Index   Back Top Print

[ EN  - FR ]

DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
À S.Exc. M. SEMIH BELEN, NOUVEL
AMBASSADEUR DE TURQUIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*

Lundi 26 juin 1995

 

Monsieur l’Ambassadeur,

1. C’est avec joie que j’accueille Votre Excellence et que je Lui souhaite la bienvenue à Rome à l’occasion de la présentation des Lettres qui L’accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Turquie auprès du Saint-Siège.

2. Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur, des paroles aimables que vous venez de m’adresser et des vœux que vous m’avez transmis de la part de Son Excellence Monsieur Süleyman Demirel, Président de la République de Turquie. Je vous saurai gré de lui exprimer en retour mes souhaits déférents pour sa personne et pour sa très haute mission au service de tous ses compatriotes, ainsi que les vœux que je forme pour ceux qui ont la charge de servir la nation et pour tout le peuple de Turquie.

Vous avez évoqué l’entrevue que j’ai eue avec Monsieur le Président de la République alors Premier Ministre, à l’occasion de ma visite dans votre pays en 1979, pour la fête de saint André, en ces jours mémorables où j’avais rencontré le Patriarche Dimitrios I. Dans quelques jours, j’accueillerai avec une intense émotion son successeur, Sa Sainteté le Patriarche Bartholomaios Ier, réalisant ainsi un pas supplémentaire sur la voie de l’œcuménisme.

3. Je suis particulièrement sensible à vos paroles d’estime à l’égard des efforts déployés par le Siège Apostolique dans la vie internationale et à l’attention que vous portez aux graves questions de la paix, de la justice et du dialogue inter-religieux. Vous évoquez les conflits qui ensanglantent notre monde, et en particulier le continent européen. Dans ces luttes fratricides, c’est l’homme dans sa dignité qui est bafoué, ce sont des peuples tout entiers qui ne sont pas respectés dans leurs droits et dans leurs libertés fondamentales, souvent, comme vous le faites observer, en raison de différences ethniques ou même religieuses. Dans ce sens, il convient de souligner l’engagement des chefs religieux pour une meilleure entente entre les différentes religions, par un dialogue de plus en plus intense, dans un esprit de confiance mutuelle et de reconnaissance des richesses dont chaque famille spirituelle est porteuse. Vous savez l’attachement de l’Église catholique à la liberté de la foi et de la pratique religieuse qui, comme le disait le deuxième Concile du Vatican dans la Déclaration «Dignitatis Humanae» (Dignitatis Humanae, 3-4), est un droit non seulement pour les individus mais aussi pour les personnes lorsqu’elles agissent ensemble. Cette liberté fondamentale est pour tous les croyants une école d’humanité et de fraternité, comme je l’ai récemment rappelé dans mon Message à l’occasion du Lème anniversaire de la fin de la IIème guerre mondiale en Europe (Jean-Paul II, Message à l'occasion du 50ème anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, 12, die 8 maii 1995: vide supra, p. 1245 s.).

4. Les catholiques de votre pays, bien que peu nombreux, ont le souci de s’engager pleinement dans la vie sociale, dans la construction nationale et dans le dialogue islamo-chrétien. Je saisis cette occasion pour saluer chaleureusement, par votre entremise, la communauté catholique présente en Turquie. Les membres de l’Église ont à cœur de servir leur pays, de promouvoir les relations amicales avec l’ensemble de leurs compatriotes et de participer à la réflexion dans les domaines de la culture et de la famille.

Je voudrais vous exprimer la satisfaction du Saint-Siège pour les relations établies entre l’Université d’État d’Ankara et l’Université pontificale grégorienne, ainsi que pour les contacts pris avec le Président du Conseil pontifical pour la Culture, afin de développer des échanges intellectuels de haut niveau et de faire participer des universitaires catholiques aux recherches poursuivies dans le pays, comme ce fut le cas à travers des symposiums sur le philosophe et mystique turc Yunus Emre et encore sur les situations nouvelles dans le monde actuel, au moment du centenaire de l’encyclique «Rerum Novarum». Il convient aussi de mentionner l’activité des communautés religieuses dans le secteur sanitaire, qui est une des multiples formes de la solidarité entre les hommes. Comme leurs frères musulmans, les catholiques de Turquie puisent leur dynamisme dans leur pratique religieuse spécifique, nécessaire à leur foi, au sein de communautés vivantes qui se réunissent régulièrement autour de leurs pasteurs. Il est souhaitable que l’on continue à œuvrer pour la recherche d’une reconnaissance juridique toujours plus adéquate, dans le respect de la liberté religieuse et de la mission spécifique de l’Église catholique.

5. Depuis mars dernier, votre pays s’est engagé dans une nouvelle étape, dans la perspective de son adhésion totale à l’Union européenne. On ne peut que se réjouir de l’attachement de votre Gouvernement à cette participation plénière à la grande Europe des nations et des peuples, pour mettre en place des institutions politiques et économiques qui favorisent le bien-être spirituel et matériel des personnes et des communautés humaines. Par sa position privilégiée entre l’Occident et l’Orient, la Turquie a la vocation insigne au sein de l’Europe de créer des ponts entre des cultures différentes, de permettre des rapprochements entre des peuples aux sensibilités distinctes.
Par son riche patrimoine architectural, en particulier sur le plateau d’Anatolie, la Turquie détient une part de la culture antique du bassin méditerranéen. Aussi, la ville dans laquelle vous venez d’arriver ne vous sera-t-elle pas totalement étrangère. D’un autre côté, pour les pays de l’Europe occidentale, Antioche, Éphèse, Smyrne, Tarse, ou la Cappadoce sont autant de noms familiers, qui nous relient les uns aux autres, à travers l’histoire. Plus encore pour les chrétiens, ils constituent des hauts lieux de la foi et ils rappellent des personnalités célèbres par leur intelligence, leur culture et leur intense spiritualité.

6. Au moment où commence votre mission, je vous offre mes vœux les meilleurs. Soyez assuré que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs un accueil attentif et une compréhension cordiale, pour mener à bien votre activité.

Sur Votre Excellence, sur les dirigeants et sur le peuple de Turquie, j’invoque de grand cœur les Bienfaits du Tout-Puissant.


*Insegnamenti di Giovanni Paolo II, vol. XVIII, 1 p.1841-1844.

L’Osservatore Romano 27.6.1995 p.5.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n. 27 p.4.

La Documentation catholique n.2121 pp.722-723.

 

© Copyright 1995 - Libreria Editrice Vaticana

 



Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana