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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS MONDIAL DE DOCUMENTATION *

Mercredi 19 septembre 1951

Ce Nous est toujours une grande joie, vous le savez, Messieurs, d'accueillir les représentants les plus distingués de toutes les branches du savoir : des sciences exactes, physiques et naturelles, des sciences morales, historiques, économiques, sociales, des sciences philosophiques et religieuses. Et Nous suivons avec un égal intérêt l'activité des maîtres, qui, par amour pour elles, s'adonnent à ces sciences pures, spéculatives, rayons sur la terre de l'unique Vérité d'en haut, en vue d'en promouvoir toujours plus avant le progrès — et l'activité des praticiens qui s'attachent à en recueillir les acquisitions en vue de les appliquer au bien matériel, intellectuel et spirituel des individus et de la société.

Quel n'est donc pas, aujourd'hui, Notre plaisir de Nous trouver quelques instants au milieu de vous qui, dans un Congrès mondial de documentation, entendez mettre en commun les fruits d'innombrables recherches et travaux les plus divers, pour le plus grand profit de tous. L'étendue du champ que vous embrassez, la sphère de ceux à qui vous offrez un concours si précieux sont bien de nature à vous attirer la vive sympathie de quiconque est à même d'en apprécier et le mérite et la valeur.

Illimitée, pour ainsi dire, est la sphère de ceux qui sont déjà, qui seront dans l'avenir les bénéficiaires de la tâche assumée par vous.

Votre œuvre et son organisation répondent, en effet, à un besoin universel, ressenti non moins par les sommités les plus éminentes et les plus illustres que par les plus modestes commençants.

Faute d'un secours tel que celui que vous leur offrez, combien de débutants sérieux, capables de fonder les plus belles espérances, s'arrêteraient, effrayés devant une besogne qu'ils entrevoient encore imprécise, mais ardue, avant même de s'atteler à un travail dont ils sentent, avec raison, l'utilité. Combien, à peine hasardés les premiers pas, ou, au contraire, après avoir déjà fourni une assez longue et très pénible marche, se verraient, faute d'informations suffisantes et sûres, bloqués devant l'impasse sans pouvoir aller plus outre. Combien devant l'apparition d'un fait, d'une difficulté qui ont surgi à l'improviste en travers du chemin, s'apercevraient, un peu tard, qu'ils ont fait fausse route et qu'il leur faudrait tout recommencer sur nouveaux frais : bien peu en auraient le courage ! Ne parlons pas des étourdis superficiels qui s'aventurent allègrement sans même soupçonner la nécessité d'une sérieuse documentation. Ceux-ci ne méritent pas la peine que l'on se donnerait à la leur fournir : « guarda e passa » !

Les maîtres, parvenus à l'apogée d'une laborieuse et féconde carrière, ont, de tout temps, senti, vaguement peut-être sans en concevoir le mode ni oser en espérer la réalisation, le besoin d'un secours, du secours précisément que, aujourd'hui, vous leur offrez. Que l'on songe seulement un instant aux exaspérantes pertes de temps, à la fatigue énervante et stérilisante d'un savant, d'un écrivain, d'un conférencier, d'un homme d'action obligé de faire lui-même la chasse aux documents, d'assembler, de copier, d'ordonner, d'utiliser ses matériaux toujours très incomplets et, souvent, trop peu sûrs.

Il pourrait recourir à des collaborateurs, à des secrétaires. Soit ! Mais quand il aura trouvé l'homme doué de la sagacité, du sens critique, du « flair » des érudits, des aptitudes nécessaires à pouvoir l'aider utilement, celui-ci, conscient de ce qu'il pourrait faire de lui-même et pour son propre compte, se prêtera-t-il volontiers et avec constance à dépouiller archives et bibliothèques, à feuilleter livres et liasses, à établir et classer des fiches ? Quant au collaborateur ou secrétaire disposé et prêt à accomplir ce travail matériel monotone, il est bien à craindre, sauf exception, qu'il ne soit qu'une sorte de manœuvre d'un médiocre rendement.

