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JEAN PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE  

Mercredi 12 juin 2002

Louange au Seigneur créateur

 

Lecture:  Ps 91, 2-3.6-7.13-14

1. L'antique tradition juive réserve une place particulière au Psaume 91, qui vient de retentir comme le chant que l'homme juste élève au Dieu créateur. Le titre donné au Psaume indique, en effet, qu'il est destiné à la journée du samedi (cf. v. 1). C'est donc l'hymne que l'on élève au Seigneur éternel et très-haut lorsque, après le coucher de soleil du vendredi, on entre dans la journée sainte de la prière, de la contemplation, du repos serein du corps et de l'esprit.

Au centre du Psaume se dresse, solennelle et grandiose, la figure du Dieu très-haut (cf. v. 9), autour duquel se dessine un monde harmonieux et pacifié. Devant lui est également placée la personne du juste qui, selon une conception chère à l'Ancien Testament, est comblé de bien-être, de joie et d'une longue vie, comme la conséquence naturelle de son existence honnête et fidèle. Il s'agit de ce que l'on appelle la "théorie de la rétribution", selon laquelle chaque délit a un châtiment sur la terre et chaque acte bon, une récompense. Toutefois, même si dans cette vision, il existe une part de vérité - comme nous le fera comprendre Job et comme le répétera Jésus (cf. Jn 9, 2-3) - la réalité de la douleur humaine est beaucoup plus complexe et ne peut pas être aussi facilement simplifiée. En effet,  la  souffrance humaine doit être considérée dans la perspective de l'éternité.

2. Examinons à présent cet hymne sapientiel aux aspects liturgiques. Il est constitué par un intense appel à la lou-ange, au chant joyeux de remerciement, à une musique de fête, rythmée par la harpe à dix cordes, par la lyre et la cithare (cf. vv. 2-4). L'amour et la fidélité du Seigneur doivent être célébrés à travers le chant liturgique que l'on doit conduire "avec art" (cf. Ps 46, 8). Cette invitation est également valable en ce qui concerne nos célébrations, afin qu'elles retrouvent leur splendeur non seulement dans les paroles et dans les rites, mais également dans les mélodies qui les animent.

Après cet appel à ne jamais couper le fil intérieur et extérieur de la prière, véritable souffle constant de l'humanité fidèle, le Psaume 91 propose, en traçant presque deux portraits, le profil de l'impie (cf. vv. 7-10) et du juste (cf. vv. 13-16). L'impie est cependant placé face au  Seigneur, "pour toujours, Yahvé" (v. 9), qui fera périr ses ennemis et qui dispersera tous les malfaisants (cf. v. 10). En effet, ce n'est qu'à la lumière divine que l'on réussit à comprendre en profondeur le mal et le bien, la justice et la perversion.


3. La figure du pécheur est décrite par une image végétale:  "S'ils poussent comme l'herbe les impies, s'ils fleurissent, tous les malfaisants" (v. 8). Mais cette floraison est destinée à se dessécher et à disparaître. En effet, le Psalmiste multiplie les verbes et les termes qui décrivent la destruction:  "C'est pour être abattus à jamais... Voici:  tes ennemis périssent, tous les malfaisants se dispersent" (v. 8.10).

A la racine de cette issue catastrophique, il y a le mal profond qui occupe l'esprit et le coeur du pervers:  "L'homme stupide ne sait pas, cela, l'insensé n'y comprend rien" (v. 7). Les adjectifs utilisés ici appartiennent au langage sapientiel et dénotent la brutalité, l'aveuglement, le caractère obtus de celui qui pense pouvoir sévir sur la face de la terre sans aucun frein moral, en s'imaginant que Dieu est absent ou indifférent. L'orant est, en revanche, certain que le Seigneur, à un moment ou à un autre, apparaîtra à l'horizon pour rendre justice et plier l'arrogance de l'insensé (cf. Ps 13).

