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DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE
IRANIENNE EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi 3 décembre 1994

 

Chers frères dans l’épiscopat,

1. C’est avec une émotion intense que je vous accueille au moment de votre Visite ad limina et que je tiens à vous exprimer mon cordial salut à la manière de l’Apôtre Paul: « A vous, grâce et paix de par Dieu le Père et le Seigneur Jésus-Christ! »[1]. Je vous saurai gré d’assurer de ma profonde union spirituelle les évêques qui n’ont pas pu participer avec vous à ce pèlerinage sur les tombes des saints Pierre et Paul.

Notre rencontre constitue un moment important de la communion fraternelle entre les successeurs des Apôtres, qui forment une « précieuse couronne spirituelle » autour du Successeur de Pierre[2]. Dans la prière et dans le dialogue, avec moi-même et avec mes collaborateurs des diverses congrégations de la Curie romaine, nous est donnée l’occasion de partager les joies, les espérances et les souffrances de chacun de vous dans l’exercice de sa charge pastorale.

2. La terre où vous vivez a une riche tradition spirituelle; en effet, des événements de l’Ancien Testament, dont il est fait mention dans les livres d’Ezéchiel, d’Esther, de Judith et d’Esdras, sont liés à l’antique Perse. L’histoire de votre pays est donc en liaison étroite avec l’histoire du peuple de l’Ancienne Alliance, auquel a été confié le message de la Révélation. Dès les temps apostoliques, des communautés catholiques se sont installées sur le territoire de l’Iran actuel, comme en témoignent des auteurs anciens[3]. Selon la tradition, elles auraient reçu le trésor de la foi grâce à l’Apôtre Thomas, qui continue aujourd’hui de les inspirer et de les soutenir dans leur mission, au milieu des doutes et des difficultés rencontrées. Au long des siècles, la vitalité de vos Eglises s’est manifestée en particulier par la participation d’un évêque persan au Concile de Nicée, où les Pères ont recueilli la Tradition et ont exposé la foi trinitaire de toute l’Eglise.

«Ainsi donc, mes frères bien-aimés et tant désirés, ma joie et ma couronne, tenez bon de la sorte, dans le Seigneur»[4]; avec ces paroles de Saint Paul, je voudrais vous encourager à maintenir vivante la présence de l’Eglise dans votre pays et à poursuivre inlassablement la mission de révéler le visage du Christ au monde, particulièrement par le témoignage de la vie chrétienne. J’ai conscience que votre action pastorale est souvent difficile et régulièrement entravée pour différents motifs liés à la situation présente, comme cela m’a été clairement indiqué dans les informations que j’ai reçues avant votre visite. Cependant, à la manière du peuple élu qui marchait à travers le désert ou qui se trouvait entouré de peuples plus nombreux, vous êtes le petit troupeau que Dieu aime.

Le Successeur de Pierre vous invite à ne pas vous décourager et à ne pas désespérer. En toute circonstance, rappelez-vous que l’Eglise universelle nourrit à votre égard une grande estime et qu’elle apprécie votre présence et celle de tous vos fidèles dans votre terre, présence qui se manifeste par la vie liturgique, par la prière, par les quelques rencontres rendues possibles et par vos œuvres. A cela, vous êtes reconnus comme les témoins fidèles.

3. Je désire rendre grâce pour le zèle des prêtres, des religieux et des religieuses; transmettez-leur les remerciements et les encouragements du Pape, pour les activités qu’ils déploient avec une grande fidélité auprès de ceux qui sont dans le besoin, sans distinction aucune. Ce qu’ils font au plus petit d’entre les hommes, c’est au Christ qu’il le font. Je pense en particulier à ce qu’ils réalisent envers les malades, les enfants et les personnes âgées, tous ces frères qui restent souvent dans l’isolement. Je n’oublie pas les nombreuses expressions de leur charité chrétienne: l’accueil, l’écoute, le dialogue et la solidarité sous toutes ses formes. Tout ceci est un beau témoignage qui, bien que silencieux, atteste que l’Evangile transforme le monde à la manière d’un ferment et que la charité entre les frères repose sur l’amour reçu du Seigneur. C’est ainsi que Saint Augustin peut déclarer: « Contre la violence de l’amour, le monde ne peut rien faire »[5]. Rien ne sera perdu de ce qui est fait au nom du Seigneur, en réponse à son amour pour les hommes. Au contraire, toute œuvre de charité élève le monde.

