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MESSAGE-RADIO DU PAPE JEAN XXIII
POUR LA CLÔTURE SOLENNELLE DES CÉLÉBRATIONS DU PREMIER CENTENAIRE
DES APPARITIONS DE MARIE IMMACULÉE À LOURDES

Mercredi 18 février 1959

 

Très chers fils, en cette solennité de clôture du Centenaire des Apparitions de la Vierge Immaculée à Lourdes, Nous Nous sentons avant tout le devoir de remercier le Seigneur des grâces innombrables qu'il lui plut de répandre en ce sanctuaire vénéré, que si souvent dans le passé Nous avons eu la joie de visiter. Cette Année jubilaire fut une année de prières ininterrompues devant la grotte de Massabielle, aujourd'hui restituée avec bonheur dans la simplicité de sa ligne primitive. Elle fut une année de pèlerinages plus nombreux et plus fervents, qui demeurent à Nos yeux, par 1'ampleur des manifestations religieuses qui s'y déroulèrent, un motif de grande espérance. Par milliers, en effet, des chrétiens de toutes conditions et de toutes races sont venus à Lourdes, unis par une même foi et un même amour de leur Mère du Ciel. N'y étaient-ils pas comme les représentants de l'immense famille catholique et les témoins d'une communauté humaine qui se veut fraternelle et pacifique ? Bénie soit Notre Dame qui, en nous attirant vers son sanctuaire pyrénéen, a offert au monde cet étonnant spectacle d'universalité et de charité ! Et si, par delà les manifestations publiques, Nous évoquons 1'œuvre silencieuse de la grâce, Notre gratitude s'accroît encore. Combien d'esprits enténébrés reçurent à Lourdes la lumière, combien de cœurs tièdes ou endurcis la ferveur du retour à Dieu, combien de volontés chancelantes la force de la persévérance ! Dans le silence d'une muette prière ou au milieu des acclamations eucharistiques et mariales, les âmes généreuses ont trouvé la joie d'un don de soi plus total ; les malades y ont reçu, sinon toujours la guérison, du moins la résignation et la sérénité dans l'offrande de leurs souffrances, tandis que les mourants y apprenaient à faire en paix le sacrifice de leur vie. Quelle est belle aux yeux de Dieu cette histoire secrète, gravée seulement dans les cœurs : histoire des victoires de Dieu « qui nous a arrachés à l'empire des ténèbres pour nous transférer dans le royaume de son Fils Bien aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés ». En vérité, « miserieordias Domini in aeternum cantabo », car par les mains de sa divine Mère, le Seigneur a prodigué ses miséricordes dans cette cité de la prière, de la conversion et du miracle. Notre gratitude va aussi à tous ceux qui furent, au cours de cette année mariale les bons instruments de la Providence : le cher évêque de Tarbes et Lourdes tout d'abord, dont le zèle et la foi furent à l'origine de tant d'initiatives heureuses et dont la parole, éloquente et surnaturelle, ne se lasse jamais de redire aux pèlerins les maternelles bontés et les grandeurs de Marie ; son Coadjuteur, également aimé et apprécié pour son dévouement actif, sa bonté souriante, et pour la part qu'il prit à l'organisation des pèlerinages ; et autour d'eux, Nous voudrions mentionner tous leurs collaborateurs, grâce auxquels un temple nouveau s'ouvrit aux foules priantes, une cité de la charité se fit accueillante aux plus pauvres, et les secours spirituels des sacrements furent largement offerts à tous les fidèles. À Rome même, Notre Vénérable Frère le Cardinal Eugène Tisserant, Doyen du Sacré Collège, pour lequel Nous nourrissons une si vive estime, présida avec autorité aux activités d'un Comité international constitué pour le Centenaire de Lourdes, et il plut à Notre vénéré Prédécesseur de le choisir pour Son Légat a latere lors des fêtes grandioses du Congrès Marial International. À lui-même, et aux prêtres qui se dépensèrent si généreusement dans le cadre du Comité International pour le succès de l'Année Mariale, Nous adressons ici Nos chaleureux remerciements. Ces paroles de reconnaissance, pouvions-Nous jamais penser, lors de l'ouverture de ce Jubilé, que la divine Providence Nous réserverait la consolation de les prononcer aujourd'hui au nom de la chrétienté entière ? Pouvions-Nous le prévoir, le 25 Mars dernier, tandis que Nous avions le privilège de consacrer la vaste basilique souterraine S. Pie X, — aux lignes architecturales si neuves, — et la joie d'évoquer, dans Notre discours, les gloires mariales de la France ? Et quand, le même jour, Nous célébrions la sainte mémoire du Pontife qui fut Notre Prédécesseur sur le siège patriarcal de Venise, Nous ne pouvions pas davantage imaginer que Nous étions sur le point de lui succéder également sur le Siège apostolique de Rome.

