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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX SÉMINARISTES DU MOUVEMENT JEUNES
SÉMINARISTES DE FRANCE
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 Jeudi 4 septembre 1957

 

C'est une grande joie pour Nous, chers fils, de vous accueillir ce matin, au terme de votre pèlerinage à Rome. Depuis des mois en effet, Nous étions au courant de vos efforts et de la générosité, avec laquelle vous prépariez ce dixième anniversaire du Mouvement qui vous unit. Nous savions vos sacrifices, vos prières, vos recherches dans les trésors du dogme, de la liturgie, de l'histoire, pour faire de ce beau voyage beaucoup plus qu'un déplacement de vacances, une étude enrichissante, une grâce surnaturelle, une étape décisive dans votre vie et dans la vie du Mouvement « Jeunes Séminaristes ».

En saluant ici les maîtres nombreux, qui vous ont accompagnés et qui représentent avec vous les quelque cent petits séminaires de France, comment ne pas évoquer l'idéal sublime, qui vous rassemble et qui vous a conduits par un élan du cœur, non moins que par une vue de foi, vers le successeur de Saint Pierre ?

Elèves et maîtres, ne pensez-vous pas uniquement au sacerdoce, les uns pour y aspirer, les autres pour le servir ? Or, vous le saviez, en venant à Rome, c'est un véritable pèlerinage aux sources du sacerdoce, que vous accomplissiez. Dès le troisième siècle en effet, saint Cyprien, évêque de Carthage, ne parlait-il pas au pape saint Corneille de « cette chaire de Pierre et cette église principale, d'où l'unité du sacerdoce tire son origine » « ad Petri cathedram atque ad ecclesiam principalem unde unitas sacerdotalis exorta est » ? (S. Cypriani Ep. LIX c. 14 - Ed. Hartel, Corp. Script. Eccl. Lat. vol. 3 p. II pag. 683). Cette formule, qui renferme une des affirmations les plus précieuses pour l'histoire de la primauté pontificale, vous l'aurez lue en lettres gigantesques au-dessus de la tombe de saint Pierre : « Hinc sacerdotii unitas exoritur ».

D'ici, de cette humble sépulture d'un témoin du Christ, se répandent à travers le monde des fleuves de grâces. D'ici, de cette chaire de Pierre, ses successeurs exercent, avec l'assistance infaillible de l'Esprit Saint, leur rôle de docteur et de guide ; ils conservent le dépôt de la Tradition, commentent l'Ecriture, gouvernent et sanctifient toute l'Eglise catholique par l'exercice de leurs pouvoirs d'ordre et de juridiction.

L'ancienne capitale de l'empire romain, dont vous avez visité les ruines prestigieuses, a été la terre d'élection, dans laquelle le grain de sénevé de l'Evangile s'est fixé. Pierre lui-même était, à l'image de son Maître, le fondement de l'Eglise, car il portait en lui une force unique. Ce rude pêcheur de Galilée est le seul homme, a qui Dieu a confié les clefs du Royaume, le seul à qui ait été garantie la victoire définitive sur le mal, le seul qui ait reçu la charge de conduire l'humanité entière vers la vérité totale et vers la vie éternelle, en nom et place de Jésus Christ lui-même.

C'est au sacerdoce du Christ que vous espérez participer pour rendre à Dieu le plus grand honneur et à vos frères les hommes le plus grand service qu'on puisse imaginer. De quoi donc les hommes ont-ils le plus besoin, aujourd'hui comme toujours ? De quoi, sinon de connaître et d'aimer Dieu, le vrai Dieu, tel qu'il s'est historiquement révélé. Or, vous le savez, donner Dieu aux hommes et les hommes à Dieu est une tâche si haute qu'on ne peut l'aborder sans une grâce particulière. Notre-Seigneur cependant a voulu faire cet honneur non seulement à quelques-uns de ses contemporains, mais à tous ceux qui, répondant à sa volonté de sauver tous les hommes et de les amener à la connaissance de la vérité (cf. 1 Tim. 2, 4), seraient acceptés par l'Eglise pour cette mission.

Le sacerdoce catholique est à juste titre l'une des gloires les plus pures de l'Eglise et l'une des marques les plus frappantes de sa sainteté. Aussi l'a-t-elle entouré au cours des siècles de soins toujours plus attentifs. Malgré la faiblesse de la nature humaine, elle a maintenu très haut son idéal de vie, sans épargner aucune peine pour faire de ses prêtres des hommes de Dieu et des hommes d'Eglise, vraiment capables de prendre en charge une partie du troupeau du Christ et d'en rendre compte à Dieu au jour du jugement. Elle a ordonné de façon toujours plus précise et plus exigeante leur formation, intellectuelle, morale et pastorale. Après avoir imposé l'érection des grands séminaires dans les diocèses, elle a créé ensuite des établissements spéciaux destinés aux candidats à la vie ecclésiastique, et, bien loin de se repentir d'une telle institution, elle s'en félicite en constatant les heureux fruits des petits séminaires, aussi bien pour les études que pour la formation du caractère.

