrements de l'Eucharistie et de la Réconciliation, les candidats soient préparés à la rencontre avec le Seigneur et se préoccupent de se fortifier pour un généreux engagement pastoral ». (134) Les formateurs auront soin d'accompagner et de guider les séminaristes vers une maturité affective qui les rende aptes à embrasser le célibat sacerdotal et capables de vivre en communion avec leurs confrères dans la vocation sacerdotale. En outre, ils promouvront en eux la capacité d'observation critique de la réalité qui les entoure, afin d'être en mesure de discerner les valeurs et les non-valeurs, puisque c'est là une exigence indispensable pour établir un dialogue constructif avec le monde d'aujourd'hui.

On réservera une attention particulière aux vocations nées chez les autochtones; il faut veiller à leur assurer une formation inculturée dans leur milieu. Ces candidats au sacerdoce, tout en recevant la formation théologique et spirituelle appropriée en vue de leur futur ministère, ne doivent pas perdre les racines de leur propre culture. (135)

Les Pères synodaux ont tenu à remercier et à louer tous ceux qui consacrent leur vie à la formation des futurs prêtres dans les séminaires. Ils ont également invité les Évêques à désigner pour cette tâche les prêtres les plus aptes, après les avoir préparés par une formation spécifique qui les habilite à une mission aussi délicate. (136)

Renouveler l'institution paroissiale

41. La paroisse est un lieu privilégié où les fidèles ont la possibilité de faire l'expérience concrète de l'Église. (137) Aujourd'hui, en Amérique comme ailleurs dans le monde, la paroisse traverse parfois certaines difficultés dans l'exercice de sa mission. Elle a besoin d'un renouvellement continuel, en partant du principe fondamental que « la paroisse doit continuer à être en priorité une communauté eucharistique ». (138) Ce principe suppose que « les paroisses sont appelées à être accueillantes et solidaires, le lieu de l'initiation chrétienne, de l'éducation et de la célébration de la foi, ouvertes à la variété des charismes, des services et des ministères, organisées de façon communautaire et responsable, capables d'entraîner les mouvements d'apostolat qui existent déjà, attentives à la diversité culturelle des habitants, ouvertes aux projets pastoraux et inter-paroissiaux, ainsi qu'aux réalités environnantes ». (139)

En raison de leurs problèmes spécifiques, les paroisses des grandes agglomérations urbaines méritent une attention spéciale, là où les difficultés sont si grandes que les structures pastorales habituelles s'avèrent inadéquates et où les possibilités d'action apostolique sont notablement réduites. Toutefois, l'institution paroissiale conserve son importance et doit être maintenue. Pour atteindre cet objectif, il faut « continuer la recherche de moyens par lesquels la paroisse et ses structures pastorales réussissent à être plus efficaces dans les zones urbaines ». (140) On peut peut-être trouver un moyen de renouvellement paroissial, particulièrement urgent dans les paroisses des grandes villes, en considérant la paroisse comme une communauté de communautés et de mouvements. (141) Il apparaît donc utile de former des communautés et des groupes ecclésiaux qui aient des dimensions telles qu'elles permettent de vraies relations humaines; ainsi pourra-t-on vivre plus intensément la communion, en ayant soin de la cultiver non seulement « ad intra », mais aussi avec la communauté paroissiale à laquelle ces groupements appartiennent, de même qu'avec l'ensemble de l'Église diocésaine et de l'Église universelle. En outre, il sera plus facile, au sein de ce contexte humain, de se retrouver pour écouter la Parole de Dieu, pour réfléchir, à sa lumière, sur les divers problèmes humains, et pour mûrir des choix responsables, inspirés par l'amour universel du Christ. (142) L'institution paroissiale ainsi renouvelée « peut susciter une grande espérance. Elle peut faire des fidèles une communauté, offrir une aide à la vie familiale, surmonter l'anonymat, accueillir les personnes et les aider à s'insérer dans leur entourage et dans la société ». (143) De cette façon, toute paroisse aujourd'hui, en particulier celles des villes, pourra promouvoir une évangélisation plus personnelle, et en même temps accroître les relations positives avec les autres agents sociaux, éducateurs et communautaires. (144)

En outre, « ce type de paroisse renouvelée exige une figure de pasteur qui, tout d'abord, privilégie une profonde expérience du Christ vivant, un esprit missionnaire, un cœur paternel, qui soit un animateur de la vie spirituelle et un évangélisateur capable de promouvoir la participation. La paroisse renouvelée a besoin de la collaboration des laïcs, d'un animateur de l'activité pastorale, et d'un pasteur capable de travailler avec les autres. En Amérique, les paroisses doivent se signaler par leur esprit missionnaire, qui les pousse à étendre leur action à ceux qui sont loin ». (145)

Les diacres permanents

42. Pour de sérieux motifs pastoraux et théologiques, le Concile Vatican II a décidé de rétablir le diaconat comme degré permanent de la hiérarchie dans l'Église latine, laissant aux Conférences épiscopales, avec l'approbation du Souverain Pontife, le soin de juger de l'opportunité d'instituer des diacres permanents et en quels lieux. (146) Il s'agit d'une expérience très variée non seulement dans les diverses parties de l'Amérique, mais aussi parmi les diocèses d'une même région. « Certains diocèses ont formé et ordonné beaucoup de diacres, et sont pleinement satisfaits de leur intégration et de leur ministère ». (147) On voit là avec joie que les diacres, « soutenus par la grâce sacramentelle, dans le ministère (diaconia) de la liturgie, de la parole et de la charité, sont au service du peuple de Dieu, en communion avec l'Évêque et avec son presbyterium ». (148) D'autres diocèses n'ont pas pris ce chemin, tandis qu'ailleurs il y a des difficultés qui font obstacle à l'intégration des diacres permanents à l'intérieur de la structure hiérarchique.

Restant sauve la liberté des Églises particulières de rétablir, avec le consentement du Souverain Pontife, le diaconat comme degré permanent, il est clair que l'issue favorable d'une telle reprise suppose un processus attentif de sélection, une formation sérieuse et une profonde attention à l'égard des candidats, comme aussi un accompagnement vigilant non seulement de ces ministres sacrés mais aussi, dans le cas des diacres mariés, de leur famille, de leur épouse et de leurs enfants. (149)

La vie consacrée

43. L'histoire de l'évangélisation en Amérique constitue un témoignage éloquent de l'effort missionnaire accompli par d'innombrables personnes consacrées qui, depuis le début, ont annoncé l'Évangile, ont défendu les droits des autochtones et, avec un amour héroïque du Christ, se sont consacrées au service du peuple de Dieu dans le continent. (150) L'apport des personnes consacrées à l'annonce de l'Évangile en Amérique continue à être d'une importance énorme; c'est un apport différencié selon les charismes propres à chaque groupe: « les Instituts de vie contemplative, qui témoignent de l'absolu de Dieu, les Instituts apostoliques et missionnaires, qui rendent le Christ présent dans les domaines les plus variés de l'existence humaine, les Instituts séculiers, qui aident à résoudre la tension entre ouverture réelle aux valeurs du monde moderne et offrande profonde du cœur à Dieu. En outre, apparaissent de nouveaux Instituts et de nouvelles formes de vie consacrée, qui requièrent un discernement évangélique ». (151)

Parce que « l'avenir de la nouvelle évangélisation [...] est impensable sans une contribution renouvelée des femmes, spécialement des femmes consacrées », (152) il est urgent de favoriser leur participation dans les divers secteurs de la vie ecclésiale, y compris les processus dans lesquels s'élaborent les décisions, surtout en ce qui les concerne directement. (153)

« Aujourd'hui encore, le témoignage de la vie pleinement consacrée à Dieu est une proclamation éloquente du fait que Lui seul suffit pour donner la plénitude à l'existence de toute personne ». (154) Cette consécration au Seigneur doit se prolonger dans le service généreux de la diffusion du Règne de Dieu. Pour cette raison, au seuil du troisième millénaire, il faut faire en sorte « que la vie consacrée soit davantage estimée et promue par les Évêques, les prêtres et les communautés chrétiennes, et que les consacrés, conscients de la joie et de la responsabilité de leur vocation, s'intègrent pleinement à l'Église particulière à laquelle ils appartiennent et promeuvent la communion et la collaboration mutuelle ». (155)

Les fidèles laïcs et le renouveau de l'Église

44. « La doctrine du Concile Vatican II sur l'unité de l'Église comme peuple de Dieu rassemblé dans l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint souligne que l'imitation et la vie à la suite du Christ, la communion réciproque et le devoir missionnaire sont communs à la dignité de tous les baptisés ». (156) Il est donc nécessaire que les fidèles laïcs soient conscients de leur dignité de baptisés. Pour leur part, les Pasteurs auront une profonde estime « pour le témoignage et l'action évangélisatrice des laïcs qui, vivant au sein du peuple de Dieu dans une spiritualité de communion, conduisent leurs frères à la rencontre avec le Christ vivant. Le renouveau de l'Église en Amérique ne sera pas possible sans la présence active des laïcs. C'est pourquoi la responsabilité de l'avenir de l'Église retombe en grande partie sur eux ». (157)

Il y a deux domaines où se réalise la vocation des fidèles laïcs. Le premier, et le plus propre à leur état de laïcs, est celui des réalités temporelles, qu'ils sont appelés à ordonner selon la volonté de Dieu. (158) En effet, « leur façon particulière d'agir fait que l'Évangile est porté au cœur des structures du monde et, “œuvrant partout saintement [...], ils consacrent à Dieu le monde lui-même” ». (159) Grâce aux fidèles laïcs, « la présence et la mission de l'Église dans le monde se réalisent, d'une manière spéciale, dans la variété des charismes et des ministères que possède le laïcat. Le caractère séculier est la note distinctive et propre du laïc et de sa spiritualité, et elle le porte à agir dans les divers milieux de la vie familiale, sociale, professionnelle, culturelle et politique, en vue de leur évangélisation. Dans un continent où l'on rencontre la compétition et l'agressivité, la consommation effrénée et la corruption, les laïcs sont appelés à incarner des valeurs profondément évangéliques comme la miséricorde, le pardon, l'honnêteté, la transparence de cœur et la patience dans les situations difficiles. On attend des laïcs une grande force de création dans des gestes et des œuvres qui manifestent une vie en harmonie avec l'Évangile ». (160)

L'Amérique a besoin de laïcs chrétiens qui soient en mesure d'assumer des rôles de direction dans la société. Il est urgent de former des hommes et des femmes capables d'agir, selon leur vocation propre, sur la vie publique et de l'orienter vers le bien commun. Dans l'exercice de la politique, considérée dans son sens le plus noble et le plus authentique d'administration du bien commun, les laïcs peuvent trouver la voie de leur propre sanctification. À cette fin, il est nécessaire qu'ils soient formés aux principes et aux valeurs de la doctrine sociale de l'Église, aussi bien qu'aux notions fondamentales de la théologie du laïcat. La connaissance approfondie des principes éthiques et des valeurs morales chrétiennes leur permettra de s'en faire les défenseurs dans leur milieu, les faisant valoir même face à ce qu'on appelle la « neutralité de l'État ». (161)

Il y a un deuxième domaine dans lequel beaucoup de fidèles laïcs sont appelés à travailler, celui que l'on pourrait appeler « intra-ecclésial ». En Amérique, de nombreux laïcs nourrissent l'aspiration légitime à contribuer avec leurs talents et leurs charismes « à la construction de la communauté ecclésiale, comme délégués de la Parole, catéchistes, visiteurs de malades ou de prisonniers, animateurs de groupes, etc. » (162) Les Pères synodaux ont exprimé le souhait que l'Église reconnaisse certaines de ces tâches comme des ministères laïcs, fondés sur les sacrements du Baptême et de la Confirmation, restant sauve la spécificité des ministères propres au sacrement de l'Ordre. C'est là un sujet vaste et complexe, pour lequel j'ai constitué, il y a déjà quelque temps, une Commission d'étude (163) et au sujet duquel les organismes du Saint-Siège ont proposé, ici et là, quelques lignes directrices. (164) Il est nécessaire de promouvoir la collaboration bénéfique de fidèles laïcs bien préparés, hommes et femmes, dans les diverses activités à l'intérieur de l'Église, en évitant toutefois qu'il y ait confusion avec les ministères ordonnés et avec les actions propres au sacrement de l'Ordre, afin de bien distinguer le sacerdoce commun des fidèles du sacerdoce ministériel.

À ce sujet, les Pères synodaux ont recommandé que les tâches confiées aux laïcs soient bien « distinctes de celles qui constituent des étapes vers le ministère ordonné » (165) et que les candidats au sacerdoce reçoivent avant le presbytérat. On a fait observer également que ces tâches de laïcs « ne doivent être conférées qu'à des personnes, hommes et femmes, qui ont acquis la formation nécessaire, selon des critères précis: une certaine permanence, une réelle disponibilité au sein d'un groupe déterminé de personnes, l'obligation de rendre compte à son Pasteur ». (166) En tout cas, bien que l'apostolat intra-ecclésial des laïcs doive être stimulé, il faut faire en sorte qu'il coexiste avec l'activité propre des laïcs pour laquelle ils ne peuvent être substitués par des prêtres, à savoir le domaine des réalités temporelles.