Très chers fils, Nous rendons grâces à Dieu de Nous avoir ainsi ménagé, peu avant de Nous porter à ce faîte redoutable du Suprême Pontificat, cette halte priante auprès de Notre Dame et de Nous avoir permis, comme Élie montant à l'Horeb, d'y puiser en abondance les grâces de force et de paix, dont Nous devions avoir tant besoin dans la suite. Mais ce pèlerinage que Nous accomplissions alors n'avait-il pas, à Notre insu, un sens plus profond encore ? Vous vous souvenez en effet comment, par une disposition providentielle, le Pape Pie XI d'illustre mémoire confia au Cardinal Pacelli, son Secrétaire d'État, de nombreuses missions à 1'étranger, qui furent, en quelque manière, une présentation au monde de son si digne successeur. N'avons-Nous pas de même le droit de reconnaître aujourd'hui, dans la bienveillante autorisation que Pie XII Nous accorda de présider l'un des plus solennels anniversaires de ce Jubilé, comme une indication mystérieuse des desseins de la Providence, qui Nous préparait à la douce tâche de poursuivre, un jour prochain, l'action apostolique réalisée par Notre Prédécesseur à Lourdes ? Quoi qu'il en soit, — Nous ne saurions l'oublier, — le principal mérite de cette Année Mariale qui s'achève revient au Pape Pie XII. C'est lui qui voulut donner à ce Jubilé un exceptionnel éclat et, dans son ardente piété, il en espérait un grand bien spirituel pour l'humanité. Plusieurs années auparavant déjà, il voyait s'approcher avec joie le centenaire de ces apparitions, et, dès 1957, une Lettre Encyclique puis une Constitution Apostolique rappelèrent les liens historiques entre la Papauté et le sanctuaire pyrénéen, précisèrent les intentions du Jubilé et invitèrent les catholiques à un double effort de conversion individuelle et de restauration chrétienne de la société. À partir du 11 février 1958, le Pape multiplia ses Exhortations aux pèlerins de Lourdes et, moins d'un mois avant sa mort, dans un émouvant message-radio, il glorifiait une dernière fois la Vierge Immaculée de Massabielle et redisait son amour pour la chère France qui a l'honneur de posséder un tel sanctuaire. Bientôt devait s'éteindre cette voix paternelle, et Dieu rappelait à lui, en l'année dédiée à sa sainte Mère, ce grand serviteur de Marie, dont le Pontificat restera à jamais marqué par les actes solennels de culte marial que lui inspirèrent sa profonde dévotion et sa haute sagesse. Nous faisons Nôtres aujourd'hui très chers fils, ces appels et ces enseignements de Notre Prédécesseur. Comme lui, Nous désirons ardemment que la chrétienté se renouvelle dans un élan unanime de piété mariale, car celle-ci, comprise selon la doctrine de l'Église, ne peut que porter plus sûrement et plus rapidement les âmes vers Jésus-Christ, notre unique et divin Sauveur. À la suite des Pontifes qui, depuis un siècle, recommandèrent aux catholiques de se rendre attentifs au message de Lourdes, Nous vous pressons d'écouter avec simplicité de cœur et droiture d'esprit les avertissements salutaires — et toujours actuels — de la Mère de Dieu. Que nul ne s'étonne d'ailleurs d'entendre les Pontifes Romains insister sur cette grande joie spirituelle transmise par l'enfant de Massabielle. S'ils sont constitués gardiens et interprètes de la Révélation divine contenue dans la Sainte Écriture et la Tradition, ils se font aussi un devoir de recommander à l'attention des fidèles, — quand après un examen ils le jugent opportun pour le bien général, — les lumières surnaturelles qu'il plaît à Dieu de dispenser librement à certaines âmes privilégiées, non pour proposer des doctrines nouvelles, mais pour guider notre conduite : « non ad notam doctrinam fidei depromendam, sed ad humanorum actuum directiones ». Tel est bien le cas des apparitions de Lourdes, sur lesquelles d'excellents travaux historiques viennent encore récemment de projeter une lumière décisive. Nous avons choisi à dessein, pour cette solennité de clôture, la fête de sainte Bernadette, au jour anniversaire de la troisième apparition où elle entendit Marie lui promettre « non d'être heureuse en ce monde mais dans l'autre ». Et Nous adressant aux pèlerins de Massabielle, réunis autour de nombreuses personnalités religieuses et civiles qu'il Nous est agréable de saluer ici, Nous adressant aussi à tous ceux qui, par la voie des ondes, recevront ce message, Nous aimons leur proposer l'exemple de cette enfant, pauvre et inconnue du monde, mais privilégiée de Dieu et devenue la messagère de ses bienfaits. « Ce qu'il y a de faible dans le monde, dit saint Paul, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre la force ; ce qui dans le monde est sans naissance et qu'on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ». Modèle de la prière à Marie, exemple de force humble et souriante, éloquente par le silence même dans lequel elle s'est enveloppée une fois remplie sa mission, sainte Bernadette nous reporte comme irrésistiblement vers ce vrai centre spirituel de Lourdes, la grotte des apparitions, où les paroles de la Mère de Dieu ne cessent de retentir au cœur de ses enfants. Et en même temps la voyante qui eut le courage de quitter pour toujours ce lieu de l'ineffable rencontre nous rappelle que Lourdes n'est qu'un point de départ : la grâce qu'on y reçoit est un trésor que, loin d'enfouir stérilement, on doit faire fructifier pour la gloire de Dieu et le service de l'Église.

