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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PROFESSEURS, ÉTUDIANTS ET AUX GROUPES
DE
L 'ENSEIGNEMENT LIBRE DE FRANCE*

Basilique vaticane - Lundi 10 avril 1950

Les multiples et pressants devoirs inhérents au déroulement de l'Année Sainte Nous obligent à mesurer soigneusement l'emploi de Notre temps, pour ne Nous refuser à personne, et souvent ils ne Nous laissent, à Notre vif regret, d'autre ressource que de joindre ensemble des groupes divers dans une audience collective. Parfois, cependant, le regret est compensé par d'heureux avantages, et c'est bien le cas aujourd'hui, où Nous avons le plaisir de voir en vous comme une large et imposante synthèse de toute l'activité éducative et scientifique de France : enseignement officiel, enseignement libre, enseignement à tous les degrés, depuis les plus modestes écoles populaires jusqu'aux facultés des grandes universités, étudiants faisant affectueusement couronne à leurs maîtres.

À vous Notre premier salut, professeurs et étudiants des Universités de France. Depuis les jours lointains du Moyen-âge, où la renommée de l'Université de Paris, « Mère des sciences », franchissant les frontières, la rendait fameuse au-delà des Alpes, jusqu'aux temps présents, l'histoire du développement et du progrès des instituts universitaires de votre patrie offre le vivant miroir d'un ample et profond mouvement de transformation, aujourd'hui encore en plein cours. Que l'on juge comme on voudra les étapes successives de cette évolution, ses lumières et ses ombres, ses effets bienfaisants ou sujets à caution, un fait est certain : nulle part au monde, la puissante impulsion, les vraies valeurs et les découvertes géniales, que la vie des universités et la science française ont fournies au patrimoine culturel commun de l'Europe et de l'humanité, ne sauraient être appréciées autant qu'ici, au centre et au cœur de la chrétienté, ici où les lettres de fondation de vos plus vénérables universités furent écrites, scellées et dotées de riches privilèges par Nos Prédécesseurs sur la Chaire de saint Pierre.

Dans votre présence personnelle ici même, dans le magnifique hommage de trois cent cinquante ouvrages de savants et hommes de lettres, Nous voyons l'affirmation, — honorable pour vous et, pour Nous, intimement consolante — du multiple et indissoluble accord de votre poursuite du savoir humain et du progrès scientifique avec le profond respect pour la vérité divine, dont l'enseignement, la défense, la conservation, l'interprétation est confiée à l'Église du Christ.

C'est que, entre les résultats certains des investigations scientifiques et les données de la foi, il n'y a et il ne peut y avoir aucune opposition irréductible. Quant aux divergences éventuelles, il faut les mettre au compte d'erreurs auxquelles facilement sont sujets les jugements humains, mais jamais elles ne sont attribuables à un contraste objectif et inconciliable entre la science et la foi.

Non, Messieurs, de la part de la foi les droits de la raison et le progrès du savoir n'ont aucune menace à redouter. Leur ennemi, ce n'est pas Dieu ; ce sont tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, ont renié ou écarté Dieu pour mettre à sa place une idole. Et qui oserait nier que notre temps glisse dangereusement sur la pente qui le mène au culte de fausses divinités, dont le service est incompatible avec la liberté morale et la dignité du savant ?

Votre présence ici affirme en même temps votre conscience de l'héritage spirituel, que la Rome chrétienne a transmis au monde entier. Retournez dans votre belle patrie avec cette conviction enracinée au fond de vos esprits et de vos cœurs. Demeurez-y fidèles dans vos chaires, comme sur le terrain de vos recherches. Qu'elle passe comme un fluide communicatif de votre âme à celle de votre jeunesse universitaire, tout attentive à recueillir votre enseignement. Maîtres et disciples, soyez, les uns et les autres, la noble élite, l'avant-garde intellectuelle de la France, d'une France, vers laquelle l'Europe, l'humanité, la chrétienté puissent fixer les yeux avec une nouvelle espérance, une confiance toujours grandissante.

Un second salut, et non moins cordial, à vous, représentants ici réunis de l'enseignement catholique en France, à vous, directeurs, maîtres, élèves.

Ouvrir, dilater, éclairer, orner progressivement l'esprit de l'enfant et de l'adolescent, qui s'éveille à la vie ; guider la jeunesse curieuse, ardente, saintement ambitieuse de découvrir la vérité, empressée à en cueillir les fruits sur toutes les branches du savoir ! Est-il tâche plus belle, plus étendue, plus variée dans les domaines de l'étude, une seule chose est en vue : l'acquisition, la possession de la lumière toujours plus pleine, toujours plus pure, pour l'aimer et pour la goûter, pour la défendre et pour la propager, pour la donner à tous, à chacun selon sa capacité, pour en multiplier et répandre partout les bienfaits.

Nous vous félicitons donc, vous, maîtres de l'enseignement catholique, dont la mission est bien lourde, dont la tâche semblerait parfois ingrate, si vous n'y étiez soutenus par votre idéal. Autrement, sans idéal, sans l'idéal le plus haut, qui donc aurait le courage, qui donc aurait le droit de sacrifier — en apparence — les recherches et les créations d'une vie intellectuelle qu'il sent en lui riche et exubérante, les conquêtes brillantes d'une vie apostolique qui frémit en lui, avide de se dépenser au service de l'Église et des âmes, les joies d'une vie de famille durant les heures peut-être très courtes de loisir au foyer souvent très modeste, mais assuré du lendemain ? Qui aurait le courage, qui aurait le droit de sacrifier tout cela pour se consacrer sans répit et sans réserve à instruire les enfants des autres, à l'âge étourdi où le profit et le progrès n'apparaissent guère, ou ne commencent à se laisser deviner qu'au moment de passer à la classe suivante ? Et de chacun l'on se demande : Quis, putas, puer iste erit ? (Lc 1, 66). Si fréquentes sont les déceptions, si nombreux et si amers les déchets ! Mais, grâces à Dieu, tandis que votre poitrine s'épuise à parler, vos yeux à déchiffrer et corriger les devoirs, votre cœur monte vers Dieu, vers le Christ, à qui vous voulez donner ces enfants, qu'il vous a confiés. Bon nombre vous devront, même s'ils vous oublient, la vigueur et la clarté de leur vie chrétienne, et la plupart des défaillants sentiront, à l'heure dernière, se réveiller les convictions et les sentiments de leur enfance. Le poète païen l'avait dit : « Quo semel est imbuta recens, servabit odorem testa diu » (Horat. Epist. 1. I, 2, 69). Mais comme cela est bien plus vrai de la jeunesse chrétienne !

Avec l'espoir et la confiance que, par la grâce de l'Esprit Saint, sous la protection de la Reine Immaculée Trône de la Sagesse, vous vous transformerez chaque jour de plus en plus en « lampes brillantes et ardentes » (cf. Jn 5, 35), Nous vous donnons à tous, à vos familles, à vos collègues, à vos disciples, Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XII,
Douzième année de Pontificat, 2 mars 1950 - 1er mars 1951, pp. 27-29
Typographie Polyglotte Vaticane

 A.A.S., vol. XXXXII (1950), n. 7 - 8, pp. 395 - 397.

 



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