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DISCOURS DU PAPE PIE XII
À L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE ET MINISTRE
PLÉNIPOTENTIAIRE D
E GRANDE-BRETAGNE,
S.E.M. WALTER ROBERTS
*

Samedi 23 juin 1951

Monsieur le Ministre,

En offrant à Votre Excellence une très sincère bienvenue comme Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire de Georges VI d’Angleterre, Notre première pensée tout naturellement est pour Sa Majesté, dont vous avez eu le privilège de Nous présenter les Lettres royales. Les cordiales salutations que Sa Majesté a désiré Nous renouveler en cette favorable occasion, Nous ont profondément touché, et Nous Nous empressons de vous demander de lui transmettre l’expression de Nos bons vœux ainsi que Notre prière que Dieu puisse répandre sur sa royale personne et tous les membres de la famille royale les bénédictions les plus choisies du ciel.

Votre Excellence a fait allusion, et avec raison, au conflit d’idées et de buts qui divise aujourd’hui le monde, politiquement et idéologiquement, avec les deux partis avançant certaines revendications, quoique évidemment dans un sens très différent, mais toutes trop souvent avec l’intention de masquer des desseins ultérieurs. Nous croyons que vos remarques peuvent s’appliquer exactement à ces deux importants sujets, depuis si longtemps sur les lèvres de tous et qui constituent le point central des discussions publiques: la liberté et la paix.

La liberté, en tant que base de relations humaines normales, ne peut être interprétée comme une liberté sans frein, qu’il soit question d’individus ou de partis, ou de tout un peuple, la collectivité comme on dit aujourd’hui, ou même d’un Etat totalitaire, qui veut utiliser n’importe quel moyen, sans scrupule, pour aboutir à ses fins. Non, la liberté est quelque chose de tout à fait différent. C’est le temple de l’ordre moral édifié sur des lignes harmonieuses ; c’est l’ensemble des droits et des devoirs des individus et de la famille – dont certains de ces droits sont imprescriptibles même lorsqu’un bien commun apparent peut les réclamer; – des droits et devoirs d’une nation ou d’un État et de la famille des nations et États. Ces droits et devoirs sont soigneusement mesurés et équilibrés par les exigences de la dignité de la personne humaine et de la famille d’une part et du bien commun de l’autre.

La paix ne peut être établie en obligeant le faible à se soumettre au fort. Non, c’est seulement la réalisation de la véritable liberté qui peut créer la vraie paix. Pendant les années de guerre, Nous avons saisi l’occasion pour désigner les bases et les exigences d’une paix véritable, en élevant Notre voix en un grave appel aux nations du monde, et spécialement à leurs dirigeants, pour étouffer et éliminer tous les sentiments de rancœur et de haine, tous les égoïsmes impies et méfiances réciproques, le tout dans un esprit de coopération fraternelle pour rendre hommage dans leurs vies et leurs conduites au principe que la parole donnée est une chose sacrée, que la pure force ne confère jamais un droit, que la sincérité, la courtoisie, la justice et une distribution équitable de la richesse sont indispensables à un monde en paix. Certainement c’est un but qui doit être espéré avec ferveur; bien qu’il semble reculer de plus en plus; et que nombreux sont ceux qui osent à peine espérer le voir atteint.

Et en vérité les dernières décades, avec la perspicacité suggestive d’un jugement pour ainsi dire apocalyptique du monde, ont démontré et averti que la liberté et la paix sont des valeurs spirituelles, qui ne peuvent être obtenues que par la foi en un Dieu personnel et une reconnaissance inconditionnée de la loi morale de la chrétienté. Elles donnent une preuve tangible que là où cette foi fait défaut, le temple de la liberté et de la paix repose sur le sable et que les deux conceptions ont perdu leur signification.

C’est donc, Monsieur le Ministre, tout ce qu’il y a de plus agréable pour Nous de savoir que Votre Excellence est pénétrée de cette foi et de cette vérité fondamentale et Notre joie est rendue plus profonde par votre affirmation que le gouvernement et les peuples, que vous représentez, possèdent des idéaux et des aspirations semblables à ceux proclamés par le Saint-Siège.

L’allusion, faite avec un sentiment si délicat par Votre Excellence, à votre prédécesseur immédiat ravive les souvenirs aimables d’un gentleman de noble allure, que la mort, suivant la volonté divine, a ravi d’une façon si inattendue au cercle de ceux dont il avait gagné à juste titre l’admiration et l’estime. Tout en ayant une pensée affligée pour cette perte, la longue et remarquable carrière de Votre Excellence dans des postes de haute responsabilité, qui donnent une preuve immédiate de la confiance de votre gouvernement en vos talents éminents et du succès avec lequel vous avez répondu à cette confiance, Nous donne l’entière assurance que, sous votre direction, la tradition de compréhension mutuelle et de collaboration amicale encouragée par votre prédécesseur sera efficacement poursuivie pour resserrer les liens qui unissent le royaume de Sa Majesté au Saint-Siège. Votre Excellence peut compter sur Notre entière confiance, et même temps Nous prions pour que Dieu veuille bénir vos travaux et rendre votre séjour à Rome heureux et fécond.


* L’Osservatore Romano. Édition hebdomadaire en langue française, n° 26 p.1, 2.

Documents Pontificaux 1951, p.255-257.



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