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Message à la session extraordinaire de l’Assemblée générale
des Nations Unies convoquée pour examiner les problèmes
concernant les matières premières et le développement*

 

A Son Excellence le Docteur Kurt Waldheim Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies

Nous saisissons avec joie l’occasion de cette Session spéciale pour envoyer un message de soutien à l’Assemblée Générale au moment où elle aborde l’étude des problèmes concernant les matières premières et le développement. Notre profond intérêt pour ces réalités importantes de la vie humaine dérive de notre mission spirituelle au service de tout l’homme et de tous les hommes.

Nous savons toute l’importance et toute l’urgence des problèmes que cette Assemblée Générale s’efforce de résoudre par le réexamen des relations prédominantes existant entre les pays développés et les pays en voie de développement, ainsi que par l’effort pour jeter les bases de nouvelles relations qui élimineraient les inégalités existant entre les nations riches et puissantes, et celles dont le véritable développement est empêché par nombre d’obstacles. Il est de toute première nécessité pour la communauté mondiale de combler cet écart toujours croissant et de modifier les situations dans lesquelles les matières premières n’apportent pas aux peuples qui les produisent une juste et équitable mesure de bien-être humain.

Il est vident qu’aucun de ces problèmes ne peut être résolu par des politiques qui servent uniquement l’intérêt national particulier. Souvent, les nations sont aveuglées par l’égoïsme et empêchées de voir comment leurs propres intérêts authentiques sont compatibles avec les intérêts des autres états, et coïncident avec le bien général de la famille humaine tout entière. Il est donc impératif que les difficultés existantes puissent être résolues grâce à un dialogue entrepris dans un forum international où tous peuvent collaborer ensemble. Nous sommes convaincu que c’est seulement de cette manière qu’il sera possible de promouvoir les intérêts de la communauté humaine tout entière et de chacun de ses membres; que c’est seulement de cette manière aussi qu’il sera possible, pour le véritable bien de tous, d’aller au delà des intérêts acquis de nations ou de groupes de nations.

L’Eglise a toujours affirmé fermement sa conviction que toute solution acceptable doit être fondée sur la justice sociale internationale et la solidarité humaine, et doit être la mise en application de ces principes.

Les nations en voie de développement doivent persévérer dans leurs efforts pour promouvoir la véritable prospérité de leurs peuples, en utilisant toutes leurs énergies propres, et en instituant une coopération et un partage entre elles. Mais la justice internationale demande également que les nations riches et privilégiées fournissent un effort équivalent, en éliminant tous les obstacles dus à la domination économique avec les nations plus faibles, en rendant possible aux nations en voie de développement la mise en oeuvre de leur propre développement et l’exercice de leur rôle authentique dans les décisions qui touchent la vie même de leurs peuples. C’est seulement quand les nations en voie de développement auront les moyens de prendre en main leurs propres destinées qu’elles pourront à leur tour prendre pleinement leurs responsabilités à l’égard de la communauté fraternelle des nations.

Convaincu comme nous le sommes qu’un nouvel ordre dans le développement assurera la promotion de la paix et servira les intérêts authentiques de tous, nous faisons appel aux pays développés afin qu’ils fassent de plus grands efforts pour renoncer à leurs propres profits immédiats et pour adopter un nouveau style de vie qui exclura à la fois une consommation excessive et ces besoins superflus qui sont souvent créés artificiellement par une petite portion de la société en quête de richesses, qui utilise à cette fin les mass media. De même, il ne faut pas oublier qu’un style de vie fondé sur une consommation toujours plus grande a des effets nocifs sur la nature et l’environnement, et finalement sur la trempe morale de l’homme lui-même, et spécialement de la jeunesse.

Tous doivent faire en sorte que les richesses de ce monde servent au vrai profit de tous — selon la destination que leur a donnée le Créateur qui, dans sa généreuse providence, les a mis à la disposition de l’humanité entière (cf. Jean XXIII, Mater et Magistra, AAS 53 [1961], p. 430).

En demandant la réalisation de la justice pour chacun, nous estimons que c’est un devoir de lancer un appel spécial en faveur des nations les plus dépourvues de ressources naturelles ou des fruits de l’industrie. Méritant à bien des titres importants une priorité spéciale, ces peuples doivent recevoir les moyens qui les rendront capables d’accomplir leur destinée humaine.

Tous les pays doivent être conscients de leurs obligations dans ce domaine et des conséquences qu’entraîneront le succès ou l’échec de leurs efforts. Des rapports justes et équitables entre toutes les nations ne peuvent être promus que si toutes acceptent, dans un contexte international, de prendre les mesures nécessaires pour réviser certaines politiques suivies jusqu’à maintenant. Faute de quoi, il s’ensuivra, de la part des pauvres et des faibles, un désespoir qui les poussera à une recherche agressive de méthodes – autres que la coopération internationale – pour conquérir ce qu’ils considèrent comme leurs droits économiques.

A cet égard, nous nous sentons contraint d’affirmer une fois de plus que donner de l’aide – quelque louable et nécessaire que ce soit – n’est pas suffisant pour promouvoir la pleine mesure de la dignité humaine requise par la solidarité de tous les hommes, fils de Dieu. Les nations doivent réussir à créer des structures internationales nouvelles, plus justes et donc plus efficaces dans des domaines comme l’économie, le commerce, le développement industriel, les finances et le transfert des connaissances technologiques. Nous renouvelons le défi que nous avons lancé il y a trois ans quand nous avons affirmé que "il faut avoir le courage d’entreprendre une révision des rapports entre les nations,... de mettre en question les modèles de croissance des nations riches, de transformer les mentalités..." (Octogesima Adveniens, n. 43, AAS 63 [1971], p. 432).

Quels que soient les efforts inclus dans les exigences d’un tel programme, nous avons confiance dans la bonne volonté de tous. Bien plus, nous sommes convaincu que tous ceux qui croient en Dieu réaliseront de plus en plus que les exigences de leur foi incluent la justice et l’amour fraternel envers tous les hommes. Au premier siècle du christianisme, un illustre représentant de la fraternité de tous les hommes, fils de Dieu, a exprimé le défi universel de la solidarité humaine en disant: "Si quelqu’un possède les biens de ce monde et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme son coeur, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui?" (I Jn 1, 17).

A cause de la profonde conviction que nous avons exprimée personnellement devant l’Assemblée générale des Nations Unies, à savoir que "cette organisation représente le chemin obligé de la civilisation moderne et de la Faix mondiale" (Allocution du 4 octobre 1965, AAS 57 [1965], p. 878), nous n’hésitons pas à répéter l’invitation que nous avons par la suite lancée dans notre Encyclique sur le Développement des Peuples: "Délégués aux organisations internationales, il dépend de vous que les dangereux et stériles affrontements de forces fassent place à la collaboration amicale, pacifique et désintéressée pour un développement solidaire de l’humanité dans laquelle tous les hommes puissent s’épanouir" (Populorum Progressio, n. 84; AAS 59 [1967], p. 298).

Tous ceux qui poursuivent de tels buts, tous ceux qui s’efforcent sérieusement de trouver de justes solutions aux problèmes urgents que rencontre la société d’aujourd’hui, nous les assurons de notre prière et de notre constant soutien.

Du Vatican, le 4 avril 1974.

PAULUS PP. VI


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.16 p.2.

La Documentation catholique n.1653 p.401-402.

 



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