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ADDRESS OF HIS HOLINESS JOHN PAUL II
TO H. E. MR BERNARD ANTON BANDARA GOONETILLEKE
NEW AMBASSADOR OF THE DEMOCRATIC SOCIALIST
REPUBLIC OF SRI LANKA TO THE HOLY SEE*

Thursday, 13 January 1994




Monsieur l’Ambassadeur,

1. J'ai un grand plaisir à recevoir les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République socialiste démocratique du Sri Lanka près le Saint-Siège. Je vous suis reconnaissant des salutations cordiales que vous m'apportez de la part du  Président, S.E. M. D.B. Wijetunge, et du peuple du Sri Lanka, et j'y réponds de même avec joie, en y joignant mes meilleurs vœux et l'assurance de mes prières pour la paix et le bien-être de la nation tout entière.

Parmi les grands défis de cette dernière décennie du vingtième siècle, se trouve celui consistant à découvrir une voie de promotion de la croissance - et parfois même de la survie - des sociétés plurireligieuses et multiraciales dans différentes parties du monde. Comme le montrent si tragiquement les événements qui se déroulent de nos jours, partout où l'intolérance et les luttes ethniques se glissent dans la vie sociale ou politique d'une nation, la paix est en danger et minée. En revanche, les différences religieuses, culturelles et ethniques au sein d'un pays devraient être jalousement protégées comme des dons qui aident les citoyens à apprécier l'unicité de la famille humaine dans la diversité naturelle et légitime de ses membres. Le Sri Lanka se trouve face à un très grand défi dans ce domaine.

2. Votre Excellence a fait mention de la longue tradition de liberté de religion dans votre pays. En effet, le Sri Lanka, en tant que nation, est fondé sur les principes des droits humains égaux pour tous et du respect de la liberté religieuse. Avec des citoyens qui professent le bouddhisme, le christianisme, l'hindouisme et l'islam, le Sri Lanka s'est efforcé avec vigueur d'offrir un exemple d'harmonie et de coopération religieuses qui, à leur tour, sont des facteurs essentiels de paix et de solidarité sociales et civiles.

3. En cette Année internationale de la Famille, il sera utile d'examiner le rôle de cette unité vitale de la société, en soutenant et garantissant le respect de la différence culturelle et ethnique. En tant que communauté fondamentale responsable de l'éducation des jeunes générations, la famille joue un rôle indispensable dans l'encouragement à la solidarité réciproque, sans prévention ni préjugé. Bâtie sur le fondement durable du mariage, cette communion intime de personnes apporte une contribution essentielle à l'éducation à une vie nationale basée sur les valeurs morales partagées, la solidarité commune et le respect des droits et devoirs de chaque citoyen. Au Sri Lanka, comme dans tous les pays, c'est à la famille que revient la tâche d'«humaniser» l'ordre social.

4. Je suis réconforté de savoir que votre nation oeuvre pour favoriser la paix en allégeant les aspects dévastateurs de la pauvreté. Lorsque les familles ne réussissent pas à subvenir à leurs besoins primordiaux d'une manière qui corresponde à leur dignité humaine, l'instabilité sociale s'installe. A l'intérieur des pays tout comme entre eux, l'abysse social et économique toujours grandissant qui sépare riches et pauvres est un sujet de vive préoccupation. Les nations n'atteindront un progrès authentique que si leurs dirigeants et leurs peuples ont l'audace de prendre des mesures garantissant une répartition honnête des biens et des ressources, et si le développement matériel est rapporté à un contexte plus large de progrès humain et social généralisé (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 1993, n. 5).

Une approche de la croissance qui ne serait que pragmatique, est insuffisante. La promotion du progrès soulève des questions éthiques auxquelles il faut répondre. En effet, les obstacles principaux au développement intégral d'une nation ne peuvent être vaincus qu'au moyen de décisions conformes à l'ordre moral, que doivent prendre les personnes auxquelles a été confiée la responsabilité du bien commun (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 35).

