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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS À DES RÉUNIONS D'ÉTUDE ORGANISÉES PAR LE GROUPE NATIONAL ITALIEN « RINASCITA CRISTIANA »*

Lundi 29 octobre 1956

 

À l'occasion des journées d'étude qui réunissent à Rome le groupe national de Rinascita cristiana, vous avez désiré, chères filles, venir Nous présenter le témoignage de votre attachement. Nous sommes très sensible à cette marque de déférence, qui démontre votre volonté de resserrer les liens qui vous unissent à la Hiérarchie, et par elle à toute l'Église, afin de mieux contribuer à l'apostolat catholique par l'action dans votre milieu. Vous occupez dans votre mouvement des postes de responsabilité, qui supposent beaucoup de compétence et de zèle, car l'orientation des efforts de Rinascita, la méthode et l'ardeur, avec lesquelles ils sont poursuivis, le succès qui les couronnera, dépendent en grande partie de vous.

Aussi voudrions-Nous vous féliciter d'abord du travail, que vous avez accompli au cours de l'année 1955-1956. Votre objectif est bien clair : l'éducation apostolique des chrétiens du milieu bourgeois et l'action sur ce milieu par un effort, qui porte simultanément sur vous-mêmes et sur les autres, pour découvrir vos responsabilités dans tous les domaines : famille, profession, relations sociales, et amener tant les individus que les institutions à prendre une attitude, qui soit parfaitement d'accord avec l'idéal chrétien. Ce qui distingue votre méthode, et lui confère son attrait et son efficacité, c'est que vous n'entendez point aborder seulement des problèmes théoriques, ni entreprendre telle ou telle forme particulière d'apostolat, mais agir sur la mentalité du milieu bourgeois. Vous voulez modifier sa façon de penser, de juger et de vivre, après lui avoir montré, en le découvrant d'abord dans votre vie personnelle et communautaire, que ses attitudes concrètes sont souvent bien loin de ce qu'elles devraient être, bien loin de ce que propose un christianisme authentique.

Cette œuvre de rénovation prend naissance dans la réflexion et la prière quotidienne et se poursuit au sein de vos groupes, dans la discussion et l'échange des idées, qui permettent à chacune . de participer à l'expérience des autres et d'examiner cette lumière les données de sa propre expérience. Ainsi découvrez-vous peu à peu les composantes, qui forment votre mentalité avec toutes ses caractéristiques, bonnes ou mauvaises pouvez-vous entamer alors efficacement le renouvellement souhaité. Au point de départ, vous placez donc la méditation de l'Évangile, méditation attentive et prolongée, qui vous rend capables de porter sur les faits ordinaires de la vie quotidienne un regard nouveau et de déceler des failles qui auparavant ne vous apparaissaient guère. Jusque là, en effet, les habitude contractées et leur accord avec les normes reçues dans votre milieu vous empêchaient de percevoir un sentiment de malaise, qui aurait dû naître du désaccord de ces comportements avec ce qu'on attend d'un vrai chrétien, parfaitement fidèle à la doctrine qu'il professe. L'examen approfondi du texte évangélique, les lumières reçues dans la prière, les suggestions recueillies auprès des autres lors de vos échanges de groupe, mirent bientôt à jour les insuffisances de votre foi et les attitudes peu solides qui en découlaient. Parfois le patient travail de méditation et de réflexion, que le mouvement vous invite à faire chaque jour, a pu vous apparaître comme une chose onéreuse et difficile. Vous avez dû vaincre certaines résistances intimes ou certaines lassitudes pour continuer fidèlement cet effort, et aussi pour oser en communiquer le fruit au cours de vos réunion. Mais bientôt des clartés nouvelles ont traversé un horizon jusque là obscur, des perspectives inconnues s'ouvraient à vos yeux étonnés, des exigences plus impérieuses se réveillaient en votre âme. Il vous a semblé que le christianisme, tel que vous l'aviez pratiqué jusqu'alors, se contentait trop facilement de l'observation des commandements et des devoirs essentiels du chrétien sans vouloir progresser davantage ; sa sève était contenue et privée de sa vigueur ; la plante, qui aurait dû pousser loin ses ramures et devenir un grand arbre, se rabougrissait, se repliait sur elle-même comme fatiguée et prise de torpeur. Les échanges de Rinascita ont secoué cette léthargie ; vos yeux dessillés ont entrevu des lointains immenses. Le souffle véhément de l'Esprit Saint se levait à nouveau, comme au jour où Nicodème, allant trouver le Christ, entendit de ses lèvres la parole lumineuse : « Oportet vos nasci denuo », « Il vous faut naître de nouveau » (Io 3, 7) ; il faut que l'Esprit de Dieu reprenne en vous toute son impétuosité, qu'il vous traverse de ses inspirations et ressuscite sa charité.