Dignité de la femme

45. Une attention spéciale doit être réservée à la vocation de la femme. En d'autres occasions, j'ai tenu à dire combien j'apprécie l'apport spécifique de la femme au progrès de l'humanité et à reconnaître la légitimité de ses aspirations à participer pleinement à la vie ecclésiale, culturelle, sociale et économique. (167) Sans cette contribution, il manquerait certaines richesses que seul le « génie féminin » (168) peut apporter à la vie de l'Église et de la société elle-même. Ne pas le reconnaître constituerait une injustice historique spécialement en Amérique, si l'on tient compte de la contribution fournie par les femmes au développement matériel et culturel du continent, comme aussi dans la transmission et la conservation de la foi. En effet, « leur rôle fut décisif surtout dans la vie consacrée, dans l'éducation, dans l'assistance sanitaire ». (169)

Malheureusement, dans beaucoup de régions du continent américain, la femme est encore l'objet de discriminations. Aussi peut-on dire que le visage des pauvres en Amérique est aussi le visage de nombreuses femmes. C'est pourquoi les Pères synodaux ont parlé d'un « aspect féminin de la pauvreté ». (170) L'Église ressent le devoir d'insister sur la dignité humaine commune à toute personne. Elle « dénonce la discrimination, les abus sexuels et la prépondérance masculine comme étant des actions contraires au dessein de Dieu ». (171) Elle déplore en particulier comme abominable la stérilisation, parfois programmée, des femmes, surtout des plus pauvres et des plus marginales, qui est pratiquée souvent d'une manière subreptice, à l'insu des intéressées ellesmêmes; cela est encore plus grave quand on le fait pour obtenir des aides financières au niveau international.

L'Église sur le continent se sent incitée à intensifier son attention à l'égard des femmes et à les défendre « afin que la société en Amérique aide davantage la vie familiale fondée sur le mariage, qu'elle protège davantage la maternité et ait plus de respect pour la dignité de toutes les femmes ». (172) Il faut aider les femmes américaines à prendre une part active et responsable à la vie et à la mission de l'Église, (173) de même qu'il faut reconnaître la nécessité de la sagesse et de la collaboration des femmes dans les tâches de direction de la société américaine.

Défis pour la famille chrétienne

46. « En formant le premier homme et la première femme et en leur commandant “soyez féconds et multipliez-vous” (Gn 1, 28), Dieu Créateur a constitué définitivement la famille. La vie naît dans ce sanctuaire, et elle est accueillie comme un don de Dieu. La Parole de Dieu, lue assidûment en famille, construit celle-ci peu à peu comme Église-foyer et la rend féconde en humanité et en vertus chrétiennes; là se trouve la source des vocations. La dévotion mariale, nourrie par la prière, gardera la famille unie et en attitude de prière avec Marie, comme les disciples de Jésus avant la Pentecôte (cf. Ac 1, 14) ». (174) De nombreux écueils menacent la solidité de l'institution familiale dans la plupart des pays d'Amérique, et ils constituent autant de défis pour les chrétiens. Il faut mentionner entre autres l'augmentation des divorces, la diffusion de l'avortement, de l'infanticide et de la mentalité contraceptive. Face à cette situation, on doit redire « que le fondement de la vie humaine est la relation conjugale entre mari et femme, relation qui pour les chrétiens est sacramentelle ». (175)

C'est pourquoi il est urgent d'engager une vaste campagne de catéchèse sur l'idéal chrétien de la communion conjugale et de la vie familiale, qui inclue une spiritualité de la paternité et de la maternité. On doit consacrer une plus grande attention au rôle des hommes comme maris et pères, ainsi qu'à la responsabilité qu'ils partagent avec leurs femmes en ce qui concerne le mariage, la famille et l'éducation des enfants. Il ne faut pas omettre non plus une sérieuse préparation des jeunes avant le mariage, pour leur présenter avec clarté la doctrine catholique concernant ce sacrement, sur le plan théologique, anthropologique et spirituel. Dans un continent comme l'Amérique, caractérisé par un développement démographique notable, il faut continuellement multiplier les initiatives pastorales à l'égard des familles.

Pour être vraiment « Église-foyer », (176) la famille chrétienne est appelée à être le milieu où les parents transmettent la foi, devant être « pour leurs enfants, par la parole et par l'exemple, les premiers messagers de la foi ». (177) Que l'on ne manque pas dans la famille de pratiquer la prière, dans laquelle les époux se retrouvent unis entre eux et avec leurs enfants. À ce sujet, il faut favoriser des moments de vie spirituelle en commun, comme la participation à l'Eucharistie les jours de fête, la pratique du sacrement de la Réconciliation, la prière quotidienne en famille et des gestes concrets de charité. Ainsi s'affermiront la fidélité dans le mariage et l'unité de la famille. Dans un cadre familial de ce type, les enfants sauront sans difficulté découvrir leur vocation au service de la communauté et de l'Église, et ils apprendront, spécialement en voyant l'exemple de leurs parents, que la vie familiale est une voie pour la réalisation de la vocation universelle à la sainteté. (178)

Les jeunes, espérance pour l?avenir

47. Les jeunes sont une grande force sociale et une force d'évangélisation. Ils « constituent une partie très nombreuse de la population dans beaucoup de pays d'Amérique. Les espoirs et les attentes d'un avenir de plus grande communion et de plus grande solidarité pour l'Église et pour la société en Amérique sont fondés sur leur rencontre avec le Christ vivant ». (179) On voit bien les efforts réalisés dans le continent par les Églises particulières pour accompagner les adolescents durant leur parcours catéchétique avant la Confirmation et les autres moyens qu'elles leur offrent afin qu'ils grandissent dans leur rencontre avec le Christ et dans la connaissance de l'Évangile. Le parcours de formation des jeunes doit être soutenu et dynamique, capable de les aider à trouver leur place dans l'Église et dans le monde. La pastorale des jeunes doit donc être l'une des premières préoccupations des pasteurs et des communautés.

Beaucoup de jeunes Américains sont en réalité en recherche d'un sens véritable à donner à leur vie, et ils sont assoiffés de Dieu, mais bien souvent il manque les conditions adaptées pour faire fructifier leurs capacités et réaliser leurs aspirations. Malheureusement, l'absence de travail et de perspectives d'avenir les conduit parfois vers la marginalisation et la violence. La sensation de frustration qu'ils ressentent à cause de tout cela les amène souvent à abandonner la recherche de Dieu. Face à une situation aussi complexe, « l'Église s'engage à maintenir son option pastorale et missionnaire pour les jeunes, afin qu'ils puissent rencontrer aujourd'hui le Christ vivant ». (180)

L'action pastorale de l'Église touche beaucoup de ces adolescents et de ces jeunes par l'animation chrétienne de la famille, la catéchèse, les institutions catholiques d'éducation et la vie communautaire dans les paroisses. Mais beaucoup d'autres, spécialement parmi ceux qui souffrent de diverses formes de pauvreté, restent hors du cercle des activités ecclésiales. Il appartient aux jeunes chrétiens, formés à une conscience missionnaire réfléchie, d'être les apôtres de leurs camarades. Il faut une action pastorale qui atteigne les jeunes dans leurs divers milieux: dans les collèges, les universités, le monde du travail, les milieux ruraux, en s'adaptant à leur sensibilité. Dans le cadre de la paroisse et du diocèse, il sera utile de développer aussi une activité pastorale de la jeunesse qui tienne compte de l'évolution du monde des jeunes, qui cherche le dialogue avec eux, qui ne laisse pas passer les occasions de rencontres plus larges, qui anime les initiatives locales et développe ce qui se réalise déjà au niveau interdiocésain et international.

Et que faire avec les jeunes qui se laissent aller à des attitudes adolescentes faites d'une certaine inconstance et de difficultés à assumer des engagements sérieux et définitifs? Face à ce manque de maturité, il est nécessaire d'inviter les jeunes à avoir du courage, de leur apprendre à apprécier la valeur de l'engagement pour toute la vie, comme c'est le cas pour le sacerdoce, la vie consacrée et le mariage chrétien. (181)

Accompagner l'enfant dans sa rencontre avec le Christ

48. Les enfants sont don et signe de la présence de Dieu. « Il faut accompagner l'enfant dans sa rencontre avec le Christ, du Baptême à la première Communion, puisqu'il fait partie de la communauté vivante de foi, d'espérance et de charité ». (182) L'Église est reconnaissante pour le travail des parents, des enseignants, de ceux qui œuvrent dans le domaine pastoral, social et sanitaire, et de tous ceux qui sont au service de la famille et des enfants avec le même esprit que celui du Christ qui a dit: « Laissez les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent » (Mt 19, 14).

Les Pères synodaux regrettent à juste titre et condamnent la situation douloureuse de beaucoup d'enfants dans toute l'Amérique, qui sont privés de leur dignité, de leur innocence et même de la vie. « Cette situation comprend la violence, la pauvreté, l'absence de maison, le manque d'une assistance sanitaire et éducative appropriée, les ravages causés par la drogue et l'alcool, et d'autres formes d'abandon et d'abus ». (183) On a mentionné particulièrement à ce sujet, au Synode, le problème des abus sexuels sur des enfants et de la prostitution infantile, et les Pères ont lancé un appel pressant « à tous ceux qui sont revêtus d'autorité dans la société afin qu'ils fassent, de manière prioritaire, tout ce qui est en leur pouvoir pour soulager la souffrance des enfants en Amérique ». (184)

Éléments de communion avec les autres Églises et Communautés ecclésiales

49. Entre l'Église catholique et les autres Églises et Communautés ecclésiales, il existe un effort de communion qui a sa racine dans le Baptême administré en chacune d'elles. (185) C'est un effort qui se nourrit par la prière, le dialogue et l'action commune. Les Pères synodaux ont voulu exprimer une volonté particulière de « collaboration au dialogue déjà commencé avec l'Église orthodoxe, avec laquelle nous avons en commun de nombreux éléments de foi, de vie sacramentelle et de piété ». (186) Les propositions concrètes de l'Assemblée synodale à propos de l'ensemble des Églises et Communautés ecclésiales chrétiennes non catholiques sont nombreuses. On suggère en premier lieu « que les chrétiens catholiques, pasteurs et fidèles, promeuvent la rencontre des chrétiens des diverses confessions, dans la collaboration, au nom de l'Évangile, pour répondre au cri des pauvres, par la promotion de la justice, la prière commune pour l'unité et la participation à la Parole de Dieu et à l'expérience de la foi dans le Christ vivant ». (187) Il faut aussi favoriser, dans la mesure où c'est utile et convenable, les réunions de personnes expertes des diverses Églises et Communautés ecclésiales pour faciliter le dialogue œcuménique. L'œcuménisme doit faire l'objet de réflexions et de communications d'expériences entre les diverses Conférences épiscopales catholiques du continent.

Bien que le Concile Vatican II parle de tous les baptisés et de tous ceux qui croient au Christ comme de « frères dans le Seigneur », (188) il faut savoir distinguer clairement les communautés chrétiennes avec lesquelles il est possible d'établir des relations inspirées par la dynamique œcuménique, et les sectes, les cultes et autres mouvements religieux trompeurs.

Relations de l'Église avec les communautés juives

50. Dans la société américaine, il existe aussi des communautés de juifs, avec lesquelles l'Église a instauré ces dernières années une collaboration croissante. (189) Dans l'histoire du salut, il est évident que nous avons une relation spéciale avec le peuple juif. Jésus fait partie du peuple juif, lui qui fit naître son Église à l'intérieur de la nation juive. Une grande partie de l'Écriture Sainte, que nous, chrétiens, lisons comme Parole de Dieu, constitue un patrimoine spirituel commun avec les juifs. (190) Il faut donc éviter tout comportement négatif à leur égard, parce que « pour bénir le monde, il est nécessaire que juifs et chrétiens soient d'abord une bénédiction les uns pour les autres ». (191)

Religions non chrétiennes

51. Quant aux religions non chrétiennes, l'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint en elles. (192) C'est pourquoi, face aux autres religions, les catholiques entendent souligner les éléments de vérité où qu'ils puissent se trouver, mais en même temps ils témoignent fortement de la nouveauté de la révélation du Christ, conservée dans son intégrité par l'Église. (193) Conformément à cette attitude, ils refusent comme étrangère à l'esprit du Christ toute discrimination ou persécution contre des personnes pour des motifs de race, de couleur ou de condition de vie ou de religion. La différence de religion ne doit jamais être cause de violence ou de guerre. Au contraire, des personnes de croyances diverses doivent se sentir portées, précisément en raison de leur croyance, à travailler ensemble pour la paix et pour la justice.

« Les musulmans, comme les chrétiens et les juifs, appellent Abraham leur père. Cela doit faire en sorte que, dans toute l'Amérique, ces trois communautés vivent en harmonie et œuvrent ensemble pour le bien commun. De même, l'Église en Amérique doit s'efforcer d'augmenter le respect mutuel et les bonnes relations avec les religions autochtones américaines ». (194) Un comportement analogue doit être promu à l'égard des groupes hindous et bouddhistes ou d'autres religions que les récents flux migratoires, en provenance de pays orientaux, ont amenés en terre américaine.

