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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU IVe CONGRÈS
INTERNATIONAL DE LA CÉRAMIQUE*

Mardi 5 octobre 1954

 

Au terme des réunions scientifiques et culturelles qui ont marqué votre 4e Congrès international de la céramique, vous avez désiré, Messieurs, venir jusqu'à Rome pour Nous rendre visite. Nous Nous faisons un plaisir de répondre à votre attente et vous souhaitons de tout cœur la bienvenue.

Il suffit de parcourir le programme des activités de votre Congrès pour en apercevoir la variété et l'intérêt. Non seulement vous avez étudié des questions théoriques et pratiques liées au développement actuel de la céramique, mais vous avez visité, dans le Nord de l'Italie, les centres de production les plus importants. Nous espérons que, de ces visites et des échanges de vue dont elles furent l'occasion, vous avez retiré d'utiles indications. Vous pourrez ainsi promouvoir dans vos pays respectifs, le perfectionnement des entreprises, auxquelles vous collaborez, et les mettre à même de répondre plus adéquatement aux besoins de l'économie actuelle.

L'art de façonner et de cuire la terre plastique pour en faire des briques, des tuiles, des récipients de toutes formes et des pièces d'ornementation, est l'un de ceux que l'homme exerce depuis les temps les plus reculés. Il est merveilleux de voir, dans les civilisations anciennes, quelle diversité d'emploi l'homme a su trouver pour ces produits d'une technique qui, suivant la matière utilisée et les ressources de l'artisan, peut être extrêmement simple, mais aussi d'un raffinement extraordinaire. Car, tandis qu'en modelant l'argile, l'homme obtient à peu de frais les ustensiles les plus indispensables à son existence, il éprouve aussi le désir de leur conférer plus de solidité, plus de finesse, d'en varier la forme et l'ornementation, de leur imprimer un caractère propre, qui reflète l'originalité de l'artisan. Il choisit donc la matière avec plus de soin, pour l'avantage de sa couleur, de sa plasticité ou d'une meilleure cuisson. Il la purifie de toute substance étrangère, et la pétrit à plusieurs reprises. Après l'avoir façonnée à l'aide du tour, cet instrument indispensable du potier, et dont la représentation apparaît déjà sur les monuments de l'Ancien Empire égyptien, on doit encore lui faire subir l'opération la plus délicate, celle de la cuisson. L'on devine quelles difficultés elle offrait, puisqu'il fallait obtenir, par des moyens assez rudimentaires, une chaleur uniforme, bien réglée et sans fumée. Les échecs sans doute étaient fréquents, mais on possède encore assez de merveilleux exemplaires pour admirer sans réserve les réussites des céramistes de l'âge classique.

Le progrès des procédés de fabrication allait de pair avec celui d'un autre élément important de la céramique, sa décoration. Dès les origines, divers artifices furent mis en œuvre pour conférer quelque lustre aux teintes de la pâte et en agrémenter la surface de dessins. Ceux-ci furent d'abord de simples lignes géométriques, puis des entrelacs plus ou moins compliqués. Mais le problème de la décoration ne trouva de solution vraie que par l'invention du vernis et des émaux. Grâce au vernis noir des Grecs, à l'éclat somptueux des émaux chinois, le décorateur put donner libre cours à son inspiration : scènes de la vie quotidienne, récits d'imagination, croyances religieuses, c'est toute l'existence humaine qui s'exprime sur les poteries artistiques, toute la sensibilité et l'âme profonde des peuples qui s'y reflète, s'y fixe pour ainsi dire et, avec elles, traverse les siècles d'une manière beaucoup plus sûre que par bien d'autres voies. La céramique livre ainsi à l'historien une collection de documents clairs, précis et d'une valeur inestimable.

À présent la science vient apporter largement sa contribution à l'industrie de la céramique, qu'il s'agisse de régler la température des fours, d'analyser leur atmosphère, d'étudier la composition et les propriétés des pâtes et des oxydes métalliques. Les modernes instruments de recherche, le microscope électronique par exemple, fournissent ici des renseignements nouveaux et combien précieux.

Mais pour Nous être arrêté sur l'emploi de la terre cuite dans la céramique fine, Nous n'oublions pas l'importance qu'elle garde toujours dans la fabrication des matériaux de construction. Les problèmes de la préparation de l'argile et de sa cuisson sont résolus en fonction des propriétés particulières que l'on vise : solidité, aptitude à résister aux sollicitations mécaniques ou aux attaques des agents atmosphériques. Bien que subissant la concurrence d'autres produits, ce type de matériel, que l'on s'efforce d'adapter toujours mieux aux divers modes d'utilisation, reste encore d'un usage universel. Aux matériaux réfractaires, qui répondent surtout aux nécessités industrielles, on demande de résister à des températures très élevées, de posséder un faible coefficient de dilatation et de supporter sans défaillance l'action mécanique ou chimique des substances, avec lesquelles ils entrent en contact. Nous pensons tout spécialement aux services qu'ils rendent comme revêtement des hauts-fourneaux.

Quelle évolution parcourue depuis les temps lointains, où l'homme, pour construire sa demeure, employait des briques d'argile séchée ! Le spectacle du potier, qui prend en main un peu de terre plastique, la dépose sur le tour et, en quelques instants, par le jeu de ses doigts, en tire un vase aux formes élégantes, n'est plus familier aux hommes d'aujourd'hui. Mais pour les peuples de l'antiquité qui le contemplaient si souvent, cette docilité totale de la matière dans les mains de l'ouvrier, la dextérité et le coup d'œil de celui-ci, offraient une éloquente comparaison et un symbole suggestif du souverain domaine de Dieu sur son œuvre. Plusieurs fois les textes sacrés de la Bible expriment de la sorte la soumission de l'homme à l'égard de son auteur; il est comme une poignée d'argile dans, la main du potier : image saisissante de la fragilité de la nature humaine et de sa dépendance absolue envers son Créateur. Mais tandis que le vase inerte est livré à autrui et abandonné de celui qui l'a fait, l'homme n'échappe pas un instant à la puissance créatrice. Jamais Dieu ne lui laisse courir seul les hasards de l'existence. Bien loin aussi de le traiter comme le ferait un naître insensible, il se plaît à l'entourer d'une inlassable Providence et à lui témoigner en outre la splendeur d'une affection toute paternelle.

Nous souhaitons, Messieurs, que les communications scientifiques et les visites, auxquelles votre Congrès a donné lieu, contribuent non seulement à l'avancement de l'industrie céramique, mais vous aident à apprécier plus exactement la signification culturelle d'une activité à ce point inséparable de l'histoire de l'humanité. Puissiez-vous en tirer de hautes leçons spirituelles et de puissants stimulants pour l'accomplissement de votre tâche quotidienne.

En appelant sur vous, vos familles et vos collaborateurs les faveurs de la divine Bonté, de tout cœur Nous vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVI,
Seizième année de pontificat, 2 mars 1954 - 1er mars 1955, pp. 189-191
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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