En regardant votre milieu, en tâchant de le mieux connaître par vos enquêtes, vous avez dû d'abord faire œuvre de vérité, découvrir ses défauts et ses limites. Le programme de cette année, par exemple, vous invitait à étudier l'usage des moyens de diffusion de la pensée : conversation, presse, cinéma, radio et télévision. Vous avez constaté qu'on les utilisait la plupart du temps pour répondre à un intérêt égoïste, et que ce repli sur soi impliquait le refus de s'ouvrir aux autres, de s'intéresser à eux, d'assumer leurs difficultés. Votre sens chrétien, affiné par la prière et la réflexion, en a tiré une ligne de conduite pour l'action apostolique. Mais prendre conscience de ses propres manquements, et surtout en prendre conscience collectivement, et admettre les redressements nécessaires, c'est faire œuvre de bonté et d'humilité. Nul ne prétendra que ce soit facile ou agréable ; mais cette première étape reste absolument indispensable. Se voir et se juger, soi-même et son milieu, tel que l'on est devant Dieu : seule la grâce divine rend possible cette révélation, en même temps qu'elle fait sentir l'appel à la perfection de l'idéal manifesté par le Christ. N'est-ce pas le Seigneur lui-même qui se rend alors présent en chacun de ses membres : « Christum habitare per fidem in cordibus vestris » (Eph. 3, 17) : « que le Christ habite en vos cœurs par la foi ». Jeter sur le monde un regard identique au sien, partager les intentions qui l'animaient, son désir immense de rédemption, telle est la démarche spontanée de qui vit en lui et par lui.

Et cette foi, comme il est normal, s'épanouira dans la charité ; la vie nouvelle, germée dans votre âme, vous entendez la porter aux autres, faire en sorte qu'ils en vivent; vous voulez les transformer, non de l'extérieur par une action superficielle, mais de l'intérieur, pour qu'ils commencent eux aussi à voir ce que vous voyez et qu'ils en conçoivent le désir, d'abord incertain, puis mieux assuré, de se changer eux-mêmes et de devenir à leur tour, dans leur milieu, des foyers de charité chrétienne. Qui dit catholique, dit universel : rien n'est plus étranger au vrai disciple du Christ que l'esprit de caste, l'isolement, le repli sur soi, que vous avez dénoncé franchement. Cet obstacle, vous devez tenter par tous les moyens de le renverser. Mais ne vous étonnez pas s'il résiste tenacement et si, apparemment abattu il se redresse soudain. Car il possède, hélas ! des bases solides dans une nature affaiblie par le péché, il pèse sur elle de tout son poids et retarde ses élans. C'est sur tous les plans qu'il faut batailler sans relâche, pour élargir les façons de penser, pour purifier les intentions, se débarrasser de toute étroitesse de vue. Au contact des moindres faits de l'actualité, il s'agit de déclencher le réflexe juste, désintéressé, inspiré de la vie de foi et des exigences de la charité. Mais quelle lutte avant d'en arriver là ! Vous vous apercevez bientôt, en suivant cette route, qu'elle conduit au sacrifice, qu'elle impose le pardon des offenses, le mépris de l'argent, le détachement du cœur, en un mot, qu'elle entraîne à la suite du Christ souffrant. Et n'est-ce pas nécessaire si vous ambitionnez de continuer son œuvre, de participer avec lui à la rédemption du monde ? Ici, plus de limite précise : personne ne vous dira jamais que vous avez assez travaillé ou peiné, pour contenter Dieu et pour étendre son Royaume. Le Seigneur vous demande au contraire une générosité, qui ne connaît pas de frein, il vous propose un apostolat qui s'ouvre sur le monde entier, même si son objet immédiat reste bien déterminé.

Vos désirs présents sont-ils à la hauteur de pareil programme ? Nous le croyons, chères filles ; car si Dieu a mis en vous la volonté de le servir mieux et de répondre sincèrement à ce qu'il attend de vous, il y a déposé en même temps la force d'accomplir ses desseins, l'humble désir d'être associé à ses peines et l'espoir de participer un jour à son triomphe.

Il vous paraît peut-être que vos ressources spirituelles ne suffiront pas pour atteindre un but si élevé, mais la grâce parle la première ; elle vous fixe le terme et vous assure le secours efficace pour y arriver. Dans la mesure où vous lui serez fidèles, vous exercerez autour de vous cet apostolat, qui est un débordement de vie intérieure, un témoignage du surnaturel et de sa puissance de rénovation dans un monde, que le péché a divisé, fermé sur lui-même, rendu opaque aux vraies valeurs de vie. Que le Saint-Esprit, « fons vivus, ignis, caritas », vous éclaire et vous anime ! Qu'il dirige vos efforts et leur donne la fécondité. Ainsi le mouvement de Rinascita pénétrera-t-il chaque jour da- dans le milieu, où Dieu vous a placées pour y étendre son règne.

En gage des faveurs divines que Nous appelons en abondance sur vous-mêmes, sur vos foyers et sur tous les membres de votre mouvement, Nous vous accordons de tout cœur Notre paternelle Bénédiction Apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVIII,
 Dix-huitième année de Pontificat, 2 mars 1956 - 1er mars 1957, pp. 639 - 643
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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