CHAPITRE V

ENTRONS DANS LA SOLIDARITÉ

« À ceci tous reconnaîtront que vous êtes
mes disciples: si vous avez de l'amour
les uns pour les autres »
(Jn 13, 35)

La solidarité, fruit de la communion

52. « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40; cf. 25, 45). La conscience de la communion avec le Christ et avec les frères, qui est aussi fruit de la conversion, conduit à servir le prochain dans tous ses besoins, aussi bien matériels que spirituels, car en tout homme resplendit le visage du Christ. C'est pourquoi « la solidarité est un fruit de la communion qui est fondée sur le mystère de Dieu un et trine, et sur le Fils de Dieu incarné et mort pour tous. Elle s'exprime dans l'amour du chrétien qui cherche le bien des autres, spécialement des plus nécessiteux ». (195)

De là naît pour les Églises particulières du continent américain l'engagement à la solidarité réciproque et au partage des dons spirituels et des biens matériels dont Dieu les a comblées, rendant les personnes disposées à s'y investir là où c'est nécessaire. En s'appuyant sur l'Évangile, il faut promouvoir une culture de la solidarité qui encourage les initiatives opportunes en vue de soutenir les pauvres et les marginaux, et particulièrement les réfugiés, qui se voient contraints d'abandonner leurs villages et leurs terres pour échapper à la violence. L'Église en Amérique doit stimuler les organismes internationaux du continent, pour que s'établisse un ordre économique dans lequel ne domine pas seulement le critère du profit, mais encore ceux de la recherche du bien commun national et international, de la distribution équitable des biens et de la promotion intégrale des peuples. (196)

La doctrine de l'Église, expression des exigences de la conversion

53. Alors que le relativisme et le subjectivisme connaissent une diffusion préoccupante dans le domaine de la doctrine morale, l'Église en Amérique est appelée à annoncer avec une vigueur renouvelée que la conversion consiste en l'adhésion à la personne de Jésus Christ, avec toutes les implications théologiques et morales mises en lumière par le Magistère ecclésial. Il faut reconnaître « le rôle que jouent, dans cette perspective, les théologiens, les catéchistes et les enseignants de religion qui, en exposant la doctrine de l'Église dans la fidélité au Magistère, coopèrent directement à la juste formation de la conscience des fidèles ». (197) Si nous croyons que Jésus est la Vérité (cf. Jn 14, 6), nous ne pouvons pas ne pas désirer ardemment être ses témoins pour faire avancer nos frères vers la pleine vérité qui demeure dans le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité pour le salut du genre humain. « De cette façon nous pourrons être, en ce monde, des flammes vivantes de foi, d'espérance et de charité ». (198)

La doctrine sociale de l'Église

54. Face aux graves problèmes d'ordre social qui, avec des caractéristiques diverses, sont présents dans toute l'Amérique, le catholique sait qu'il peut trouver dans la doctrine sociale de l'Église la réponse d'où il faut partir pour découvrir les solutions concrètes. Répandre cette doctrine constitue donc une authentique priorité pastorale. En conséquence, il est important « qu'en Amérique les agents de l'évangélisation (Évêques, prêtres, enseignants, animateurs pastoraux, etc...) assimilent ce trésor qu'est la doctrine sociale de l'Église et que, éclairés par elle, ils deviennent capables de lire la réalité actuelle et de chercher des chemins pour l'action ». (199) À ce propos, la formation des fidèles laïcs capables de travailler, au nom de leur foi au Christ, à la transformation des réalités terrestres, doit être privilégiée. De plus, il sera opportun de promouvoir et de soutenir l'étude de cette doctrine dans toutes les sphères des Églises particulières en Amérique, surtout dans le domaine universitaire, pour qu'elle soit connue avec une plus grande profondeur et appliquée à la société américaine. La réalité sociale complexe de ce continent est un terrain fécond pour l'analyse et pour l'application des principes universels de cette doctrine.

Pour atteindre cet objectif, un résumé ou une synthèse autorisée de la doctrine sociale catholique, éventuellement sous forme de « catéchisme », qui montre la relation existant entre cette doctrine et la nouvelle évangélisation, serait très utile. La partie que le Catéchisme de l'Église catholique consacre à cette matière, à propos du septième commandement du décalogue, pourrait constituer le point de départ de ce « catéchisme de la doctrine sociale catholique ». Naturellement, comme l'a fait le Catéchisme de l'Église catholique, cette synthèse se limiterait à formuler les principes généraux, laissant à des développements ultérieurs en vue de la mise en pratique le soin d'étudier les problèmes liés aux diverses situations locales. (200)

Dans la doctrine sociale de l'Église, le droit à un travail digne occupe une place importante. C'est pourquoi, face au taux élevé de chômage qui affecte de nombreux pays américains et aux dures conditions dans lesquelles se trouvent beaucoup de travailleurs dans l'industrie et dans les campagnes, « il est nécessaire de considérer le travail comme un élément de la réalisation et de la dignité de la personne humaine. C'est une responsabilité éthique pour une société organisée de promouvoir et de soutenir une culture du travail ». (201)

Mondialisation de la solidarité

55. Le phénomène complexe de la mondialisation, comme je l'ai rappelé précédemment, est l'une des caractéristiques du monde actuel que l'on trouve particulièrement en Amérique. Dans cette réalité multiforme, l'aspect économique revêt une grande importance. Par sa doctrine sociale, l'Église offre une contribution valable à la problématique de l'économie actuelle mondialisée. Sa position morale en cette matière « s'appuie sur les trois pierres angulaires fondamentales de la dignité humaine, de la solidarité et de la subsidiarité ». (202) L'économie mondialisée doit être analysée à la lumière des principes de la justice sociale, en respectant l'option préférentielle pour les pauvres, qui doivent être mis en mesure de se défendre dans une économie mondialisée, et les exigences du bien commun international. En réalité, « la doctrine sociale de l'Église est la position morale qui vise à stimuler les gouvernements, les institutions et les organisations privées, afin qu'ils préparent un avenir conforme à la dignité de toute personne. Dans cette perspective, on peut envisager les questions qui se rapportent à la dette extérieure, à la corruption politique intérieure et à la discrimination aussi bien à l'intérieur des nations qu'entre elles ». (203)

L'Église en Amérique est appelée non seulement à promouvoir une plus grande union entre les nations, contribuant ainsi à créer une authentique culture mondialisée de la solidarité, (204) mais encore à collaborer par tous les moyens légitimes à la réduction des effets négatifs de la mondialisation, tels que la domination des plus forts sur les plus faibles, spécialement dans le domaine économique, et la perte des valeurs des cultures locales en faveur d'une uniformisation mal comprise.

Péchés sociaux qui crient vers le ciel

56. À la lumière de la doctrine sociale de l'Église, on évalue aussi plus clairement la gravité des « péchés sociaux qui crient vers le ciel, parce qu'ils engendrent la violence, brisent la paix et l'harmonie entre les communautés d'un même pays, entre les pays et entre les diverses régions du continent ». (205) Parmi eux on doit rappeler « le commerce de la drogue, le recyclage des bénéfices illicites, la corruption dans quelque domaine que ce soit, la violence terroriste, la course aux armements, la discrimination raciale, les inégalités entre les groupes sociaux, la destruction irraisonnée de la nature ». (206) Ces péchés manifestent une crise profonde due à la perte du sens de Dieu et à l'absence des principes moraux qui doivent guider la vie de tout homme. Sans références morales, on tombe dans la soif illimitée de la richesse et du pouvoir, qui obscurcit toute vision évangélique de la réalité sociale.

Assez souvent, cela conduit certaines instances publiques à négliger la situation sociale. Dans de nombreux pays américains domine toujours plus un système connu comme « néolibéralisme »; ce système, faisant référence à une conception économique de l'homme, considère le profit et les lois du marché comme des paramètres absolus au détriment de la dignité et du respect de la personne et du peuple. Il a parfois évolué vers une justification idéologique de certaines attitudes et de certaines façons de faire dans le domaine social et politique qui provoquent l'exclusion des plus faibles. En réalité, les pauvres sont toujours plus nombreux, victimes de politiques déterminées et de structures souvent injustes. (207)

La meilleure réponse à cette situation dramatique, en partant de l'Évangile, est la promotion de la solidarité et de la paix, en vue de la réalisation effective de la justice. À cette fin, il faut encourager et aider ceux qui sont des exemples d'honnêteté dans l'administration des finances publiques et de la justice. De même, il faut aussi appuyer le processus de démocratisation en cours en Amérique, (208) car dans un système démocratique les possibilités de contrôle sont plus grandes pour permettre d'éviter les abus.

« L'État de droit est la condition nécessaire pour établir une authentique démocratie ». (209) Pour que celle-ci puisse se développer, l'éducation civique et la promotion de l'ordre public et de la paix sont indispensables. En effet, « il n'y a pas de démocratie authentique et stable sans justice sociale. C'est pourquoi il faut que l'Église porte une plus grande attention à la formation des consciences, qu'elle prépare des dirigeants sociaux pour la vie publique à tous les niveaux, qu'elle encourage l'éducation civique, l'observance de la loi et des droits humains, et qu'elle fasse un plus grand effort pour la formation éthique de la classe politique ». (210)

Le fondement ultime des droits humains

57. Il convient de rappeler que le fondement sur lequel s'appuient tous les droits humains est la dignité de la personne. « Le chef-d'œuvre divin, l'homme, est image et ressemblance de Dieu. Jésus a assumé notre nature à l'exception du péché; il a promu et défendu la dignité de toute personne humaine sans exception; il est mort pour la liberté de tous. L'Évangile nous montre que le Christ a exalté la place centrale de la personne humaine dans l'ordre naturel (cf. Lc 12, 22-29), dans l'ordre social et dans l'ordre religieux, ainsi que par rapport à la Loi (cf. Mc 2, 27), défendant l'homme et aussi la femme (cf. Jn 8, 11) et les enfants (cf. Mt 19, 13-15), qui, de son temps et dans sa culture, occupaient une place secondaire à l'intérieur de la société. Les droits humains et les devoirs inhérents proviennent de la dignité de l'homme en tant que fils de Dieu ». (211) Pour cette raison, « toute offense à la dignité de l'homme est une offense à Dieu lui-même, dont il est l'image ». (212) Cette dignité est commune à tous les hommes sans exception, car tous ont été créés à l'image de Dieu (cf. Gn 1, 26). La réponse de Jésus à la question « qui est mon prochain? » (Lc 10, 29) exige de chacun une attitude de respect pour la dignité de l'autre et de sollicitude attentive à son égard, même s'il s'agit d'un étranger ou d'un ennemi (cf. Lc 10, 30-37). Dans l'ensemble de l'Amérique, depuis quelque temps on a de plus en plus conscience que les droits humains doivent être respectés, mais il reste encore beaucoup à faire si l'on considère les violations des droits des personnes et des groupes sociaux encore en cours sur le continent.

L'amour préférentiel pour les pauvres et les exclus

58. « L'Église en Amérique doit incarner dans ses initiatives pastorales la solidarité de l'Église universelle envers les pauvres et les exclus de toute sorte. Son attitude doit inclure l'assistance, la promotion, la libération et l'accueil fraternel. L'objectif de l'Église est qu'il n'y ait aucun exclus ». (213) Le souvenir des sombres chapitres de l'histoire de l'Amérique, concernant la pratique de l'esclavage et d'autres situations de discrimination sociale, ne peut pas ne pas susciter un désir sincère de conversion qui conduise à la réconciliation et à la communion.

L'attention aux plus nécessiteux découle du choix d'aimer les pauvres de manière préférentielle. Il s'agit d'un amour qui n'est pas exclusif et qui ne peut donc pas être interprété comme un signe de partialité ou de sectarisme; (214) en aimant les pauvres, le chrétien se conforme à l'attitude du Seigneur, qui, durant sa vie terrestre, s'est consacré aux besoins des personnes pauvres spirituellement et matériellement, avec des sentiments de compassion particulière.

L'œuvre de l'Église en faveur des pauvres dans toutes les régions du continent est importante; on doit cependant continuer à travailler pour que cette ligne d'action pastorale soit toujours plus orientée vers la rencontre avec le Christ, qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous afin de nous enrichir par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9). Il faut intensifier et étendre ce qui se fait déjà dans ce domaine, afin d'atteindre le plus grand nombre possible de pauvres. La Sainte Écriture rappelle que Dieu écoute le cri des pauvres (cf. Ps 34 [33], 7), et l'Église doit être attentive au cri des plus nécessiteux. Écoutant leur voix, « elle doit vivre avec les pauvres et participer à leurs souffrances. [...] Par son style de vie, ses priorités, ses paroles et ses actes, elle doit témoigner qu'elle est en communion et en solidarité avec eux ». (215)

La dette extérieure

59. L'existence d'une dette extérieure qui étouffe beaucoup de peuples du continent américain constitue un problème complexe. Sans pour autant entrer dans ses nombreux aspects, l'Église, dans sa sollicitude pastorale, ne peut pas ignorer ce problème, car il concerne la vie d'un grand nombre de personnes. C'est pourquoi diverses Conférences épiscopales en Amérique, conscientes de la gravité de cette question, ont organisé à ce sujet des rencontres d'étude et ont publié des documents visant à proposer des solutions concrètes. (216) Moi-même, j'ai exprimé plusieurs fois ma préoccupation face à cette situation, devenue en certains cas insoutenable. Dans la perspective du grand Jubilé de l'An 2000, maintenant tout proche, et me souvenant de la signification sociale que les jubilés revêtaient dans l'Ancien Testament, j'ai écrit: « Dans l'esprit du Livre du Lévitique (25, 8-12), les chrétiens devront se faire la voix de tous les pauvres du monde, proposant que le Jubilé soit un moment favorable pour penser, entre autres, à une réduction importante, sinon à un effacement total, de la dette internationale qui pèse sur le destin de nombreuses nations ». (217)

J'exprime à nouveau le souhait, repris par le Synode, que le Conseil pontifical « Justice et Paix », avec d'autres organismes compétents comme la Section pour les Relations avec les États de la Secrétairerie d'État, « cherche, par l'étude et le dialogue avec des représentants du Premier Monde et avec des responsables de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, des voies de solution au problème de la dette extérieure ainsi que des normes qui empêchent que de telles situations se reproduisent à l'occasion de futurs emprunts ». (218) Au niveau le plus large possible, il serait opportun que « des experts en économie et en questions monétaires, de renommée internationale, procèdent à une analyse critique de l'ordre économique mondial, dans ses aspects positifs et négatifs, pour corriger l'ordre actuel et proposer un système et des mécanismes en mesure d'assurer le développement intégral et solidaire des personnes et des peuples ». (219)

La lutte contre la corruption

60. En Amérique aussi, le phénomène de la corruption est notablement répandu. L'Église peut contribuer efficacement à éradiquer ce mal de la société civile par « une plus grande présence de laïcs chrétiens qualifiés qui, par leur éducation familiale, scolaire et paroissiale, encouragent la pratique de valeurs comme la vérité, l'honnêteté, le travail et le service du bien commun ». (220) Pour atteindre cet objectif, comme pour éclairer tous les hommes de bonne volonté désireux de mettre fin aux maux qui découlent de la corruption, il faut enseigner et répandre le plus possible la partie qui correspond à cette question dans le Catéchisme de l'Église catholique, en encourageant en même temps, chez les catholiques de chaque pays, la connaissance des documents publiés à ce sujet par les Conférences épiscopales des autres pays. (221) Les chrétiens ainsi formés contribueront de façon significative à résoudre ce problème, en s'engageant à mettre en pratique la doctrine sociale de l'Église sous tous les aspects qui touchent leur vie et dans les situations où ils peuvent apporter leur contribution.