4. Nous voici ensuite face à la figure du juste, dessinée comme dans une vaste fresque riche de couleurs. On a, dans ce cas aussi, recours à une image végétale, fraîche et verdoyante (cf. Ps 91, 13-16). A la différence de l'impie qui est comme l'herbe des champs luxuriante mais éphémère, le juste se dresse vers le ciel, solide et majestueux comme le palmier et le cèdre du Liban. D'autre part, les justes sont "plantés dans la maison de Yahvé" (v. 14), c'est-à-dire qu'ils ont une relation extrêmement solide et stable avec le temple et donc avec le Seigneur, qui y a établi sa demeure.

La tradition chrétienne jouera également sur la double signification de la parole grecque phoinix, utilisée pour traduire le terme hébreu qui indique le palmier. Phoinix est le nom grec du palmier, mais également celui de l'oiseau que nous appelons "phoenix". Nous savons que le phoenix était le symbole de l'immortalité, car l'on imaginait que cet oiseau renaissait de ses cendres. Le chrétien fait une expérience semblable grâce à sa participation à la mort du Christ, source de vie nouvelle (cf. Rm 6, 3-4). "Mais Dieu... alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ" - dit la Lettre aux Ephésiens - "avec lui Il nous a ressuscités" (2, 5-6).

5. Une autre image représente le juste et elle est de type animal, destinée à exalter la force que Dieu accorde, également lorsque la vieillesse apparaît:  "Tu me donnes la vigueur du taureau, tu répands sur moi l'huile fraîche" (Ps 91, 11). D'un côté, le don de la puissance divine fait triompher et donne la sécurité (cf. v. 12); de l'autre, le front glorieux du juste est consacré par l'huile qui irradie une énergie et une bénédiction protectrice. Le Psaume 91 est donc un hymne optimiste, également renforcé par la musique et le chant. Il célèbre la confiance en Dieu qui est source de sérénité et de paix, même lorsque l'on assiste au succès apparent de l'impie. Une paix qui reste également intacte dans la vieillesse (cf. v. 15), une saison vécue encore de façon féconde et sûre.

Nous concluons par les paroles d'Origène, traduites par saint Jérôme, qui partent de la phrase où le Psalmiste dit à Dieu:  "Tu répands sur moi l'huile fraîche" (v. 11). Origène commente:  "Notre vieillesse a besoin de l'huile de Dieu. Comme lorsque nos corps sont las, et ne reprennent leurs forces que s'ils sont oints d'huile, comme la flamme de la lampe s'éteint si l'on n'y ajoute pas d'huile:  de même la flamme de la vieillesse a besoin, pour croître, de l'huile de la miséricorde de Dieu. Du reste, les Apôtres aussi se rendirent au mont des Oliviers (cf. Ac 1, 12), afin de recevoir la lumière de l'huile du Seigneur, car ils étaient las et leurs lampes avaient besoin de l'huile du Seigneur... C'est pourquoi nous prions le Seigneur afin que notre vieillesse, chacun de nos efforts et toutes nos ténèbres, soient illuminées par l'huile du Seigneur" (74 Homélies sur le Livre des Psaumes, Milan 1993, pp. 280-282, passim).

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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 12 juin 2002, se trouvait le groupe suivant auquel le Saint-Père s'est adressé en français: 

De France:  Ecole Saint-Erembert, de Saint-Germain-en-Laye.

Chers Frères et Sœurs,

Le psaume 91 est un appel à la louange du Dieu Très-Haut, pour célébrer son amour et sa fidélité. Il propose, comme en deux portraits, l’attitude du juste et de l’impie, qu’il compare à des plantes.

L’impie grandit comme l’herbe, il fleurit, «mais pour disparaître à tout jamais», car son esprit et son cœur sont occupés par un mal profond, l’aveuglement : il pense qu’il peut sévir sans retenue parce qu’il croit que Dieu est absent.

Le juste, lui, se dresse vers le ciel, solide et majestueux comme un cèdre du Liban. «Planté dans les parvis du Seigneur», il a une forte relation avec Dieu, qui établit en lui sa demeure.

Le psaume célèbre la confiance en Dieu, source de sérénité et de paix, même devant le succès apparent de l’impie; une paix qui reste intacte jusque dans la vieillesse, encore féconde.

Chers pèlerins de langue française, je suis heureux de vous accueillir. Gardez dans votre vie quotidienne une place pour la louange de Dieu ! Je vous bénis de grand cœur.

 



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