5. Dans l'accomplissement de leur tâche, les dirigeants doivent faire un effort particulier pour créer et encourager des conditions qui affermiront la vie familiale et assureront la contribution active des membres de la famille à la communauté plus large. Si une société veut résoudre ses problèmes économiques, culturels et sociaux, les valeurs éthiques et religieuses doivent modeler sa mentalité, son comportement et ses structures. Sans une «vérité dernière qui guide et oriente l'action politique... la liberté perd sa consistance et l'homme est soumis à la violence des passions et à des conditionnements apparents ou occultes» (Centesimus annus, n. 46). Le respect des normes universelles et immuables de l'ordre moral est la voie menant à la paix et la prospérité nationales et internationales.

6. A diverses occasions ces dernières années, j'ai exprimé ma préoccupation pour le conflit interne qui se déroule dans votre pays, un conflit qui a causé des milliers de victimes, infligé d'immenses souffrances et qui a eu un effet dévastateur sur la famille et la vie de la communauté. Votre Excellence a fait mention du fait que le gouvernement du Sri Lanka prend des dispositions positives pour restaurer la paix. Je peux vous assurer que le Saint-Siège soutient tous les efforts honnêtes visant à mettre un terme à l'effusion de sang, et qu'il tient beaucoup à ce que les civils innocents, particulièrement les femmes et les enfants, soient protégés contre toute forme de violence. Les hommes et les femmes de bonne volonté ne doivent épargner aucun effort pour surmonter une culture de violence qui désacralise la vie humaine.

Une paix durable ne peut être instaurée que si règne la confiance mutuelle entre les factions en lutte. Un respect total des règles de la loi et de l'ordre constitutionnel, la garantie de la sécurité et des droits donnés par Dieu à chaque personne, et la confiance mutuelle entre les personnes de races et de traditions différentes, sont les principes que chérit la grande majorité des Sri Lankais. Ces principes constituent la pierre angulaire d'une culture de dialogue qui exprimera la profonde aspiration de votre peuple à la paix et à la justice. «La disposition des parties à s'accepter et à dialoguer est un préalable indispensable pour arriver à une juste solution de problèmes complexes qui peuvent menacer sérieusement la paix» (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1989, n. 10). Rien ne devrait pouvoir contrecarrer la discussion et les négociations loyales, qui sont la voie obligatoire pour aller vers la paix.

Comme Votre Excellence l'a aimablement remarqué, l'Église catholique au Sri Lanka a une longue et vénérable tradition de service à la nation. Tandis que l'Église maintient soigneusement son indépendance vis-à-vis de l'État et son autonomie dans sa propre sphère d'activité, ses membres poursuivent activement le bien commun dans un esprit d'harmonie et de coopération avec tous leurs concitoyens. Les deux communautés, civile et religieuse, servent «la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes» (Gaudium et spes n. 76).

7. En accomplissant la mission qui lui a été confiée par Dieu, l'Église proclame la vérité sur l'homme – sa transcendance et sa place centrale dans la société. Elle contribue à la vie nationale «en éduquant la conscience de ses membres à l'ouverture aux autres, au respect de l'autre, à une tolérance qui va de pair avec la recherche de la vérité, à la solidarité» (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1991, n. VII). Les citoyens catholiques dans votre pays ont participé activement à la défense de la liberté et à la promotion des services de santé et d'éducation. En ce moment de la vie de leur pays, les Sri Lankais catholiques sont au nombre de ceux qui se consacrent aux œuvres de justice et de réconciliation. Comme disciples du «Prince-de-la-Paix» (Is 9, 5), ils luttent pour favoriser, au sein des familles et des communautés, un climat d'harmonie qui mènera à l'arrêt des hostilités et des attaques contre la vie humaine.

M. l'Ambassadeur, au moment où commencent vos responsabilités, j'ai l'espoir que les liens de compréhension et d'amitié entre le Saint-Siège et votre pays se renforceront toujours plus. Vous trouverez auprès des différents dicastères de la Curie romaine, l'aide nécessaire pour vous assister dans l'accomplissement de votre mission. Sur vous-même et tout le peuple bien-aimé du Sri Lanka, j'invoque de grand cœur les abondantes Bénédictions de Dieu Tout-Puissant.


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.4 p.7.

 

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