Le problème de la drogue

61. En ce qui concerne le grave problème du commerce de la drogue, l'Église en Amérique peut collaborer efficacement avec les responsables des pays, les dirigeants d'entreprises privées, les organisations non gouvernementales et les instances internationales, pour développer des projets visant à abolir ce commerce qui menace l'intégrité des peuples en Amérique. (222) Cette collaboration doit s'étendre aux institutions législatives, en appuyant les initiatives qui empêchent le « recyclage d'argent », favorisent le contrôle des biens de ceux qui sont impliqués dans ce trafic, et font en sorte que la production et le commerce des substances chimiques dont on obtient la drogue se réalisent conformément aux normes législatives. L'urgence et la gravité du problème rendent impérieux un appel aux divers milieux et groupes de la société civile, afin de lutter ensemble contre le commerce de la drogue. (223) Pour ce qui regarde spécifiquement les Évêques, il est nécessaire — selon une suggestion des Pères synodaux — qu'eux-mêmes, comme Pasteurs du peuple de Dieu, dénoncent avec force et courage l'hédonisme, le matérialisme et les styles de vie qui conduisent facilement à la drogue. (224)

Il faut aussi se souvenir qu'il est nécessaire d'aider les agriculteurs pauvres, afin qu'ils ne succombent pas à la tentation de l'argent facile, que l'on peut obtenir par la culture des plantes dont on tire les drogues. À ce sujet, les Organismes internationaux peuvent apporter une précieuse collaboration aux Gouvernements en favorisant par diverses primes les productions agricoles de substitution. Il faut aussi encourager l'action de ceux qui s'efforcent de récupérer les consommateurs de drogue, en ayant une attention pastorale particulière pour les victimes de la toxicomanie. Il est d'une importance fondamentale que l'on donne le vrai « sens de la vie » aux nouvelles générations, qui, à défaut d'en avoir un, finissent bien souvent par être entraînées dans la spirale perverse des stupéfiants. Ce travail de récupération et de réhabilitation sociale peut constituer, comme l'expérience le montre, un véritable engagement d'évangélisation. (225)

La course aux armements

62. La course aux armements est un élément qui paralyse gravement le progrès de nombreux pays en Amérique. Une voix prophétique doit s'élever des Églises particulières d'Amérique pour dénoncer le réarmement et aussi le scandaleux commerce des armes de guerre qui absorbe des sommes d'argent considérables que l'on devrait au contraire destiner à combattre la misère et à promouvoir le développement. (226) D'autre part, l'accumulation des armements constitue une cause d'instabilité et une menace pour la paix. (227) C'est pourquoi l'Église demeure vigilante face au risque de conflits armés même entre nations sœurs. Comme signe et instrument de réconciliation et de paix, elle doit chercher « par tous les moyens possibles, y compris la voie de la médiation et de l'arbitrage, à agir en faveur de la paix et de la fraternité entre les peuples ». (228)

Culture de mort et société dominée par les puissants

63. En Amérique, comme en d'autres parties du monde, un modèle de société où dominent les puissants, excluant et même éliminant les faibles, semble aujourd'hui se profiler: je pense ici aux enfants non nés, victimes sans défense de l'avortement; aux personnes âgées et aux malades incurables, parfois objet d'euthanasie; et à tant d'autres êtres humains mis en marge par la société de consommation et par le matérialisme. Et je ne puis oublier le recours non nécessaire à la peine de mort, lorsque d'autres « moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l'agresseur. [...] Aujourd'hui, en effet, étant donné les possibilités dont l'État dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l'a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d'absolue nécessité de supprimer le coupable “sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants” ». (229) Un tel modèle de société porte l'empreinte de la culture de mort et est donc opposé au message évangélique. Face à cette désolante réalité, la communauté ecclésiale entend s'engager toujours plus à défendre la culture de la vie.

À ce sujet, les Pères synodaux, se faisant l'écho des récents documents du Magistère de l'Église, ont réaffirmé avec vigueur leur respect inconditionnel et leur total attachement envers la vie humaine depuis le moment de la conception jusqu'à celui de la mort naturelle, et ils ont prononcé la condamnation de maux comme l'avortement et l'euthanasie. Pour maintenir ces enseignements de la loi divine et naturelle, il est essentiel de promouvoir la connaissance de la doctrine sociale de l'Église et de s'employer à ce que les valeurs de la vie et de la famille soient reconnues et défendues dans les mœurs et dans les normes juridiques des États. (230) En plus de la sauvegarde de la vie, on doit intensifier, grâce à de multiples institutions pastorales, une promotion active de l'adoption et une assistance constante aux femmes ayant une grossesse problématique, aussi bien avant qu'après la naissance de leur enfant. Une attention pastorale spéciale doit aussi être portée aux femmes qui ont subi ou procuré activement l'avortement. (231)

Comment ne pas rendre grâce à Dieu et ne pas exprimer des sentiments de vive appréciation à nos frères et sœurs dans la foi qui, en Amérique, avec d'autres chrétiens et d'innombrables personnes de bonne volonté, sont engagés, par tous les moyens légaux, dans la défense de la vie et dans la sauvegarde de l'enfant à naître, du malade incurable et des personnes handicapées? Leur action est encore plus méritoire si l'on considère l'indifférence de beaucoup, les menaces d'eugénisme et les attentats contre la vie et la dignité humaine, qui sont quotidiennement perpétrés partout. (232)

Ces mêmes égards sont dus aux personnes âgées, parfois oubliées et livrées à elles-mêmes. Elles doivent être respectées comme des personnes; il est important de prendre pour elles des initiatives d'accueil et d'assistance, qui promeuvent leurs droits et leur assurent, autant que possible, le bien-être physique et spirituel. Les personnes âgées doivent être protégées des situations et des pressions qui pourraient les pousser au suicide; en particulier, elles doivent être soutenues contre la tentation du suicide assisté et de l'euthanasie.

Avec les Pasteurs du peuple de Dieu en Amérique, je fais appel aux « catholiques qui travaillent dans le domaine médical et sanitaire et à ceux qui occupent des charges publiques, comme à ceux qui sont engagés dans l'enseignement, afin qu'ils fassent tout leur possible pour défendre la vie de ceux qui courent un plus grand danger, en agissant avec une conscience formée d'une manière droite selon la doctrine catholique. Les Évêques et les prêtres ont, dans ce domaine, la responsabilité spéciale de donner un témoignage inlassable en faveur de l'Évangile de la vie et d'exhorter les fidèles à agir en conséquence ». (233) En même temps, il est indispensable que l'Église en Amérique éclaire, par des interventions opportunes, l'élaboration des décisions des assemblées législatives, en stimulant les citoyens, aussi bien les catholiques que les autres personnes de bonne volonté, à constituer des organisations pour promouvoir des projets de loi valables et s'opposer à ceux qui menacent la famille et la vie, deux réalités inséparables. De nos jours, il faut tenir compte de façon spéciale de ce qui se rapporte au diagnostic prénatal, pour qu'il ne lèse en aucune manière la dignité humaine.

Les peuples autochtones et les Américains d'origine africaine

64. Si l'Église en Amérique, fidèle à l'Évangile du Christ, entend parcourir le chemin de la solidarité, elle doit porter une attention spéciale aux ethnies qui, aujourd'hui encore, sont l'objet de discriminations injustes. En effet, il faut supprimer toute tentative d'exclusion à l'égard des populations autochtones. Cela implique, en premier lieu, que l'on doit respecter leurs territoires et les accords passés avec eux; il faut également répondre à leurs légitimes besoins sociaux, sanitaires, culturels. Et comment oublier l'exigence de réconciliation entre les peuples autochtones et les sociétés dans lesquelles ils vivent?

Je voudrais rappeler ici que les Américains d'origine africaine, eux aussi, continuent à être, dans certaines régions, l'objet de préjugés ethniques qui constituent pour eux un sérieux obstacle à la rencontre avec le Christ. Puisque toute personne, de quelque race ou condition qu'elle soit, a été créée par Dieu à son image, il faut promouvoir des actions concrètes, sans oublier la prière en commun, qui favorisent la compréhension et la réconciliation entre peuples différents, et qui soient des ponts pour faire régner l'amour chrétien, la paix et la justice entre tous les hommes. (234)

Pour atteindre ces objectifs, il est indispensable de former des agents pastoraux compétents, capables d'utiliser des méthodes déjà légitimement « inculturées » dans la catéchèse et la liturgie. Et l'on obtiendra plus facilement un nombre convenable de pasteurs qui exerceront leur activité parmi les autochtones si l'on se préoccupe de promouvoir les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée parmi ces peuples. (235)

La problématique des immigrés

65. Le continent américain a connu dans son histoire de nombreux mouvements d'immigration, avec des multitudes d'hommes et de femmes arrivés de diverses régions dans l'espoir d'un avenir meilleur. Le phénomène se poursuit encore aujourd'hui; il concerne en particulier de nombreuses personnes et familles provenant de pays latino-américains, qui se sont fixées dans les régions du nord du continent, au point de constituer, en certains cas, une partie considérable de la population. Elles apportent souvent un patrimoine culturel et religieux riche d'éléments chrétiens caractéristiques. L'Église a conscience des problèmes créés par cette situation et elle s'efforce d'exercer le plus possible son action pastorale parmi ces immigrés, pour faciliter leur établissement dans le territoire et pour susciter en même temps un comportement d'accueil de la part des populations locales, dans la conviction que l'ouverture réciproque entraînera un enrichissement pour tous.

Les communautés ecclésiales ne manqueront pas de voir dans ce phénomène un appel spécifique à vivre la valeur évangélique de la fraternité, et en même temps l'invitation à donner un nouvel élan à leur propre religiosité en vue d'une action évangélisatrice plus incisive. Dans ce sens, les Pères synodaux ont rappelé que « l'Église en Amérique doit être une avocate vigilante qui défend, contre toute restriction injuste, le droit naturel de toute personne à se déplacer librement à l'intérieur de son pays et d'un pays à l'autre. Il faut être attentif aux droits des migrants et de leurs familles et au respect de leur dignité humaine, y compris dans les cas d'immigration irrégulière ». (236)

À l'égard des migrants, il faut un comportement hospitalier et accueillant, qui les encourage à s'insérer dans la vie ecclésiale, étant toujours sauves leur liberté et leur identité culturelle particulière. Dans ce but, il est extrêmement utile que collaborent ensemble les diocèses d'où ils proviennent et ceux dans lesquels ils sont accueillis, notamment grâce à des structures pastorales appropriées prévues par la législation ou la pratique de l'Eglise (237) est des plus profitables. On peut ainsi garantir le soutien pastoral le plus approprié et le plus complet possible. L'Église en Amérique doit être animée par le souci constant de veiller à ce que ne fasse pas défaut une évangélisation efficace de ceux qui sont arrivés récemment et qui ne connaissent pas encore le Christ. (238)

CHAPITRE VI

LA MISSION DE L'ÉGLISE AUJOURD'HUI
EN AMÉRIQUE:
LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION

« De même que le Père m'a envoyé,
moi aussi, je vous envoie »
(Jn 20, 21)

Envoyés par le Christ

66. Avant son ascension au ciel, le Christ ressuscité a envoyé les Apôtres annoncer l'Évangile au monde entier (cf. Mc 16, 15), leur conférant les pouvoirs nécessaires pour réaliser cette mission. Il est significatif que, avant de procéder à l'ultime envoi missionnaire, Jésus se réfère au pouvoir universel qu'il a reçu de son Père (cf. Mt 28, 18). En effet, le Christ a transmis aux Apôtres la mission reçue de son Père (cf. Jn 20, 21), et ainsi il les a fait participer à ses pouvoirs.

Mais même « les fidèles laïcs, précisément parce qu'ils sont membres de l'Église, ont la vocation et la mission d'annoncer l'Évangile: à cette tâche ils sont habilités et engagés par les sacrements de l'initiation chrétienne et par les dons du Saint-Esprit ». (239) Car ils sont « devenus participants à leur manière des fonctions sacerdotale, prophétique et royale du Christ ». (240) En conséquence, « les fidèles laïcs sont, en vertu de leur participation à la fonction prophétique du Christ, pleinement engagés dans cette tâche de l'Église » (241) et ils doivent donc se sentir appelés et invités à proclamer la Bonne Nouvelle du Royaume. Les paroles de Jésus: « Allez, vous aussi, à ma vigne » (Mt 20, 4) (242) doivent être entendues comme adressées non seulement aux Apôtres mais à tous ceux qui désirent être d'authentiques disciples du Seigneur.

