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Lettre au Secrétaire général de l’ONU, S.E.M. Javier Pérez de CUELLAR, à l’occasion du Sommet mondial pour les Enfants*

22 septembre 1990
 

 
A son Excellence Monsieur Javier PEREZ DE CUELLAR
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies
à l'occasion du Sommet mondial pour les Enfants
 
"Tes fils: des plants d'olivier alentour de la table" (Ps 128, 3).
 
Ces simples paroles du psalmiste disent combien les enfants sont une bénédiction de Dieu et une source de joie intense pour la famille.

1. Inspiré par cette conception positive de la vie humaine, le Saint-Siège considère avec satisfaction le Sommet mondial pour les Enfants, dans lequel il voit une expression et une confirmation importantes de la conscience, accrue de la part de l’opinion publique et des États, de la nécessité de faire davantage pour sauvegarder le bien-être des enfants du monde, pour définir les droits de l'enfant et pour protéger ces droits par des actions d'ordre culturel et législatif, respectant pleinement la vie humaine comme valeur en soi, indépendamment du sexe, de l'origine ethnique, du statut social ou culturel, des convictions politiques ou religieuses. N'étant pas en mesure de participer personnellement à ce Sommet, je vous adresse, Monsieur le Secrétaire général, mes salutations les plus sincères, ainsi qu'aux Chefs d'État et de Gouvernement présents. Assuré que les oeuvres de l'homme sont un signe de la grandeur de Dieu et l'accomplissement de son dessein mystérieux, j'invoque avec ferveur la lumière et la sagesse divines sur vos délibérations.

2. Il m'est agréable d'exprimer l'estime de l'Église catholique à l'égard de tout ce qui a été fait et de tout ce qui est fait actuellement sous les auspices des Nations Unies et de leurs Agences spécialisées pour garantir la survie, la santé, la protection et le développement intégral des enfants. Parmi nos frères et sœurs, ils sont, plus que tous, sans défense; de tous les fils et les filles de notre Père commun des cieux, ils sont les plus innocents et les plus dignes de sollicitude. La prompte adhésion du Saint-Siège à la Convention sur les Droits de l'Enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, est, pour l'Église catholique, dans l'esprit de sa tradition bimillénaire de service en faveur de ceux qui sont démunis matériellement ou spirituellement, en particulier des membres les plus faibles de la famille humaine, parmi lesquels les enfants ont toujours fait l'objet d'une attention spéciale. Les chrétiens contemplent dans l'Enfant de Bethléem le caractère unique de tout enfant, sa dignité et son besoin d'être aimé. A partir de l'exemple et de l'enseignement de son Fondateur, l'Église prend conscience de sa propre mission d'attacher une attention particulière aux besoins des enfants (cf. Mc 10, 14); en effet, du point de vue chrétien, notre manière de traiter les enfants devient la mesure de notre fidélité au Seigneur lui-même (cf. Mt 18, 5).

3. L'Église est très sensible à l'immense fardeau des souffrances et des injustices subies par les enfants du monde. Dans mon propre ministère et dans mes visites pastorales, je suis témoin de la condition bouleversante de millions d'enfants dans tous les continents. Ils sont très vulnérables parce qu'ils sont les moins capables de faire entendre leur voix. Ma contribution à ce Sommet, Monsieur le Secrétaire général, a pour but de faire retentir devant cette haute Assemblée les appels sou­vent silencieux mais non moins légitimes et insistants qu'adressent les enfants du monde à ceux qui ont les moyens et la responsabilité de mieux prendre soin d'eux.

Les enfants du monde crient leur soif d'amour. Et là, l'amour implique l'intérêt effectif qu'un être humain porte à l'autre, le bien que chacun doit faire à l'autre au nom des liens que crée notre commune humanité. Un enfant ne peut survivre physiquement, psychologiquement et spirituellement sans la solidarité qui nous rend tous responsables de tous, responsabilité qui prend une intensité particulière quand il s'agit du don d'amour des parents à leurs enfants. Le Saint-Siège accorde une importance spéciale au fait que la Convention reconnaît le rôle irremplaçable de la famille pour favoriser la croissance et le bien-être de ses membres. La famille est la première cellule vitale de la société en raison du service qu'elle rend à la vie et parce qu'elle est la première école des vertus sociales qui sont le principe actif de l'existence et du développement de la société elle-même. Le bien-être des enfants du monde dépend donc largement des mesures prises par les États pour soutenir et aider les familles à remplir leur rôle en donnant la vie et en assurant l'éducation.

4. Les enfants du monde crient leur soif d'un plus grand respect pour leur dignité individuelle inaliénable et pour leur droit à la vie dès le premier instant de leur conception, même dans des circonstances difficiles et dans les cas de handicaps personnels. Chaque individu, quelles que soient sa petitesse ou sa faible importance apparente d'un point de vue utilitaire, porte l'empreinte de l'image du Créateur et sa ressemblance (cf. Gn 1, 26). Les politiques et les actions qui ne reconnaissent pas cette condition unique de dignité innée ne peuvent conduire à un monde juste et humain, car elles s'opposent aux vraies valeurs qui déterminent des catégories morales objectives et qui fondent les jugements moraux rationnels et les actions droites.

La Convention internationale sur les Droits de l'Enfant constitue une déclaration des priorités et des obligations qui peuvent partout servir de référence et de stimulant pour l'action en faveur des enfants. Le Saint-Siège a été heureux d'y adhérer et il ratifie la Convention en considérant que les objectifs, les programmes et les actions qui en résulteront respecteront les convictions morales et religieuses de ceux qu'elles concernent, en particulier les convictions morales des parents au sujet de la transmission de la vie, sans faire pression pour le recours à des moyens moralement inacceptables, et respectant de même leur liberté en ce qui concerne la vie et l'éducation religieuse de leurs enfants. Pour apprendre à être solidaires de leur prochain, les enfants doivent faire l'expérience réelle de la solidarité par les relations mutuelles vécues à l'intérieur de la famille elle-même, dans laquelle toute vie humaine, avant comme après la naissance, est profondément respectée, et dans laquelle la mère et le père prennent ensemble des décisions responsables pour l'exercice de leur paternité.

5. Au cours de l'Année internationale de l'Enfant, en 1979, j'ai eu l'occasion de m'adresser à l'Assemblée générale des Nations Unies. Je renouvelle aujourd'hui, avec encore plus d'insistance, la conviction et l'espérance que j'exprimais alors: "Aucun pays du monde, aucun système politique ne peut songer à son propre avenir autrement qu'à travers l'image de ces nouvelles générations qui, à la suite de leurs parents, assumeront le patrimoine multiforme des valeurs, des devoirs, des aspirations de la nation à laquelle elles appartiennent, en même temps que le patrimoine de toute la famille humaine. La sollicitude pour l'enfant, dès avant la naissance, dès le premier moment de sa conception, et ensuite au cours de son enfance et de son adolescence, est pour l'homme la manière primordiale et fondamentale de vérifier sa relation à l'homme Ainsi, que peut-on souhaiter de plus à chaque peuple et à toute l'humanité, à tous les enfants du monde, sinon cet avenir meilleur où le respect des droits de l'homme devienne une pleine réalité?" (Discours à la XXXIVème Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, 2 octobre 1 979, n. 2 1 ).


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.41 p.1, 4.

 

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