Vous devez vous réjouir tout d'abord de faire des études classiques, car elles demeurent inégalées pour exercer et développer les plus précieuses qualités de l'esprit : pénétration du jugement, largeur de vues, finesse de l'analyse et dons d'expression. Rien n'aide à comprendre l'homme d'aujourd'hui comme l'étude approfondie de son histoire ; rien n'apprend à peser la valeur des mots, à saisir les nuances d'une pensée, la logique d'une composition et la solidité d'un raisonnement, comme le travail de la version et du thème sur les langues classiques. Pour vous, Français, latin et grec sont d'ailleurs à l'origine de la langue et de la littérature nationales ; mais tout homme d'Eglise se doit de pouvoir lire dans l'original les documents les plus importants et les plus vénérables de l'Ecriture et de la Tradition.

Durant le bref séjour que vous venez de faire à Rome, vous avez vu beaucoup d'inscriptions grecques et latines, qui demeurent dans les anciens cimetières et les Musées, sur les monuments païens et chrétiens. Vous savez que la littérature chrétienne ancienne constitue un immense trésor de science et de piété, sur lequel se penchent avec admiration de nombreux savants du monde entier. Il ne sera pas possible à chacun de vous de se livrer à des études spéciales et approfondies, mais quelle joie pour un chrétien d'entrer en contact immédiat avec ces textes et d'entendre résonner aujourd'hui la voix puissante des Pères de l'Eglise, d'un Chrysostome ou d'un Augustin !

Les études solides ne sont pas toutefois le seul bienfait ni la raison d'être principale des petits séminaires. Une saine pédagogie chrétienne, confirmée par de longs siècles d'expérience, enseigne que la personnalité véritable, la vertu solide, les convictions profondes, ne se forment pas au hasard et comme à l'aventure. La vie est trop brève, les années de l'adolescence et de la jeunesse trop décisives et trop délicates, pour n'avoir pas un impérieux besoin de direction et de protection. Le jeune homme, qui porte au cœur le désir du sacerdoce, doit mûrir dans le climat le plus favorable à un choix lucide ; l'éducation de sa volonté encore fragile demande à être conduite avec prudence et respect. Aussi trouvera-t-il dans les petits séminaires des conseillers et des maîtres pleins d'expérience et de sollicitude, qui guideront ses pas, stimuleront son intelligence, développeront sa générosité et le sentiment de sa responsabilité dans la bonne marche du séminaire.

Chacun de vous sait par expérience les vicissitudes de la vie intérieure. C'est une flamme irrégulière, parfois dévorante, parfois languissante, sur laquelle influent non seulement les vents du dehors, mais aussi les troubles et les tempêtes de l'âme, l'inexpérience ou les simples appréhensions et maladresses du sujet. Il est donc bien inutile, il serait le plus souvent imprudent, et parfois même téméraire, de l'exposer à des tentations supplémentaires. Si les petits séminaires sont tellement utiles et bienfaisants, c'est que leur institution repose sur une connaissance exacte des besoins de l'adolescence et de la jeunesse chrétienne. Les familles peuvent donc faire confiance à la sagesse de l'Eglise pour juger des aptitudes au sacerdoce et des moyens les plus adaptés pour y préparer.

Les maîtres, qui se dévouent sans compter à créer dans les petits séminaires de véritables foyers de culture solide et de vie spirituelle profonde, méritent les éloges et les encouragements de leurs Evêques, et c'est une consolation pour le Pasteur suprême de penser au zèle de ces hommes de confiance, sur qui repose pour une bonne part la valeur future du clergé de France.

Le Mouvement « Jeunes Séminaristes », qui aide les aspirants au sacerdoce à mieux SERVIR dès maintenant, n'a pas peu contribué à augmenter leur fierté et leur ardeur, à les faire entrer plus profondément dans la vie catholique de l'Eglise, à leur donner une conscience plus vive des besoins des âmes, des exigences de leur vocation, de la part qu'ils doivent prendre au souci pastoral de leur Evêque. Que le Maître de la moisson daigne envoyer des recrues de choix dans les petits séminaires. Certes il ne restera pas sourd aux prières des jeunes, qui l'implorent à cette intention.

En vous disant adieu, Nous vous remercions, chers fils, d'avoir donné un bel exemple de foi et de générosité dans la préparation et la réalisation de ce pèlerinage. Emportez de Rome une ardeur renouvelée et quelque chose aussi de sa patience séculaire pour mieux comprendre et accepter le rythme de la vie intérieure et ses exigences : il faut de longues années pour former un prêtre, mais elles ne suffiraient pas encore, si un effort constant et humble ne venait chaque jour continuer et pousser inlassablement vers une plus grande perfection l'œuvre entreprise. Le Christ est la vigne, vous êtes ses rameaux : c'est en Lui et en Lui seul, que vous porterez du fruit (cf. Io. 15, 1-5 ). Aussi est-ce à Notre-Seigneur que Nous vous confions, en appelant sur vous, sur tous les petits séminaristes de France, sur leurs familles et sur tous ceux qui contribuent à leur formation, la plus ample et la plus paternelle Bénédiction Apostolique.


* Discours et messages-radio de S. S. Pie XII, XIX,
 Dix-neuvième année de Pontificat, 2 mars 1957 - 1er mars 1958, pp. 361-365
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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