Mais, du jour où les intellectuels trouveront à leur disposition et à leur portée un « service » sûr et complet — autant qu'il est humainement possible — d'information et de documentation, ils entreprendront avec goût et de bon cœur les travaux de haut intérêt qu'ils n'auraient eu la force, ni le temps, ni le courage, ni la possibilité de réaliser sans cet appoint.

Votre institution, Messieurs, est en effet précieuse aussi par la quasi-universalité de son objet. Cette extension en fait la grosse difficulté, elle en fait le grand prix ; elle est, d'ailleurs, indispensable. S'il est vrai que l'ampleur du champ cultivé et l'immense variété des cultures rend inévitable la spécialisation, il est vrai encore que cette spécialisation serait loin d'être suffisante qu'elle deviendrait facilement dangereuse, qu'elle resterait déficiente dans son propre domaine, si elle n'ouvrait, pour ainsi dire, des « fenêtres » sur toutes les autres spécialités. On l'a dit fort justement : « Tout touche à tout ». Toutes les branches de la science et de l'art se tiennent; il y a entre elles toutes comme un réseau de communications, d'interférences, qui appelle une synthèse.

Le génie d'un Platon, d'un Aristote, d'un saint Thomas d'Aquin, a su la réaliser de leur temps ; et c'est précisément en quoi consiste leur incomparable génie. De leur temps, disons-Nous. Dans l'état actuel des connaissances et des problèmes, Platon, Aristote, saint Thomas d'Aquin seraient les premiers à confesser leur impuissance.

Il faudrait multiplier à l'infini le nombre des spécialistes qui devraient leur être substitués. Mais le parallélisme des tâches de tous ces spécialistes ferait perdre l'intérêt et presque tout le fruit de l'unité. Ce n'est donc pas la multiplication des hommes qui importe par elle-même, c'est la collaboration de tous, tous apportant leur riche trésor ou leur petite obole à un fond commun, où ]es autres et eux-mêmes puissent venir puiser.

Oui, c'est là l'idéal et vous avez l'ambition d'y tendre. Mais s'imagine-t-on la difficulté, non pas tant de trouver des collaborateurs nombreux, compétents, serviables, que d'organiser le « service » ! Vous vous en êtes préoccupés, et c'est à quoi s'appliquent vos instituts, vos fédérations, vos centres, votre présent congrès. Cette organisation est, dans son unité, d'une complexité effrayante. Elle suppose — en coopération toujours, bien entendu, en liaison étroite et permanente — les « offices » les plus divers, dont votre programme donne une idée sommaire. Recherche et collection, parfois traduction de documents — dépouillement d'un nombre incalculable de livres, revues et journaux — transcription et reproduction, grâce aux procédés modernes, de copies en nombre suffisant, qui est parfois très grand — classement des pièces, des extraits, des fiches — index des renvois aux références multiples — mise à la portée des usagers ; et si l'on ajoute à cela la complaisance à guider, souvent à orienter ou conseiller les chercheurs, tout cela ne donne qu'un bref aperçu de l'immensité, mais aussi de l'utilité inestimable de la tâche assumée par vous.

Nous tenions, Messieurs, à vous adresser, conjointement à Nos éloges bien mérités, Nos encouragements chaleureux, car, par dessus l'intérêt scientifique, technique, si grand qu'il soit par lui-même, Nous voyons avec une joie toute paternelle votre œuvre de dévouement et d'assistance aux travailleurs de l'esprit. Que la pensée, qui vous a inspiré de l'entreprendre, vous soutienne dans vos efforts. Nous prions le Seigneur de vous en donner, dès ici-bas, la meilleure récompense dans le sentiment et la conscience des services rendus, et de tout Notre cœur, Nous vous donnons à vous, à vos collaborateurs, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XIII,
Treizième année de Pontificat, 2 mars 1951 - 1er mars 1952, pp. 249-252
Typographie Polyglotte Vaticane

 



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