La tâche fondamentale pour laquelle Jésus envoie ses disciples est l'annonce de la Bonne Nouvelle, c'est-à-dire l'évangélisation (cf. Mc 16, 15-18). Il s'ensuit que « évangéliser est la grâce et la vocation propre de l'Église, son identité la plus profonde ». (243) Comme je l'ai dit en d'autres occasions, le caractère singulier et nouveau de la situation où le monde et l'Église se trouvent, à la veille du troisième millénaire, et les exigences qui en découlent, font que la mission évangélisatrice exige aujourd'hui un nouveau programme, que l'on peut définir dans son ensemble comme « nouvelle évangélisation ». (244) En tant que Pasteur suprême de l'Église, je désire ardemment inviter tous les membres du peuple de Dieu, particulièrement ceux qui vivent dans le continent américain — c'est sur son sol que pour la première fois j'ai fait appel à un engagement nouveau « dans sa ferveur, dans ses méthodes, dans son expression » (245) —, à faire leur ce projet et à y collaborer. En acceptant cette mission, que chacun se souvienne que le nœud vital de la nouvelle évangélisation doit être l'annonce claire et sans équivoque de la personne de Jésus Christ, c'est-à-dire l'annonce de son nom, de sa doctrine, de sa vie, de ses promesses et du Royaume qu'il s'est acquis par son mystère pascal. (246)

Jésus Christ, « bonne nouvelle » et premier évangélisateur

67. Jésus Christ est la « bonne nouvelle » du salut communiqué aux hommes d'hier, d'aujourd'hui et de toujours; mais en même temps il est aussi le premier et suprême évangélisateur. (247) L'Église doit centrer son attention pastorale et son action évangélisatrice sur le Christ crucifié et ressuscité. « Tout ce qui se projette dans le domaine ecclésial doit partir du Christ et de son Évangile ». (248) C'est pourquoi « l'Église en Amérique doit parler toujours plus de Jésus Christ, visage humain de Dieu et visage divin de l'homme. C'est cette annonce qui secoue vraiment les hommes, qui réveille et transforme les esprits, c'est-à-dire qui convertit. Il faut annoncer le Christ avec joie et avec force, mais surtout par le témoignage de sa propre vie ». (249)

Tout chrétien pourra accomplir efficacement sa mission dans la mesure où il assume la vie du Fils de Dieu fait homme comme le modèle parfait de son action évangélisatrice. La simplicité de son style et ses choix devront être comme des normes pour tous dans l'œuvre d'évangélisation. Dans cette perspective, les pauvres figureront évidemment parmi les premiers destinataires de l'évangélisation, à l'exemple du Christ, qui disait de lui-même: « L'Esprit du Seigneur [...] m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18). (250)

Comme je l'ai déjà noté, l'amour pour les pauvres doit être préférentiel, mais non exclusif. Le fait d'avoir préconisé la sollicitude pastorale envers les pauvres avec un certain exclusivisme — comme l'ont signalé les Pères synodaux — a parfois conduit à négliger les milieux dirigeants de la société, ce qui a eu pour conséquence que beaucoup de personnes de ces milieux se sont éloignées de l'Église. (251) Les dommages dus à la diffusion du sécularisme dans ces milieux, qu'ils soient politiques ou économiques, syndicaux, militaires, sociaux ou culturels, montrent l'urgence d'une évangélisation de ces milieux, animée et guidée par des pasteurs qui se sentent appelés par Dieu à prendre soin de tous. Ces pasteurs pourront compter sur l'appui de tous ceux — et heureusement ils sont encore nombreux — qui sont restés fidèles aux valeurs chrétiennes. Les Pères synodaux ont rappelé à ce sujet « l'engagement de nombreux [...] dirigeants pour édifier une société juste et solidaire ». (252) Avec leur aide, les Pasteurs feront face à la tâche ardue de l'évangélisation de ces secteurs de la société: avec une ardeur renouvelée et des méthodes mises à jour, ils se tourneront vers les dirigeants, hommes et femmes, pour leur annoncer le Christ, en insistant principalement sur la formation des consciences par la doctrine sociale de l'Église. Cette formation constituera le meilleur antidote contre les nombreux cas d'incohérence, et même de corruption, qui marquent les structures socio-politiques. Au contraire, si l'on néglige cette évangélisation des dirigeants, il ne sera pas surprenant que beaucoup d'entre eux suivent des critères étrangers à l'Évangile, et parfois ouvertement opposés à lui.

La rencontre avec le Christ incite à évangéliser

68. La rencontre avec le Seigneur produit une profonde transformation de ceux qui ne se ferment pas à Lui. Le premier mouvement qui naît de cette transformation est celui de communiquer aux autres la richesse découverte au cours de cette rencontre. Il ne s'agit pas seulement d'enseigner ce que nous avons connu, mais aussi de faire en sorte que, comme dans le cas de la Samaritaine, les autres rencontrent personnellement Jésus: « Venez voir » (Jn 4, 29). Le résultat sera le même que celui qui s'est vérifié dans le cœur des Samaritains, qui disaient à la femme: « Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant; nous l'avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde » (Jn 4, 42). L'Église, qui vit de la présence permanente et mystérieuse de son Seigneur ressuscité, a pour centre de sa mission l'engagement de « mener tous les hommes à la rencontre avec le Christ ». (253)

Elle est appelée à annoncer que le Christ est vraiment le Vivant, le Fils de Dieu, qui s'est fait homme, est mort et est ressuscité. Il est l'unique Sauveur de tous les hommes et de tout l'homme, et, comme Seigneur de l'histoire, il agit continuellement dans l'Église et dans le monde par son Esprit jusqu'à la fin des siècles. Cette présence du Ressuscité dans l'Église rend possible notre rencontre avec lui, grâce à l'action invisible de son Esprit qui donne la vie. Cette rencontre se réalise dans la foi reçue et vécue dans l'Église, corps mystique du Christ. Elle a donc essentiellement une dimension ecclésiale et elle conduit à un engagement de vie. En effet, « rencontrer le Christ vivant signifie accueillir son amour prévenant, Le choisir, adhérer librement à sa personne et à son dessein, qui consiste à annoncer et à réaliser le Règne de Dieu ». (254)

L'appel incite à chercher Jésus: « “Rabbi (c'est-à-dire Maître), où demeures-tu?” Il leur dit: “Venez, et vous verrez”. Ils l'accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 38-39). « Le fait de “rester” ne se limite pas au jour de la vocation, mais il s'étend à toute la vie. Le suivre signifie vivre comme il a vécu, accepter son message, faire siens ses critères, embrasser son destin, partager son projet qui est le dessein du Père: inviter tout le monde à la communion trinitaire et à la communion avec les frères en une société juste et solidaire ». (255) Le désir ardent d'inviter les autres à rencontrer Celui que nous avons rencontré est à la racine de la mission évangélisatrice à laquelle est appelée toute l'Église, mais qui se fait particulièrement urgente aujourd'hui en Amérique, après la célébration du cinquième centenaire de la première évangélisation et alors que nous nous préparons à commémorer dans la reconnaissance la venue du Fils unique de Dieu dans le monde il y a deux mille ans.

Importance de la catéchèse

69. La nouvelle évangélisation, dans laquelle tout le continent est engagé, montre que la foi ne peut pas être présupposée mais qu'elle doit être proposée explicitement dans toute son ampleur et dans toute sa richesse. Tel est l'objectif principal de la catéchèse, qui, par sa nature même, est une dimension essentielle de la nouvelle évangélisation. « La catéchèse est un itinéraire de formation dans la foi, dans l'espérance et dans la charité, qui éclaire l'esprit et touche le cœur, portant la personne à embrasser le Christ d'une manière pleine et complète. Elle fait entrer plus profondément le croyant dans l'expérience de la vie chrétienne, qui comprend la célébration liturgique du mystère de la Rédemption et le service chrétien des autres ». (256)

Sachant bien qu'une catéchèse complète est nécessaire, j'ai fait mienne la proposition présentée par les Pères de l'Assemblée extraordinaire du Synode des Évêques de 1985 d'élaborer « un catéchisme ou précis de toute la doctrine catholique pour tout ce qui concerne la foi et la morale », catéchisme qui puisse être « un point de référence pour les catéchismes ou précis qui sont préparés dans les diverses régions ». (257) Cette proposition a été concrétisée par la publication de l'édition type du Catechismus Catholicæ Ecclesiæ. (258) En plus du texte officiel du Catéchisme, et pour une meilleure utilisation de son contenu, j'ai voulu que soit élaboré et publié également un Directoire général pour la catéchèse. (259) Je recommande vivement l'utilisation de ces deux instruments, de valeur universelle, à tous ceux qui se consacrent en Amérique à la catéchèse. Il est souhaitable que les deux documents soient utilisés « dans la préparation et dans la vérification de tous les programmes paroissiaux et diocésains de catéchèse, compte tenu de ce que la situation religieuse des jeunes et des adultes requiert une catéchèse plus kérygmatique et plus organique dans la présentation du contenu de la foi ». (260)

Il faut reconnaître et encourager la mission méritante que remplissent de nombreux catéchistes dans tout le continent américain, comme messagers authentiques du Royaume: « Leur foi et leur témoignage de vie font partie intégrante de la catéchèse ». (261) Je désire encourager toujours davantage les fidèles à assumer avec détermination et amour pour le Seigneur ce service de l'Église, donnant généreusement leur temps et leurs talents. Pour leur part, les Évêques doivent se préoccuper de fournir aux catéchistes une formation appropriée pour qu'ils puissent remplir cette tâche si indispensable dans la vie de l'Église.

Dans la catéchèse, il sera bon de tenir compte, surtout dans un continent comme l'Amérique où la question sociale revêt un caractère important, du fait que « la croissance dans la compréhension de la foi et son expression pratique dans la vie sociale sont en liens étroits. Les forces employées pour faciliter la rencontre avec le Christ ne peuvent pas ne pas avoir une répercussion favorable dans la promotion du bien commun dans une société juste ». (262)

Évangélisation de la culture

70. Mon prédécesseur Paul VI notait avec une sage inspiration: « La rupture entre Évangile et culture est sans doute le drame de notre époque ». (263) C'est donc à juste titre que les Pères synodaux ont estimé que « la nouvelle évangélisation requiert un effort lucide, sérieux et ordonné pour évangéliser la culture ». (264) Le Fils de Dieu, en assumant la nature humaine, s'est incarné au sein d'un peuple déterminé, mais sa mort rédemptrice a apporté le salut à tous les hommes, de quelque culture, race ou condition que ce soit. Le don de son Esprit et son amour s'adressent à tous et chacun des peuples et des cultures pour les unir entre eux à l'exemple de l'unité parfaite qui existe en Dieu un et trine. Pour que ce soit possible, il est nécessaire d'inculturer la prédication, de manière que l'Évangile soit annoncé dans le langage et la culture de ceux qui l'entendent. (265) En même temps, toutefois, il ne faut pas oublier que seul le mystère pascal du Christ, manifestation suprême du Dieu infini dans la finitude de l'histoire, peut être un point de référence valable pour toute l'humanité en pèlerinage qui recherche l'unité authentique et la paix véritable.

Dans le continent, le visage métissé de la Vierge de Guadalupe a été dès le début un symbole de l'inculturation de l'évangélisation, dont elle a été l'étoile et le guide. Par sa puissante intercession, l'évangélisation pourra pénétrer le cœur des hommes et des femmes d'Amérique, et imprégner leurs cultures, les transformant de l'intérieur. (266)

Évangéliser les centres d'éducation

71. Le monde de l'éducation est un domaine privilégié pour promouvoir l'inculturation de l'Évangile. Toutefois, les centres catholiques d'éducation, et ceux qui, sans être confessionnels, sont en fait d'inspiration clairement catholique, ne pourront accomplir une action d'évangélisation authentique que si à tous les niveaux, y compris le niveau universitaire, ils savent conserver avec clarté leur orientation catholique. Le contenu du projet éducatif devra se référer constamment à Jésus Christ et à son message, comme l'Église le présente dans son enseignement tant dogmatique que moral. C'est seulement ainsi que l'on pourra former des dirigeants authentiquement chrétiens dans les divers domaines de l'activité humaine et de la société, spécialement dans la politique, dans l'économie, dans les sciences, dans l'art et dans la réflexion philosophique. (267) En ce sens, « il est essentiel que l'université catholique soit vraiment et réellement à la fois université et catholique. [...] Le caractère catholique est un élément constitutif de l'université en tant qu'institution, et il ne dépend donc pas de la simple décision des personnes qui dirigent l'université à un moment déterminé ». (268) Le travail pastoral dans les universités catholiques fera donc l'objet d'une sollicitude particulière: il faut susciter l'engagement apostolique des étudiants, afin qu'ils deviennent eux-mêmes évangélisateurs du monde universitaire. (269) En outre, « il faut stimuler la coopération entre les universités catholiques de toute l'Amérique afin qu'elles s'enrichissent mutuellement », (270) contribuant ainsi à réaliser, même au niveau universitaire, le principe de la solidarité et de l'échange entre les peuples de tout le continent.

On doit dire à peu près la même chose à propos des écoles catholiques, en particulier pour ce qui concerne l'enseignement secondaire: « Il faut faire un effort spécial pour renforcer l'identité catholique des écoles, qui fondent leur nature spécifique sur un projet éducatif dont l'origine se trouve dans la personne du Christ et dont la racine est dans la doctrine de l'Évangile. Les écoles catholiques doivent chercher non seulement à donner une éducation qualifiée du point de vue technique et professionnel, mais aussi et surtout à veiller à la formation intégrale de la personne humaine ». (271) Vu l'importance de la tâche des éducateurs catholiques, je m'unis aux Pères synodaux pour encourager et remercier tous ceux qui se consacrent à l'enseignement dans les écoles catholiques: prêtres, hommes et femmes consacrés, et laïcs engagés, « afin qu'ils persévèrent dans leur mission si importante ». (272) Il faut faire en sorte que l'influence de ces centres atteigne tous les secteurs de la société, sans distinction ni exclusivisme. Il est indispensable que l'on fasse tous les efforts possibles pour que les écoles catholiques, malgré les difficultés économiques, continuent à dispenser « une éducation catholique aux pauvres et aux marginaux de la société ». (273) Il ne sera jamais possible de libérer les indigents de leur pauvreté si on ne les libère pas d'abord de la misère due au fait qu'une éducation digne leur a fait défaut.

