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DISCOURS DU PAPE PIE XII
À
UNE MISSION DE PARLEMENTAIRES DES ÉTAT-UNIS VENUE ENQUÊTER SUR LE PROBLÈME DES RÉFUGIÉS DE GUERRE*

Dimanche 2 octobre 1949  

 

Votre visite, Messieurs de la Chambre des représentants, Nous rappelle plus d’un souvenir agréable et ranime un espoir que Nous avons caressé depuis longtemps.

Nous avons à plusieurs reprises exprimé publiquement Notre sollicitude angoissée en faveur d’un règlement définitif de ce qu’on en est venu à appeler, d’un terme trop froid pour une réalité douloureuse, le problème des réfugiés. Vous comprendrez donc que Nous sommes prêt à accorder à des enquêtes comme la vôtre l’importance d’une délicate tâche professionnelle et la dignité d’une urgente mission de pitié.

Il est évident que ni la justice ni la pitié n’ont à gagner à une enquête qui conduirait uniquement à établir des culpabilités. Il est manifestement trop tard pour être seulement scandalisé ou pour se contenter d’une indignation, même justifiée ; et ce ne serait d’aucune utilité. La plaie des camps de détention en temps de paix, qui gâche les vies de frères et de sœurs innocents, et la situation de millions d’êtres qui se voient appelés du nom affreux d’ « expulsés » ne sont plus un simple motif d’humiliation et de regret. Il y a plus ici qu’un problème aigu qui se pose à la compassion chrétienne. Vous avez pu voir et juger par vous-mêmes : en ce moment la souffrance de ceux qu’on appelle les « personnes déplacées » constitue un appel plus urgent que jamais à une action commune, prompte et consciente de ses responsabilités

Un immense trésor de bonne volonté et un effort social éclairé, bien que défaillant par moments, ont déjà été consacrés à procurer des logements et un travail convenables à cette foule d’otages sans foyer et découragés. Le travail dévoué des organisations d’assistance et des organisations pour immigrants, avec lesquelles vous avez la sagesse d’entretenir des contacts étroits et féconds, est au-dessus de tout éloge. Nous n’avons pas manqué de leur donner des encouragements paternels et de l’aide matérielle, chaque fois que c’était possible ; bien que les moyens fussent limités, Nous le faisions de tout cœur.

Malgré les incommodités, les inégalités et les lenteurs qui sont peut-être inévitablement liées à l’action législative et administrative dans un domaine si complexe et si délicat, les bienfaits durables apportés jusqu’à présent à des centaines de milliers de personnes doivent vous donner confiance que la victoire finale ne saurait plus tarder et vous affermir dans la résolution inébranlable de veiller à ce que cette vision effroyable de délaissement humain soit bannie désormais de la conscience de l’humanité. Cette confiance et cette résolution, Nous les partageons, Nous sommes heureux de vous l’assurer.

Notre devoir de gardien du dépôt sacré confié à Notre charge Nous dicte une autre remarque, essentielle, à laquelle vous ne manquerez pas d’être sensibles. Différer plus longtemps encore la solution du problème des réfugiés ou montrer une prudence excessive comporte des dangers d’ordre politique, économique et même social. Mais si réels et graves qu’ils soient, ces dangers sont secondaires, ils sont la suite d’autre chose. Notre principale angoisse – et Nous sommes certain que vous la partagez au fond de vos cœurs – concerne le jugement que l’histoire et le Seigneur de l’histoire porteront sur l’accomplissement de ce très grave devoir des hommes les uns envers les autres et des nations les unes envers les autres ; le respect de l’image de Dieu même dans les plus faibles et les plus abandonnés de ses enfants.

Aucune raison d’État, aucun prétexte d’utilité collective – comme Nous avons eu l’occasion de le souligner une fois de plus il y a quelques jours à peine – ne sauraient justifier le mépris de cette dignité humaine et la négation de ces droits élémentaires de l’homme que le Créateur a imprimés dans l’âme de chacune de ses créatures.

Une fois de plus, Messieurs, soyez certains que Notre sympathie profonde et nos supplications devant le trône de la justice et de la miséricorde divines accompagnent tous vos efforts et ceux de vos collègues et collaborateurs de tout pays pour vous attaquer énergiquement aux derniers obstacles qui s’opposent encore à l’octroi de la pleine liberté humaine à nos chers réfugiés, prisonniers d’une espérance qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas laisser languir et mourir dans leurs cœurs.


* Documents Pontificaux 1949, p.437-439.

La Documentation catholique 1950 n°1063 col.305-306.



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