Très chers fils, notre siècle, vous le savez, voit se réaliser d'admirables progrès scientifiques, et l'humanité est comme saisie d'un frémissement d'orgueil devant les possibilités insoupçonnées qui s'offrent à elle. Et voici — en contraste — que, de Lourdes, un appel à l'humilité et à la prière nous est transmis par Bernadette : sans crainte, Nous l'adressons Nous-mêmes avec force à tous ceux qui courent aujourd'hui le risque grave d'être aveuglés par cette puissance de l'homme au point de perdre le sens des vraies valeurs religieuses. « Que sert à l'homme de gagner l'univers, s'il vient à perdre son âme ? ». De Lourdes, c'est encore un appel à la pénitence et à la charité qui nous parvient, pour nous détacher des richesses et nous apprendre à les partager avec plus pauvres que nous : et Nous le reprenons également à Notre compte, en ce temps où des millions d'hommes prennent conscience — parfois hélas dans la révolte — du scandaleux contraste entre le bien-être des uns et l'insuffisance vitale des autres. Priez donc Dieu avec confiance, très chers fils qui m'écoutez, et continuez avec courage à opérer, en vous et autour de vous, les redressements nécessaires demandés par Notre Darne. Que Sainte Marie-Bernard, de son sanctuaire nivernais où sa châsse précieuse ne cesse d'être visitée avec piété, veille sur le pèlerinage marial, désormais séculaire, dont elle fut l'instrument providentiel, dont nous avons déjà reçu tant de bienfaits, et dont nous attendons encore tant de grâces pour la France, pour l'Église, pour le monde ! Sur la chère cité pyrénéenne, dont Nous gardons si fidèlement le souvenir, sur les pèlerins innombrables qui en fréquentent le sanctuaire et y apprennent les voies qui conduisent à Dieu, sur les prêtres qui s'y dévouent au service des âmes, et en premier lieu sur l'évêque de Tarbes et Lourdes et son Coadjuteur, Nous appelons de grand cœur une large effusion de grâce. Et Nous vous en accordons pour gage, cher fils, Notre très paternelle Bénédiction apostolique.



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