Dans le projet global de la nouvelle évangélisation, le domaine de l'éducation occupe une place privilégiée. Aussi faut-il encourager l'activité de tous les enseignants catholiques, y compris de ceux qui sont engagés dans des écoles non confessionnelles. J'adresse également un appel urgent aux personnes consacrées afin qu'elles n'abandonnent pas ce champ si important pour la nouvelle évangélisation. (274)

Comme fruit et expression de la communion entre toutes les Églises particulières d'Amérique, certainement renforcée par l'expérience spirituelle de l'Assemblée synodale, on ne manquera pas de promouvoir des rencontres d'éducateurs catholiques, aux niveaux national et continental, en veillant à ordonner et à accroître l'action pastorale éducative dans tous les milieux. (275)

Pour faire face à toutes ces tâches, l'Église en Amérique a besoin, dans le domaine de l'enseignement, d'un espace de liberté, qui ne doit pas être entendu comme un privilège mais comme un droit, en vertu de la mission évangélisatrice confiée par le Seigneur. En outre, les parents ont le droit fondamental et premier de décider de l'éducation de leurs enfants et, pour ce motif, les parents catholiques doivent avoir la possibilité de choisir l'éducation correspondant à leurs convictions religieuses. La fonction de l'État dans ce domaine est subsidiaire. Celui-ci a l'obligation « de garantir à tous l'éducation et de respecter et défendre la liberté d'enseignement. Le monopole d'État dans ce domaine doit être dénoncé comme une forme de totalitarisme préjudiciable aux droits fondamentaux qu'il doit défendre, spécialement au droit des parents à l'éducation religieuse de leurs enfants. La famille est le premier espace éducatif de la personne ». (276)

Évangéliser par les moyens de communication sociale

72. Pour que la nouvelle évangélisation soit efficace, il est fondamental d'avoir une profonde connaissance de la culture actuelle, dans laquelle les moyens de communication sociale ont une grande influence. Il est donc indispensable de connaître et d'utiliser ces moyens, dans leurs formes traditionnelles comme dans les formes plus récentes introduites par le progrès technologique. La réalité d'aujourd'hui exige que l'on sache maîtriser le langage, la nature et les caractéristiques des médias. En les utilisant d'une manière correcte et avec compétence, on peut réaliser une authentique inculturation de l'Évangile. D'autre part, ces mêmes médias contribuent à modeler la culture et la mentalité des hommes et des femmes de notre temps; c'est pourquoi ceux qui opèrent dans le domaine des instruments de communication sociale doivent bénéficier d'une action pastorale spéciale. (277)

À ce sujet, les Pères synodaux ont indiqué de nombreuses initiatives concrètes pour assurer une présence efficace de l'Évangile dans le monde des moyens de communication sociale: la formation d'agents pastoraux pour ce milieu; la promotion de centres de production qualifiée; l'usage prudent et avisé des satellites et des nouvelles technologies; la formation des fidèles afin qu'ils soient des usagers « critiques »; l'union des efforts pour acquérir puis gérer ensemble de nouveaux émetteurs et chaînes de télévision, comme aussi la coordination de ceux qui existent déjà. Quant aux publications catholiques, elles méritent d'être soutenues et il est souhaitable qu'elles connaissent un développement qualitatif.

Il faut encourager les entrepreneurs afin qu'ils soutiennent économiquement des produits de qualité qui promeuvent les valeurs humaines et chrétiennes. (278) Toutefois, un programme aussi vaste dépasse de beaucoup les possibilités des Églises particulières du continent américain. C'est pourquoi les Pères synodaux ont proposé une coordination interaméricaine des activités existant dans le domaine des moyens de communication sociale, afin de favoriser la connaissance et la coopération réciproques des réalisations qui existent déjà dans ce domaine. (279)

Le défi des sectes

73. Le prosélytisme que les sectes et les nouveaux groupes religieux exercent en beaucoup de régions d'Amérique constitue un grave obstacle à l'effort d'évangélisation. Le mot « prosélytisme » a un sens négatif quand il se réfère à une façon de conquérir des adeptes sans aucun respect pour la liberté de ceux auxquels s'adresse une propagande religieuse déterminée. (280) L'Église catholique en Amérique critique le prosélytisme des sectes et, pour cette raison même, dans son action évangélisatrice elle exclut le recours à des méthodes semblables. Proposant l'Évangile du Christ dans toute son intégrité, l'activité évangélisatrice doit respecter le sanctuaire de la conscience de chaque individu, en qui se développe le dialogue décisif, absolument personnel, entre la grâce et la liberté de l'homme.

Il faut tenir compte de cela particulièrement à l'égard des frères chrétiens des Églises et Communautés ecclésiales séparées de l'Église catholique, déjà établies depuis longtemps dans certaines régions. Les liens de vraie communion, même si elle est imparfaite, que ces Communautés ont déjà avec l'Église catholique, selon la doctrine du Concile Vatican II, (281) doivent éclairer les attitudes de cette dernière et de tous ses membres vis-à-vis d'elles. (282) Toutefois, ces attitudes ne pourront pas aller jusqu'à entamer la ferme convinction que la plénitude des moyens de salut établis par Jésus Christ se trouve seulement dans l'Eglise catholique. (283)

Les succès du prosélytisme des sectes et des nouveaux groupes religieux en Amérique ne sauraient être regardés avec indifférence. Ils exigent de l'Église dans ce continent une étude approfondie, à réaliser dans chaque pays et aussi au niveau international, pour découvrir les motifs pour lesquels nombre de catholiques abandonnent l'Église. À la lumière des conclusions que l'on en tirera, il sera utile de faire une révision des méthodes pastorales adoptées, de façon que chaque Église particulière ait pour les fidèles une attention plus personnalisée dans le domaine religieux, qu'elle fortifie les structures de communion et de mission, et qu'elle utilise les occasions d'évangélisation que présente une religiosité populaire purifiée; ainsi sera rendue plus vive la foi en Jésus Christ de tous les catholiques, à travers la prière et la méditation de la Parole de Dieu utilement commentée. (284) Il n'échappe à personne qu'il est urgent de procéder à l'évangélisation des secteurs du peuple de Dieu qui paraissent les plus exposés au prosélytisme des sectes: les groupes d'immigrés, les quartiers périphériques des villes ou les villages de campagne privés de la présence habituelle du prêtre et donc marqués par une ignorance religieuse diffuse, les familles des personnes simples éprouvées par des difficultés matérielles de tout genre. De ce point de vue, on constate la grande utilité des communautés de base, des mouvements, des groupes de familles et d'autres formes d'association dans lesquelles il est plus facile d'entretenir des relations interpersonnelles de soutien réciproque sur le plan spirituel et aussi économique.

Il est toutefois nécessaire d'avoir toujours présent à l'esprit le risque signalé par quelques Pères synodaux: une pastorale visant de manière quasi exclusive les besoins matériels des destinataires finit par décevoir la soif de Dieu qu'ont ces peuples, les laissant ainsi dans une situation vulnérable face à n'importe quelle prétendue offre spirituelle. C'est pourquoi « il est indispensable que tous se tiennent unis au Christ par l'annonce kérygmatique joyeuse et transformante, spécialement celle de la prédication dans la liturgie ». (285) Une Église qui vit intensément la dimension spirituelle et contemplative et qui se dépense généreusement au service de la charité sera, d'une manière toujours plus éloquente, un témoin crédible de Dieu pour les hommes et les femmes en recherche d'un sens pour leur vie. (286) À cette fin, il est plus que jamais nécessaire que les fidèles passent d'une foi routinière, peut-être soutenue par le seul milieu, à une foi consciente, vécue personnellement. Se renouveler dans la foi sera toujours la voie la meilleure pour que tous soient conduits à la Vérité qu'est le Christ.

Pour que la réponse au défi des sectes soit efficace, il faut une coordination appropriée des initiatives au niveau supra-diocésain, afin de réaliser une coopération par des projets communs qui pourront donner davantage de fruits. (287)

La mission ad gentes

74. Jésus Christ a confié à son Église la mission d'évangéliser toutes les nations: « Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19-20). La conscience de l'universalité de la mission évangélisatrice que l'Église a reçue doit demeurer vive, comme en a toujours témoigné l'histoire du peuple de Dieu qui poursuit sa marche en Amérique. L'évangélisation se fait plus urgente quand on voit toutes les personnes vivant dans ce continent qui ne connaissent pas encore le nom de Jésus, seul nom donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés (cf. Ac 4, 12). Ce nom est malheureusement inconnu d'une grande partie de l'humanité et dans beaucoup de milieux de la société américaine. Que l'on pense aux ethnies autochtones qui ne sont pas encore christianisées ou à la présence de religions non chrétiennes comme l'Islam, le Bouddhisme ou l'Hindouisme, surtout parmi les immigrés venant de l'Asie.

Cela oblige l'Église en Amérique à rester ouverte à la mission ad gentes. (288) Le programme d'une nouvelle évangélisation dans le continent, objectif de nombreux projets pastoraux, ne peut se limiter à revitaliser la foi des croyants routiniers, mais il doit chercher aussi à annoncer le Christ dans les milieux où il est inconnu.

En outre, les Églises particulières d'Amérique sont appelées à déployer leur élan évangélisateur au-delà des frontières du continent. Elles ne peuvent garder pour elles les immenses richesses de leur patrimoine chrétien. Elles doivent le porter au monde entier et le communiquer à ceux qui ne le connaissent pas encore. Il s'agit là de millions d'hommes et de femmes qui, sans la foi, souffrent de la plus grave des pauvretés. Face à cette pauvreté, ce serait une erreur de ne pas favoriser une activité d'évangélisation hors du continent sous prétexte qu'il y a encore beaucoup à faire en Amérique ou qu'il faut attendre d'avoir atteint une situation, au fond utopique, de plein épanouissement de l'Église en Amérique.

En souhaitant que le continent américain, en accord avec sa vitalité chrétienne, participe à la grande tâche de la mission « ad gentes », je fais miennes les propositions concrètes que les Pères synodaux ont présentées, à savoir « soutenir une plus grande coopération entre les Églises sœurs; envoyer des missionnaires (prêtres, personnes consacrées et fidèles laïcs) à l'intérieur et en dehors du continent; renforcer ou créer des Instituts missionnaires; favoriser la dimension missionnaire de la vie consacrée et contemplative; donner une plus grande impulsion à l'animation, à la formation et à l'organisation missionnaires ». (289) Je suis sûr que, grâce à leur zèle pastoral, les Évêques et les autres fils de l'Église dans toute l'Amérique sauront trouver des initiatives concrètes, même au niveau international, qui permettront la réalisation, avec beaucoup de dynamisme et de créativité, de ces desseins missionnaires.

CONCLUSION

Avec espérance et gratitude

75. « Voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28, 20). Mettant sa confiance dans cette promesse du Seigneur, l'Église qui poursuit sa marche dans le continent américain se dispose avec enthousiasme à affronter les défis du monde actuel et ceux que l'avenir pourra réserver. Dans l'Évangile, la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur est accompagnée de l'invitation à ne pas avoir peur (cf. Mt 28, 5.10). L'Église en Amérique désire marcher dans l'espérance, comme l'ont affirmé les Pères synodaux: « Avec une confiance sereine dans le Seigneur de l'histoire, l'Église se dispose à franchir le seuil du troisième millénaire sans préjugés ni pusillanimité, sans égoïsme, sans craintes ni doutes, convaincue du service fondamental et premier qu'elle doit prêter comme témoignage de fidélité à Dieu ainsi qu'aux hommes et aux femmes du continent ». (290)

En outre, l'Église en Amérique se sent particulièrement poussée à marcher dans la foi, répondant avec gratitude à l'amour de Jésus, « manifestation incarnée de l'amour miséricordieux de Dieu (cf. Jn 3, 16) ». (291) La célébration du début du troisième millénaire chrétien peut être une bonne occasion pour que le peuple de Dieu en Amérique renouvelle « sa gratitude pour le grand don de la foi » (292) qu'il a commencé à recevoir il y a cinq siècles. Au-delà des aspects historiques et politiques, l'an 1492 fut la grande année de grâce pour la foi accueillie en Amérique, une foi qui parle du bienfait suprême de l'Incarnation du Fils de Dieu, advenue il y a deux mille ans, comme nous le rappellerons solennellement lors du grand Jubilé tout proche.

Ce double sentiment d'espérance et de gratitude doit accompagner toute l'action pastorale de l'Église dans le continent, imprégnant d'esprit jubilaire les diverses initiatives des diocèses, des paroisses, des communautés de vie consacrée, des mouvements ecclésiaux, comme aussi les activités qui pourront être organisées au niveau régional et continental. (293)

Prière à Jésus Christ pour les familles d'Amérique

76. J'invite donc tous les catholiques d'Amérique à prendre une part active aux initiatives d'évangélisation que l'Esprit Saint suscite dans toutes les parties de cet immense continent, si rempli de potentialités et d'espérances pour l'avenir. J'invite spécialement les familles catholiques à être des « Églises-foyers », (294) où la foi chrétienne est vécue et transmise aux nouvelles générations comme un trésor, et où l'on prie ensemble. Si les familles catholiques savent réaliser en elles-mêmes l'idéal que Dieu leur confie, elles se convertiront en foyers authentiques d'évangélisation.

En conclusion de cette Exhortation apostolique, par laquelle j'ai repris les propositions des Pères synodaux, j'accueille volontiers leur suggestion de composer une prière pour les familles en Amérique. (295) J'invite les personnes, les communautés et les groupes ecclésiaux, là où deux fidèles ou plus se réunissent au nom du Seigneur, à renforcer par la prière le lien spirituel d'union entre tous les catholiques américains. Que tous s'unissent à la prière du Successeur de Pierre en invoquant le Christ vivant, qui est « chemin de conversion, de communion et de solidarité en Amérique »:

S

eigneur Jésus, nous te rendons grâce
parce que l'Évangile de l'Amour du Père,
par lequel tu es venu sauver le monde,
a été largement proclamé en Amérique
comme don de l'Esprit Saint
qui épanouit notre joie.

Nous te rendons grâce pour le don de ta Vie,
que tu nous as donnée en nous aimant
jusqu'à la fin:
elle nous fait fils de Dieu et frères entre nous.
Seigneur, augmente notre foi
et notre amour pour Toi,
qui es présent dans les multiples tabernacles
du continent.

Fais de nous des témoins fidèles
de ta Résurrection
face aux nouvelles générations d'Amérique,
afin qu'ils Te connaissent et te suivent,
et qu'ils trouvent en Toi leur paix et leur joie.
Ainsi seulement ils pourront se sentir frères
de tous les fils de Dieu
répandus dans le monde.

Toi qui t'es fait homme et qui as voulu être
membre d'une famille humaine,
enseigne aux familles les vertus qui brillèrent
dans la maison de Nazareth.
Fais qu'elles restent unies,
comme Toi et le Père n'êtes qu'Un,
et qu'elles soient un témoignage vivant
d'amour, de justice et de solidarité;
fais qu'elles soient une école de respect,
de pardon et d'aide mutuelle,
afin que le monde croie;
fais qu'elles soient une source de vocations
au sacerdoce, à la vie consacrée,
et à toutes les autres formes
d'intense engagement chrétien.

Protège ton Église et le Successeur de Pierre,
auquel Toi, Bon Pasteur, Tu as confié
la charge de paître tout ton troupeau.
Fais que ton Église fleurisse en Amérique
et multiplie ses fruits de sainteté.

Apprends-nous à aimer ta Mère, Marie,
comme tu l'as aimée toi-même.
Donne-nous le courage d'annoncer ta Parole
en nous consacrant à la nouvelle évangélisation
pour fortifier l'espérance dans le monde.

Notre-Dame de Guadalupe,
Mère de l'Amérique,
prie pour nous!

Donné à Mexico, le 22 janvier 1999, en la vingt et unième année de mon Pontificat.


TABLE

Introduction [1]

L'idée de célébrer cette Assemblée synodale [2]

Le thème de l'Assemblée [3]

La célébration de l'Assemblée comme expérience de rencontre [4]

Contribuer à l'unité du continent [5]

Dans le contexte de la nouvelle évangélisation [6]

Avec la présence et l'aide du Seigneur [7]

CHAPITRE I
LA RENCONTRE AVEC LE CHRIST VIVANT

Les rencontres avec le Seigneur dans le Nouveau Testament [8]

Rencontres personnelles et rencontres communautaires [9]

La rencontre avec le Christ dans le temps de l'Église [10]

Par Marie, nous rencontrons Jésus [11]

Les lieux de rencontre avec le Christ [12]

CHAPITRE II
LA RENCONTRE AVEC LE CHRIST DANS L'AMÉRIQUE D'AUJOURD'HUI

La situation des hommes et des femmes d'Amérique et leur rencontre avec le Seigneur [13]

L'identité chrétienne de l'Amérique [14]

Fruits de sainteté [15]

La piété populaire [16]

Présence catholique orientale [17]

La place de l'Église dans l'éducation et l'action sociale [18]

Respect croissant des droits humains [19]

Le phénomène de la mondialisation [20]

L'urbanisation croissante [21]

Le poids de la dette extérieure [22]

La corruption [23]

Le commerce et la consommation de la drogue [24]

La préoccupation pour l'écologie [25]

CHAPITRE III
CHEMIN DE CONVERSION

Urgence de l'appel à la conversion [26]

Dimension sociale de la conversion [27]

Conversion permanente [28]

Guidés par l'Esprit Saint vers un nouveau style de vie [29]

Vocation universelle à la sainteté [30]

Jésus, chemin unique vers la sainteté [31]

Pénitence et réconciliation [32]

CHAPITRE IV
EN MARCHE VERS LA COMMUNION

L'Église, sacrement de communion [33]

Initiation chrétienne et communion [34]

L'Eucharistie, centre de communion avec Dieu et avec nos frères [35]

Les Évêques, promoteurs de communion [36]

Une communion plus intense entre les Églises particulières [37]

Communion fraternelle avec les Églises catholiques orientales [38]

Le prêtre, signe d'unité [39]

Promouvoir la pastorale des vocations [40]

Renouveler l'institution paroissiale [41]

Les diacres permanents [42]

La vie consacrée [43]

Les fidèles laïcs et le renouveau de l'Église [44]

Dignité de la femme [45]

Défis pour la famille chrétienne [46]

Les jeunes, espérance pour l'avenir [47]

Accompagner l'enfant dans sa rencontre avec le Christ [48]

Éléments de communion avec les autres Églises et Communautés ecclésiales [49]

Relations de l'Église avec les communautés juives [50]

Religions non chrétiennes [51]

CHAPITRE V
ENTRONS DANS LA SOLIDARITÉ

La solidarité, fruit de la communion [52]

La doctrine de l'Église, expression des exigences de la conversion [53]

La doctrine sociale de l'Église [54]

Mondialisation de la solidarité [55]

Péchés sociaux qui crient vers le ciel [56]

Le fondement ultime des droits humains [57]

L'amour préférentiel pour les pauvres et les exclus [58]

La dette extérieure [59]

La lutte contre la corruption [60]

Le problème de la drogue [61]

La course aux armements [62]

Culture de mort et société dominée par les puissants [63]

Les peuples autochtones et les Américains d'origine africaine [64]

La problématique des immigrés [65]

CHAPITRE VI
LA MISSION DE L'ÉGLISE AUJOURD'HUI EN AMÉRIQUE: LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION

Envoyés par le Christ [66]

Jésus Christ, « bonne nouvelle » et premier évangélisateur [67]

La rencontre avec le Christ incite à évangéliser [68]

Importance de la catéchèse [69]

Évangélisation de la culture [70]

Évangéliser les centres d'éducation [71]

Évangéliser par les moyens de communication sociale [72]

Le défi des sectes [73]

La mission ad gentes [74]

CONCLUSION

Avec espérance et gratitude [75]

Prière à Jésus Christ pour les familles d'Amérique [76]


(1) L'inscription antique du baptistère de Saint-Jean de Latran est éloquente à ce sujet: « Virgineo fœtu Genitrix Ecclesia natos quos spirante Deo concipit amne parit » (E. Diehl, Inscriptiones latinæ christianæ veteres, n. 1513, I.I.: Berolini 1925, p. 289).

(2) Homélie à l'occasion des ordinations diaconales et sacerdotales à Bogotá (22 août 1968): AAS 60 (1968), pp. 614-615; La Documentation catholique 65 (1968), col. 1541.

(3) N. 17: AAS 85 (1993), p. 820; La Documentation catholique 89 (1992), p. 1028.

(4) N. 38: AAS 87 (1995), p. 30; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1027.

(5) Discours d'ouverture de la IVe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain (Saint-Domingue, 12 octobre 1992), n. 17: AAS 85 (1993), pp. 820-821; La Documentation catholique 89 (1992), p. 1028.

(6) Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 21: AAS 87 (1995), p. 17; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1022.

(7) Discours d'ouverture de la IVe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain (Saint-Domingue, 12 octobre 1992), n. 17: AAS 85 (1993), p. 820; La Documentation catholique 89 (1992), p. 1028.

(8) Cf. Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 38: AAS 87 (1995), p. 30; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1027.

(9) Discours à l'Assemblée du CELAM (9 mars 1983), III: AAS 75 (1983), p. 778; La Documentation catholique 80 (1983), p. 438.

(10) Exhortation apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 34: AAS 81 (1989), p. 454; La Documentation catholique 86 (1989), p. 172.

(11) Proposition 3.

(12) S. Augustin, Traité sur l'Évangile de Jean 15, 11: CCL 36, 154.

(13) Ibid., 15, 17: l.c., 156.

(14) « Salvator... ascensionis suæ eam (Mariam Magdalenam) ad apostolos instituit apostolam ». Raban Maur, De vita beatæ Mariæ Magdalenæ, 27: PL 112, 1574. Cf. S. Pierre Damien, Sermo 56: PL 144, 820; Hugues de Cluny, Commonitorium: PL 159, 952; S. Thomas d'Aquin, In Joh. Evang. expositio, 20, 3.

(15) Allocution pour la clôture de l'Année Sainte (25 décembre 1975): AAS 68 (1976), p. 145.

(16) Proposition 9: cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 22.

(17) Encyclique Redemptoris Mater (25 mars 1987), n. 21: AAS 79 (1987), p. 369; La Documentation catholique 84 (1987), pp. 391-392.

(18) Proposition 5.

(19) IIIe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain (Puebla, février 1979), Message aux peuples de l'Amérique latine, n. 282. Pour les États-Unis d'Amérique, cf. National Conference of Catholic Bishops, Behold Your Mother Woman of Faith (Washington 1973), pp. 53-55.

(20) Cf. Proposition 6.

(21) Jean-Paul II, Discours d'ouverture de la IVe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain (Saint-Domingue, 12 octobre 1992), n. 24: AAS 85 (1993), p. 826; La Documentation catholique 89 (1992), p. 1030.

(22) Cf. National Conference of Catholic Bishops, Behold Your Mother Woman of Faith (Washington 1973), p. 37.

(23) Cf. Proposition 6.

(24) Proposition 4.

(25) Cf. ibid.

(26) Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 7.

(27) Encycl. Mysterium fidei (3 septembre 1965): AAS 57 (1965), p. 764; La Documentation catholique 62 (1965), col. 1643.

(28) Ibid.: AAS, l.c., p. 766; La Documentation catholique, l.c., col. 1645.

(29) Proposition 4.

(30) Allocution à la dernière session publique du Concile Vatican II (7 décembre 1965): AAS 58 (1966), p. 58; La Documentation catholique 63 (1966), col. 65.

(31) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. Reconciliatio et pænitentia (2 décembre 1984), n. 16: AAS 77 (1985), pp. 214-217; La Documentation catholique 82 (1985), pp. 9-10.

(32) Cf. Proposition 61.

(33) Proposition 29.

(34) Cf. Bulle Sacrosancti apostolatus cura (11 août 1670), § 3: Bullarium Romanum, 26VII, 42.

(35) Il faut citer entre autres: les martyrs Jean de Brébeuf et ses sept compagnons, Roque González et ses deux compagnons; les saints: Elisabeth Ann Seton, Marguerite Bourgeoys, Pierre Claver, Juan del Castillo, Rose Philippine Duchesne, Marguerite d'Youville, Francisco Febres Cordero, Teresa Fernández Solar de los Andes, Juan Macías, Toribio de Mogrovejo, Ezequiel Moreno Díaz, Jean Népomucène Neumann, María Ana de Jesús Paredes Flores, Martín de Porres, Alfonso Rodríguez, Francisco Solano, Francesca Saverio Cabrini; les bienheureux: José de Anchieta, Pedro de San José Betancur, Juan Diego, Catherine Drexel, María Encarnación Rosal, Rafael Guízar Valencia, Dina Bélanger, Alberto Hurtado Cruchaga, Elías del Socorro Nieves, Maria Francesca di Gesù Rubatto, Mercedes de Jesús Molina, Narcisa de Jesús Martillo Morán, Miguel Agustín Pro, María de San José Alvarado Cardozo, Junípero Serra, Kateri Tekakwitha, Laura Vicuña, Antônio de Sant'Ana Galvão, et tant d'autres bienheureux qui sont invoqués avec foi et dévotion par les peuples de l'Amérique (cf. Instrumentum laboris, n. 17).

(36) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 50.

(37) Proposition 31.

(38) Proposition 30.

(39) N. 37: AAS 87 (1995), p. 29; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1027; cf. Proposition 31.

(40) Proposition 21.

(41) Cf. ibid.

(42) Cf. ibid.

(43) Cf. ibid.

(44) Cf. Proposition 18.

(45) Proposition 19.

(46) Décret sur les Églises orientales catholiques Orientalium Ecclesiarum, n. 5; cf. Code des Canons des Églises orientales, can. 28; Proposition 60.

(47) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris Mater (25 mars 1987), n. 34: AAS 79 (1987), p. 406; La Documentation catholique 84 (1987), p. 397; Synode des Évêques, Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclar. Pour que nous soyons témoins du Christ qui nous a libérés (13 décembre 1991), III, 7: Enchiridion Vaticanum 13, nn. 647-652; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 128-129.

(48) Cf. Proposition 60.

(49) Cf. Propositions 23 et 24.

(50) Proposition 73.

(51) Proposition 72; cf. Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 46: AAS 83 (1991), p. 850; La Documentation catholique 88 (1991), pp. 541-542.

(52) Cf. Synode des Évêques, Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclar. Pour que nous soyons témoins du Christ qui nous a libérés (13 décembre 1991), I, 1; II, 4; IV, 10: Ench. Vat. 13, nn. 613-615; 627-633; 660-669; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 123-124; 125-126; 130-131.

(53) Proposition 72.

(54) Ibid.

(55) Cf. Proposition 74.

(56) Cf. Lettre apost. Octogesima adveniens (14 mai 1971), nn. 8-9: AAS 63 (1971), pp. 406-408; La Documentation catholique 68 (1971), pp. 503-504.

(57) Proposition 35.

(58) Cf. ibid.

(59) Proposition 75.

(60) Cf. Commission pontificale « Justice et Paix », Au service de la communauté humaine: une approche éthique de la dette internationale (27 décembre 1986): Ench. Vat. 10, nn. 1045-1128; La Documentation catholique 84 (1987), pp. 197-205.

(61) Proposition 75.

(62) Proposition 37.

(63) N. 5: AAS 90 (1998), p. 152; La Documentation catholique 95 (1998), p. 3.

(64) Proposition 38.

(65) Ibid.

(66) Proposition 36.

(67) Cf. ibid.

(68) Synode des Évêques, Deuxième assemblée générale extraordinaire, Rapport final L'Église, sous la Parole de Dieu, célébrant les mystères du Christ pour le salut du monde (7 décembre 1985), II, B, a, 2: Ench. Vat. 9, n. 1795; La Documentation catholique 83 (1986), pp. 38-39.

(69) Proposition 30.

(70) Proposition 34.

