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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX ÉTUDIANTS CATHOLIQUES
DE L'UNIVERSITÉ DE LA SORBONNE*

Salle des Bénédictions
Mercredi 8 avril 1953

 

Soyez les bienvenus, chers fils et filles de France, étudiants de Sorbonne, pèlerins d'Assise et de Rome, qui avez marqué les grands jours de l'année chrétienne par un effort commun de prière et de pénitence.

Au pays du Poverello, vous avez revécu de la manière la plus expressive l'émouvante liturgie de la Passion, et voici que vous débouchez maintenant à Rome dans la joie pascale. Le haut-lieu spirituel d'Assise vous a fourni un cadre pour évoquer l'Amour souffrant, et Rome vous accueille dans les splendeurs de l'Amour triomphant.

Vous n'avez pas comme l'Apôtre saint Thomas à voir et à toucher le Christ ressuscité pour croire à sa toute puissance; votre foi renouvelée vous assure que l'humble successeur de saint Pierre tient à son tour les clefs du Royaume des cieux, et c'est auprès de lui que vous venez achever votre pèlerinage. Aussi vous ouvre-t-il les bras, comme à des fils très affectueux et très obéissants.

Nous savons que deux d'entre vous, durant la Veillée pascale, ont reçu le Baptême. Comment ne pas évoquer ici, à Rome. le temps où cette profession de foi prenait en face du paganisme officiel de l'Empire romain la valeur d'une rupture avec le monde ancien et d'une entrée dans un monde nouveau, la jeune Église chrétienne ? Le poète Prudence, vers l'an 400, ne décrivait-il pas les longues files de catéchumènes passant devant les temples païens désertés, pour aller recevoir au Latran le signe sacré de la religion nouvelle ? (Contra Symmachum, lib. t v. 585 ss.). Aujourd'hui, ce sont en général les faux dieux qui ont l'air jeune, et l'Église qui semble vieille. Mais gardez votre assurance et ne vous laissez point tromper ! Si même, sans tenir compte de systèmes philosophiques, dont l'existence est fugitive comme celle des éphémères, on concède que certaines erreurs peuvent exercer sur l'humanité une longue et profonde influence, — elles suivent toutes cependant la loi de l'histoire qui, après l'ascension et l'apogée, amène le déclin et la chute. L'Église du Christ a reçu et recevra toujours de son divin Fondateur la force de braver cette loi. Sans cesse, elle rajeunit et survit à toutes les erreurs.

Avant même sa Résurrection, le Sauveur bien-aimé, que le peuple chrétien acclame en ces jours de Pâques, avait dit à l'Apôtre Thomas : « Je suis la voie, la vérité, la vie » (Io. 14, 6). Depuis qu'Il a vécu parmi les hommes, quelque chose a changé dans le destin même de l'humanité. La raison humaine invitée à accueillir des vérités qui la délivrent, le cœur humain admis à une intimité inconcevable avec son Auteur, toute l'humanité se serrant autour de l'Homme-Dieu comme une seule famille ; voilà le message joyeux et bouleversant que tout chrétien reçoit et doit transmettre. Trop peu de baptisés ont conscience de la grandeur de leur vocation.

Vous au contraire, vous en avez une juste et haute idée, et c'est pour le Père des fidèles une consolation de savoir avec quel sérieux on s'applique parmi vous à vivre une vie chrétienne authentique, vie intérieure, qui puise la lumière et la force aux sources de la foi, vie extérieure, riche d'exemples et d'initiative apostolique. Rien n'oblige davantage à monter que la volonté de faire monter les autres ; rien n'augmente le désir de la grâce divine comme l'impuissance constatée dans l'apostolat.

Chers fils et chères filles, s'il Nous faut vous adresser un message pascal, Nous aimerions vous dire : Restez des hommes de prière, d'une prière quotidienne, personnelle et fervente ; puisez aux flots de grâce des sacrements, surtout de la Sainte Eucharistie. On vous l'a souvent répété. Nous ne pouvons cependant Nous empêcher de le souligner, parce que c'est fondamental.

Imposez-vous des exigences morales, sans vous contenter du minimum. L'Église alors pourra aussi vous en imposer et elle doit le faire. Car ses tâches importantes au dedans et au dehors exigent — aujourd'hui plus que jamais, Nous le disons avec insistance — des chrétiens solides dans la foi et d'une vie irréprochable. Les lâches ne conquièrent pas la terre, ni n'emportent le ciel.

Dans vos études et votre recherche scientifique, soyez convaincus qu'entre des vérités de foi certaines et des faits scientifiques établis, la contradiction est impossible. La nature comme la révélation viennent de Dieu, et Dieu ne peut pas se contredire. Ne vous laissez pas déconcerter, même si vous entendez affirmer le contraire avec insistance, même si la recherche devait attendre pendant des siècles la solution d'oppositions apparentes entre la science et la foi.

Pratiquez l'amour du prochain et affinez votre sens de la justice sociale : mais une justice sociale pour toutes les conditions et toutes les classes. Que personne ne reproche à l'Église de ne pas aimer le travailleur. Quelques-uns pourraient être plutôt tentés de dire que, depuis quelque temps, malgré ses tâches les plus pressantes qui concernent l'au delà, elle a placé la question ouvrière trop à l'avant-plan de ses préoccupations. Mais ce reproche non plus, Nous ne saurions l'admettre. Tenez-y ferme : l'Église est l'Église de tous ; elle est là pour tous, et veut réunir tous les hommes en une famille, comme frères et sœurs dans le Christ.

Élargissez votre regard et votre cœur; étendez-les à tous les pays et à tous les peuples. Personne plus que l'Église catholique ne dispose de forces de réconciliation, de compréhension, d'unité, capables d'agir sur les convictions ultimes, les plus profondes, celles qui dominent la vie. C'est aux enfants de l'Église qu'il revient de mettre ces forces en œuvre; mais à vous, qui appartiendrez à la classe dirigeante, cette mission incombe tout particulièrement.

Vous avez des guides, qui vous parlent au nom de l'Église ; suivez-les, comme il convient à des jeunes, et préparez-vous ainsi aux tâches de demain. L'Église compte sur vous. Les talents, que vous avez reçus, ne les enfouissez pas. Rayonnez la lumière, soyez le sel de la terre, et vous aurez par surcroît le bonheur le plus pur, qui soit donné à un homme sur la terre : celui d'imiter Dieu.

Nous le demandons pour vous du fond du cœur à Notre Seigneur resuscité, et comme gage des faveurs divines, Nous vous accordons à vous-mêmes, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


* Discours et Messages-radio de S.S. Pie XII, XV,
 Quinzième année de pontificat, 2 mars 1953 - 1er mars 1954, pp. 47-49
 Typographie Polyglotte Vaticane.

 



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