Le manque de vocations sacerdotales et religieuses autochtones dans vos différents diocèses vous préoccupe. Avec l’aide de vos fidèles, des prêtres et des religieux, je vous invite à rechercher les solutions nécessaires à la vie de vos communautés. Ensemble, puissiez-vous inviter quelques jeunes, garçons et filles, à s’engager radicalement à la suite du Seigneur. La préparation d’une nouvelle génération de prêtres et de consacrés, issus du pays, demande du temps. Elle commence par la formation humaine et spirituelle des laïcs, en particulier des familles, dont la responsabilité est primordiale dans l’éclosion et la croissance des vocations.

Les mouvements de jeunesse, que vous essayez de développer, sont aussi des lieux importants pour l’édification de la personnalité de chaque jeune, pour sa formation chrétienne, pour son ouverture aux autres et pour la nécessaire collaboration entre toutes les composantes de la société iranienne.

Comme les Apôtres, enfermés dans le Cénacle, ont reçu les lumières de l’Esprit Saint pour que brille partout sur la terre l’amour de Dieu, je souhaite que les jeunes soient des fils de la lumière, puisant leur force dans la prière, dans les sacrements et dans la vie fraternelle. Dans le cadre des mouvements, les adultes ont la charge de transmettre l’appel du Seigneur à leurs enfants, en leur manifestant que suivre le Christ et se consacrer à la mission de l’Eglise permet de réussir sa vie et d’être heureux, même si cela comporte des sacrifices, spécialement dans une société qui a des difficultés à comprendre le sens de cet engagement.

En remerciant vivement toutes les communautés qui ont détaché certains de leurs membres pour soutenir l’Eglise en Iran, je renouvelle aussi mon appel à l’intention des Eglises plus riches en vocations et des congrégations religieuses, pour qu’elles sachent envoyer des témoins de l’Evangile dans les pays les plus défavorisés, en prenant soin de donner aux personnes la formation requise et de leur faire découvrir les richesses de l’histoire et de la culture locales.

4. La réalité sociale dans laquelle vous vivez vous met en contact étroit avec la population qui, dans sa grande majorité, professe la foi musulmane. La déclaration Nostra Aetate du deuxième Concile du Vatican donne les indications claires, qui inspirent l’Eglise, pour le dialogue interreligieux. Il s’agit du respect de la conscience personnelle, du rejet de toute coercition ou de toute discrimination en ce qui concerne la foi, de la liberté de pouvoir pratiquer sa religion et de pouvoir en témoigner, ainsi que de la considération et de l’estime pour toutes les traditions religieuses authentiques. Dans notre marche vers le troisième millénaire, j’ai aussi rappelé que le dialogue entre les religions est une manière de réaliser la civilisation de l’amour, à condition d’être « cependant toujours attentifs à ne pas provoquer de dangereux malentendus, en veillant au risque de syncrétisme »[6].

5. Chers frères dans l’épiscopat, votre présence me rend proche de tous les fidèles de vos diocèses, auxquels je vous demande de transmettre mes chaleureuses salutations, spécialement aux familles et aux jeunes. Je les encourage à demeurer des fils de l’Eglise, par une foi solide, par une espérance profondément enracinée dans le Christ et par une inlassable charité. Dites-leur que ma prière les accompagne dans leur tâche de témoins du Ressuscité.

Je confie à l’intercession de la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, votre ministère et la vie de vos Eglises. Que le Christ vous éclaire et soutienne vos efforts constants, ainsi que ceux des prêtres, des religieux, des religieuses et des fidèles laïcs sur la terre d’Iran!

A tous, j’accorde la Bénédiction Apostolique.


[1] Ph 1, 1.

[2] Ignace d'Antioche, Lettre aux Magnésiens, XIII, 1.

[3] Cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, III, 1.

[4] Ph 4, 1.

[5] Enarrationes in Ps 48 (47), 14.

[6] Tertio millennio adveniente, 53.

 

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