(71) Ibid.

(72) Ibid.

(73) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 31.

(74) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 76; Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 42 : AAS 81 (1989), pp. 472-474; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 177-178.

(75) Proposition 26.

(76) Ibid.

(77) Proposition 28.

(78) Ibid.

(79) Ibid.

(80) Proposition 27.

(81) Ibid.

(82) Cf. ibid.

(83) Décret sur la rénovation et l'adaptation de la vie religieuse Perfectæ caritatis, n. 7. Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. 8: AAS 88 (1996), p. 382; La Documentation catholique 93 (1996), p. 353.

(84) Proposition 27.

(85) Cf. Proposition 28.

(86) Cf. Proposition 29.

(87) Cf. Lumen gentium, chap. V. Synode des Évêques, Deuxième Assemblée générale extraordinaire, Rapport final L'Église, sous la Parole de Dieu, célébrant les mystères du Christ pour le salut du monde (7 décembre 1985), II, A, 4-5: Ench. Vat. 9, nn. 1791-1793; La Documentation catholique 83 (1986), p. 38.

(88) Proposition 29.

(89) Ibid.

(90) Proposition 32.

(91) Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Dies Domini (31 mai 1998), n. 40: AAS 90 (1998), p. 738; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 668-669.

(92) Proposition 33.

(93) Cf. Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 20: AAS 71 (1979), pp. 309-316; La Documentation catholique 76 (1979), pp. 317-318.

(94) Proposition 33.

(95) Ibid.

(96) Ibid.

(97) Proposition 40; cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 2.

(98) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux évêques de l'Église catholique sur certains aspects de l'Eglise comprise comme communion Communionis notio (28 mai 1992), nn. 3-6: AAS 85 (1993), pp. 839-841; La Documentation catholique 89 (1992), p. 730.

(99) Proposition 40.

(100) Ibid.

(101) Conc. œcum. Vat. I, Const. dogm. sur l'Église du Christ Pastor æternus, Prologue: DS 3051.

(102) Conc. œcum. de Florence, Bulle d'union Exultate Deo (22 novembre 1439): DS 1314.

(103) Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 11.

(104) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décr. sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, n. 5.

(105) Proposition 41.

(106) Ibid.

(107) Cf. Conc. œcum. de Trente, Sess. VII, Décret sur les sacrements en général, canon 9: DS 1609.

(108) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 26.

(109) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 20: AAS 71 (1979), pp. 309-316; La Documentation catholique 76 (1979), pp. 317-318.

(110) Proposition 42; cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Dies Domini (31 mai 1998), n. 69: AAS 90 (1998), pp. 755-756; La Documentation catholique 95 (1998), p. 676.

(111) Proposition 41.

(112) Proposition 42; cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 14; Const. dogm. Lumen gentium, n. 10.

(113) Cf. Proposition 42.

(114) Proposition 41.

(115) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décr. sur l'apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, n. 8.

(116) Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 23.

(117) Cf. Décr. sur la charge pastorale des Évêques dans l'Église Christus Dominus, n. 27; Décr. Presbyterorum ordinis, n. 7. Paul VI, Motu proprio Ecclesiæ Sanctæ (6 août 1966), I, nn. 15-17: AAS 58 (1966), pp. 766-767; La Documentation catholique 63 (1966), col. 1450-1451; Code de Droit canonique, canons 495, 502, 511; Code des Canons des Églises orientales, canons 264, 271, 272.

(118) Proposition 43.

(119) Cf. Proposition 45.

(120) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux évêques de l'Eglise catholique sur certains aspects de l'Eglise comprise comme communion Communionis notio (28 mai 1992), nn. 15-16: AAS 85 (1993), pp. 847-848; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 732-733.

(121) Cf. ibid.

(122) Cf. Proposition 44.

(123) Ibid.

(124) Ibid.

(125) Cf. Proposition 60.

(126) Proposition 49.

(127) Ibid.

(128) Ibid.; cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret Presbyterorum ordinis, n. 14.

(129) Proposition 49.

(130) Ibid.

(131) Cf. Proposition 51.

(132) Proposition 48.

(133) Proposition 51.

(134) Proposition 52.

(135) Cf. ibid.

(136) Cf. ibid.

(137) Cf. Proposition 46.

(138) Ibid.

(139) Ibid.

(140) Proposition 35.

(141) Cf. IVe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain (Saint-Domingue, octobre 1992), Nouvelle évangélisation, promotion humaine et culture chrétienne, n. 58.

(142) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 51: AAS 83 (1991), pp. 298-299; La Documentation catholique 88 (1991), p. 172.

(143) Proposition 35.

(144) Cf. Proposition 46.

(145) Ibid.

(146) Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n. 29; Paul VI, Motu proprio Sacrum diaconatus ordinem (18 juin 1967), I, 1: AAS 59 (1967), p. 699; La Documentation catholique 64 (1967), col. 1281.

(147) Proposition 50.

(148) Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 29.

(149) Cf. Proposition 50; Congrégation pour l'Éducation catholique et Congrégation pour le Clergé, Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents et Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents (22 février 1998): AAS 90 (1998), pp. 843-926; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 409-447.

(150) Cf. Proposition 53.

(151) Ibid.; cf. IIIe Conférence générale de l'Épiscopat latino-américain (Puebla, février 1979), Message aux peuples de l'Amérique latine, n. 775.

(152) Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. 57: AAS 88 (1996), pp. 429-430; La Documentation catholique 93 (1996), p. 373.

(153) Cf. ibid., n. 58: l.c., p. 430; La Documentation catholique, l.c., p. 373.

(154) Proposition 53.

(155) Ibid.

(156) Proposition 54.

(157) Ibid.

(158) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 31.

(159) Proposition 55; cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 34.

(160) Proposition 55.

(161) Cf. ibid.

(162) Proposition 56.

(163) Cf. Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 23: AAS 81 (1989), pp. 429-433; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 164-165.

(164) Cf. Congrégation pour le Clergé et autres, Instr. Ecclesiæ de mysterio (15 août 1997): AAS 89 (1997), pp. 852-877; La Documentation catholique 94 (1997), pp. 1009-1020.

(165) Proposition 56.

(166) Ibid.

(167) Cf. Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988): AAS 80 (1988), pp. 1653-1729; La Documentation catholique 85 (1988), pp. 1063-1088; Lettre aux femmes (29 juin 1995): AAS 87 (1995), pp. 803-812; La Documentation catholique 92 (1995), pp. 717-722; Proposition 11.

(168) Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n. 31: AAS 80 (1988), p. 1728; La Documentation catholique 85 (1988), p. 1088.

(169) Proposition 11.

(170) Ibid.

(171) Ibid.

(172) Ibid.

(173) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 49: AAS 81 (1989), pp. 486-489; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 181-182.

(174) Proposition 12.

(175) Ibid.

(176) Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 11.

(177) Ibid.

(178) Cf. Proposition 12.

(179) Proposition 14.

(180) Ibid.

(181) Cf. ibid.

(182) Proposition 15.

(183) Ibid.

(184) Ibid.

(185) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décret sur l'œcuménisme Unitatis redintegratio, n. 3.

(186) Proposition 61.

(187) Ibid.

(188) Décret Unitatis redintegratio, n. 3.

(189) Cf. Proposition 62.

(190) Cf. Synode des Évêques, Assemblée spéciale pour l'Europe, Décl. Pour que nous soyons témoins du Christ qui nous a libérés (13 décembre 1991), III, 8: Ench. Vat. 13, nn. 653-655; La Documentation catholique 89 (1992), p. 129.

(191) Proposition 62.

(192) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décl. sur les relations de l'Église avec les religions non chrétiennes Nostra ætate, n. 2.

(193) Cf. Proposition 63.

(194) Ibid.

(195) Proposition 67.

(196) Cf. ibid.

(197) Proposition 68.

(198) Ibid.

(199) Proposition 69.

(200) Cf. Synode des Évêques, Deuxième Assemblée générale extraordinaire, Rapport final L'Église, sous la Parole de Dieu, célébrant les mystères du Christ pour le salut du monde (7 décembre 1985), II, B, a, 4: Ench. Vat. 9, n. 1797, La Documentation catholique 83 (1986), p. 39; Jean-Paul II, Const. apost. Fidei depositum (11 octobre 1992): AAS 86 (1994), p. 117, La Documentation catholique 90 (1993), p. 2-3; Catéchisme de l'Église catholique, n. 24.

(201) Proposition 69.

(202) Proposition 74.

(203) Ibid.

(204) Cf. Proposition 67.

(205) Proposition 70.

(206) Ibid.

(207) Cf. Proposition 73.

(208) Cf. Proposition 70.

(209) Proposition 72.

(210) Ibid.

(211) Ibid.

(212) IIIe Conférence générale de l'Épiscopat latino-américain (Puebla, février 1979), Message aux peuples de l'Amérique latine, n. 306.

(213) Proposition 73.

(214) Cf. Congrégation pour la doctrine de la foi, Instr. sur la liberté chrétienne et la libération Libertatis conscientia (22 mars 1986), n. 68: AAS 79 (1987), pp. 583-584; La Documentation catholique 83 (1986), p. 404.

(215) Proposition 73.

(216) Cf. Proposition 75.

(217) Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. 51: AAS 87 (1995), p. 36; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1030.

(218) Proposition 75.

(219) Ibid.

(220) Proposition 37.

(221) Cf. ibid.; sur la publication de ces textes, cf. JeanPaul II, Motu proprio Apostolos suos (21 mai 1998), n. IV: AAS 90 (1998), p. 657; La Doumentation catholique 95 (1998), pp. 757-758.

(222) Cf. Proposition 38.

(223) Cf. ibid.

(224) Cf. ibid.

(225) Cf. ibid.

(226) Cf. Conseil pontifical « Justice et Paix », Document Le commerce international des armes. Une réflexion éthique (1er mai 1994): Ench. Vat. 14, nn. 1071-1154; La Documentation catholique 91 (1994), pp. 658-668.

(227) Cf. Proposition 76.

(228) Ibid.

(229) Catéchisme de l'Église catholique, n. 2267, qui cite l'encyclique Evangelium vitæ, n. 56.

(230) Cf. Proposition 13.

(231) Cf. ibid.

(232) Cf. ibid.

(233) Ibid.

(234) Cf. Proposition 19.

(235) Cf. Proposition 18.

(236) Proposition 20.

(237) Cf. S. Congrégation pour les Evêques, Instr. Nemo est (22 août 1969), n. 16: AAS 61 (1969), pp. 621-622; La Documentation catholique 67 (1970), p. 62; Code de Droit canonique, cann. 294 et 518; Code des Canons des Eglises orientales, can. 280, § 1.

(238) Cf. ibid.

(239) Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 33: AAS 81 (1989), p. 453; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 171-172.

(240) Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 31.

(241) Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 34: AAS 81 (1989), p. 455; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 172-173.

(242) Cf. ibid., n. 2: AAS, l.c., pp. 394-397; La Documentation catholique, l.c., pp. 153-154.

(243) Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 14: AAS 68 (1976), p. 13; La Documentation catholique 73 (1976), p. 3.

(244) Cf. Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 34: AAS 81 (1989), p. 455; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 172-173.

(245) Discours à l'Assemblée du CELAM (9 mars 1983), III: AAS 75 (1983), p. 778; La Documentation catholique 80 (1983), p. 438.

(246) Cf. Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 22: AAS 68 (1976), p. 20; La Documentation catholique 73 (1976), p. 5.

(247) Cf. ibid., n. 7: AAS, l.c., pp. 9-10; La Documentation catholique, l.c., p. 2.

(248) Jean-Paul II, Message au CELAM (14 septembre 1997), n. 6: L'Osservatore Romano, 1er octobre 1997, p. 4; La Documentation catholique 94 (1997), p. 909.

(249) Proposition 8.

(250) Cf. Proposition 57.

(251) Cf. Proposition 16.

(252) Ibid.

(253) Proposition 2.

(254) Ibid.

(255) Ibid.

(256) Proposition 10.

(257) Rapport final L'Église, sous la Parole de Dieu, célébrant les mystères du Christ pour le salut du monde (7 décembre 1985), II, B, a, 4: Ench. Vat. 9, n. 1797, La Documentation catholique 83 (1986), p. 39.

(258) Cf. Lettre apost. Lætamur magnopere (15 août 1997): AAS 89 (1997), pp. 819-821; La Documentation catholique 94 (1997), pp. 851-854.

(259) Congr. pour le Clergé, Directoire général pour la catéchèse (15 août 1997), Librairie éditrice du Vatican, 1997.

(260) Proposition 10.

(261) Ibid.

(262) Ibid.

(263) Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 20: AAS 68 (1976), p. 19; La Documentation catholique 73 (1976), p. 4.

(264) Proposition 17.

(265) Cf. ibid.

(266) Cf. ibid.

(267) Cf. Proposition 22.

(268) Proposition 23.

(269) Cf. ibid.

(270) Ibid.

(271) Proposition 24.

(272) Ibid.

(273) Ibid.

(274) Cf. Proposition 22.

(275) Cf. ibid.

(276) Ibid.

(277) Cf. Proposition 25.

(278) Cf. ibid.

(279) Cf. ibid.

(280) Cf. Instrumentum laboris, n. 45.

(281) Cf. Décret Unitatis redintegratio, n. 3.

(282) Cf. Proposition 64.

(283) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Décr. sur l'œcuménisme Unitatis redintegratio, n. 3.

(284) Cf. Proposition 65.

(285) Ibid.

(286) Cf. IVe Conférence générale de l'Épiscopat latino-américain (Saint-Domingue, octobre 1992), Nouvelle évangélisation, promotion humaine et culture chrétienne, nn. 139-152.

(287) Cf. Proposition 65.

(288) Cf. Proposition 86.

(289) Ibid.

(290) Proposition 58.

(291) Ibid.

(292) Ibid.

(293) Cf. ibid.

(294) Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 11.

(295) Proposition 12.

 

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